La reprise du dialogue lundi au Nicaragua semblait compromise au lendemain d’une journée de violences où au moins 14 personnes ont été tuées dans le sud-ouest du pays lors d’affrontements entre des forces gouvernementales et des opposants au président Daniel Ortega.
Vendredi, au milieu d’un nouvel épisode de violence dans ce pays secoué par une vague de contestation exigeant le départ du président, l’Église catholique, qui fait office de médiatrice, a annoncé une reprise du dialogue lundi entre le gouvernement et l’opposition.
Mais cette nouvelle tentative, qui suit plusieurs rencontres sans résultat, semblait incertaine après l’incursion des forces antiémeutes et des paramilitaires dans les villes de Diriamba et Jinotepe pour démanteler des barrages érigés par des opposants.
« La Conférence épiscopale va sérieusement réévaluer la poursuite » de sa médiation, a déclaré dimanche dans son homélie l’évêque auxiliaire de Managua, Mgr Silvio Baez.
« Nous ne pouvons pas continuer à nous asseoir avec les représentants d’un gouvernement qui ment, qui n’accepte pas sa responsabilité et continue à attaquer et massacrer la population », a taclé Mgr Baez.
Le prélat a averti que l’Église continuerait à parier sur le dialogue, mais « s’il se rompt », ce sera en raison de « la dureté du coeur, la fierté, l’ambition du pouvoir de ceux qui détiennent l’autorité politique au Nicaragua ».
« Ils seront responsables, si le dialogue se rompt, de ne pas avoir voulu une sortie pacifique de cette crise nationale qu’ils ont eux-mêmes provoquée et l’Histoire les jugera intransigeants, menteurs et arrogants », a-t-il déclaré.
Lundi, le climat était toujours tendu à Diriamba, à 45 km de Managua: une cinquantaine de civils cagoulés et équipés de drapeaux du Front sandiniste étaient postés devant la basilique de Saint-Sébastien où des manifestants étaient réfugiés depuis dimanche matin, a constaté l’AFP.
« On n’a pas pu dormir, ni manger, ni se laver car on est cernés. On attend que des organismes des droits de l’homme ou que quelqu’un vienne nous sortir de là », a raconté à l’AFP au téléphone un jeune depuis l’intérieur du bâtiment.
« Une horreur »
La vague de protestation au Nicaragua, déclenchée le 18 avril par une réforme de la sécurité sociale, vite abandonnée, cible le chef de l’État et son épouse Rosario Murillo, accusés de confisquer le pouvoir et de brider les libertés. Elle a déjà fait quelque 250 morts et près de 2000 blessés.
Comme l’opposition, l’Église catholique du Nicaragua a appelé le président Ortega, 72 ans, à organiser des élections générales anticipées en mars 2019 au lieu de fin 2021, date de la fin de son mandat.
Mais l’ex-guérillero sandiniste, au pouvoir depuis 2007 après l’avoir déjà été de 1979 à 1990, a exclu samedi d’avancer la date des élections, qualifiant publiquement ses opposants de « groupe de putschistes » lors d’un rassemblement de ses partisans à Managua.
Pour accentuer la pression sur le chef de l’État, l’opposition nicaraguayenne a annoncé une grève générale de 24 heures pour vendredi, précédée d’une manifestation jeudi.
L’opération de dimanche a marqué les esprits.
« Ça a été une horreur. Il y a au moins 14 morts, mais cela pourrait être plus. Ce nombre inclut au moins un membre des forces antiémeutes, un paramilitaire et deux policiers », a déclaré à l’AFP Vilma Nunez, présidente du Centre nicaraguayen des droits de l’Homme (Cenidh).
Des hommes en tenue civile, avec des capuches noires et fortement armés, sont entrés avec la police à 6 heures du matin dans ces deux localités du département de Carazo, où ils ont détruit des barricades, au milieu de tirs nourris, ont indiqué des témoins et des associations de défense des droits de l’homme.
« La situation est grave », a déclaré le secrétaire de l’Association nicaraguayenne pour les droits de l’Homme (ANPDH), Alvaro Leiva, dénonçant une « répression disproportionnée » de la part des forces pro-Ortega.
La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), qui enquête depuis début juillet sur les violences au Nicaragua dans le cadre d’un mandat de six mois, a exhorté les autorités à démanteler « les appareils répressifs progouvernementaux » qui opèrent dans le pays.