Attitude des gouvernements français et œuvre de démolition de la langue française et de la Francophonie : 2007/2014

par Albert Salon ancien ambassadeur

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Suicide linguistique

Attitude des gouvernements français
et œuvre de démolition de la langue française
et de la Francophonie : 2007/2014


Graves atteintes tolérées, voire portées, depuis 2007 au texte et surtout à l’esprit de la Constitution (art.2) et de la loi Toubon.


Cela malgré les discours des deux Présidents de la République successifs, à partir de celui, de campagne, de 2007 à Caen, dont il convient de souligner l’excellence :


(1) 2007/2012 :


- En janvier 2008, les parlementaires français ratifient le Protocole de Londres et le renoncement à l’exigence de traduction intégrale des brevets européens. Il n’a pas été tenu compte de l’avis très défavorable de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF).


- En janvier 2009, les représentants de la France ont renoncé au rang de langue de travail du français au sein de l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA), et poussé les autres pays de la Francophonie à faire de l’anglais la seule langue, entérinant ainsi l’hégémonie linguistique anglo-saxonne, contre les intérêts de tous les francophones.

L’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) tente un rattrapage consistant à faire évoluer le régime linguistique de l’IRENA vers le plurilinguisme : avec quel appui français ?


- En juin 2009, le Conseil Economique, Social et environnemental (CESE) écrit dans un rapport » que « le recours à l’anglais comme code commun se généralise, sans que cela soit nécessairement une menace pour la diversité des langues. C’est une facilité dont certains Français hésitent encore à se servir, alors que, pour d’autres, c’est la solution miracle ».


- En juin 2010, l’arrêté ministériel instituant l’anglais comme seule langue obligatoire pour l’épreuve orale du concours d’entrée à l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) est validé par le Conseil d’Etat.


- En janvier 2012, l’Agence française pour le Développement (AFD), établissement public agissant pour le compte de l’Etat, émet un appel à projets pour une conférence le 14 juin à Paris. Elle exige de la part des soumissionnaires francophones des réponses exclusivement en anglais. Saisis par nos associations, les pouvoirs publics compétents n’ont pas réagi.


- Plus insensiblement, le français en France a perdu d’autres positions au cours de ce quinquennat. Ainsi, les autorités de l’aéronautique civile, du transport et du contrôle aérien français ont achevé d’imposer l’usage exclusif de l’anglais dans ces domaines. Il en est allé de même dans les sciences et la recherche, pour les appels à projets de l’Agence nationale de la Recherche (ANR). Un recours de nos associations fut rejeté par le Conseil d’Etat.


- Dans les institutions européennes, le gouvernement français n’a fait montre d’aucune fermeté ni opiniâtreté pour maintenir les positions de la langue française, attaquées quotidiennement par nos partenaires-adversaires ; il a même toléré que ses instructions et circulaires, notamment celle d’avril 2004 de M. Raffarin, fussent ignorées et bafouées par ses propres fonctionnaires, voire par ses ministres.


- En ce qui concerne la francophonie mondiale, insensiblement au cours de ces années, le gouvernement français a accentué la diminution des crédits pour notre action culturelle à l’étranger (écoles, lycées, établissements d’enseignement supérieur, instituts et centres culturels, Alliance française, Mission laïque…) ; il a mondialisé davantage l’aide française au développement au détriment d’une préférence pour les pays francophones ; il n’a pas sensiblement augmenté ses contributions aux institutions de la Francophonie-Communauté (OIF), tout en renforçant encore la préférence à son élargissement au détriment de son approfondissement ; il a, dans le « triangle Ottawa-Paris-Québec », rompu de fait l’équilibre délicat en privilégiant fortement les relations avec le Canada fédéral, au détriment de celles, naguère très étroites, qu’il entretient depuis le Général de Gaulle avec l’Etat fédéré québécois.


(2) 2012/2014 : Le quinquennat suit et renforce la ligne du précédent :


- Dès janvier 2013, les pressions exercées depuis le début du siècle par certains milieux universitaires (MM. Pierre Tapie, le Pr Auger, Richard Descoings, entre autres) partisans de l’enseignement en anglais dans nos grandes écoles et universités - pressions déjà partiellement victorieuses sous le ministère de Mme Valérie Pécresse - ont maintenant abouti. Mme Fioraso put présenter un projet de loi portant réforme de l’enseignement supérieur, dans lequel un article 2 ouvrait grandes les vannes de l’enseignement en anglais, par une extension pratiquement illimitée des dérogations déjà permises par la loi Toubon.


Les réactions très vives de 32 associations en synergie, la mobilisation par leurs soins des académies, de diverses institutions et personnalités éminentes, ainsi que de parlementaires de tous bords, dont MM. Pouria Amirshahi (et ses 40 députés PS) et Daniel Fasquelle (UMP), ont conduit à des amendements. Le plus important de ces amendements pose l’interdiction d’offrir des formations diplomantes exclusivement en anglais.

Mais la présence de ces amendements dans le texte voté, puis promulgué le 22 juillet 2013, n’a pas empêché une joyeuse prolifération, de formations illégales. Cela, plus grave encore, dans le silence et l’inaction complices des ministères auxquels la loi Fioraso votée fait pourtant obligation expresse d’accréditer les formations nouvelles, donc de refuser l’accréditation aux formations illégales.


Contre ces offres illégales, 14 associations, dont les principales agréées par les ministères de la Culture et de la Justice pour veiller à l’application de notre législation linguistique, ont déjà déposé des recours gracieux et s’apprêtent à en déposer d’autres, ainsi que des recours juridictionnels devant les tribunaux administratifs compétents.

Elles estiment urgent que l’Etat rétablisse en la matière une légalité ouvertement bafouée.


- Le Président de la République en exercice avait annoncé en 2012 dans ses thèmes de campagne la ratification de la Charte des Langues régionales et minoritaires. Or une disposition très importante de cette charte rendrait possible pour ces langues d’accéder au moins en partie à l’officialité. Elle avait été jugée inconstitutionnelle par la Cour de la rue Montpensier. Les associations rappellent que la République n’a qu’une langue officielle. Les co-officialités détruiraient l’unité de la Nation et nuiraient gravement à la langue française.


- Depuis 2013 : la circulaire d’avril 2013 du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault sur l’obligation faite aux agents publics français d’employer la langue de la République en France, à Bruxelles (UE), et dans les institutions internationales, n’a pas été respectée.


- Les pouvoirs publics ont fait preuve d’un mépris croissant à l’égard des associations qui, très actives, veillent à l’application de la législation linguistique, et dont trois sont, à cet effet, agréées par les ministères de la Culture et de la Justice. Leurs actions conjuguées ont été jugées gênantes à l’occasion de l’affaire Fioraso, notamment à ses débuts, car elles avaient appelé en vain à réagir les ministres dont les fonctions étaient directement affectées par le passage à l’enseignement en anglais : Mme Benguigui (Francophonie), Mme Filippetti (langue française en France), M. Fabius (réseau culturel à l’étranger, encore remarquable).
Gênante aussi leur action collective visant à obtenir, dans une grande campagne nationale « Communes de France pour la Langue française », l’équivalent d’un referendum d’initiative populaire en faveur du français, contre son remplacement imposé par un « globish pour tous »


- Dans ce contexte de désarroi et d’abandon, il ne faut pas s’étonner de ce que la Commission de Bruxelles se soit crue justifiée à envoyer à l’automne 2014 aux plus hautes autorités françaises une note en anglais – du reste humiliante dans son contenu et sa forme - sur la présentation de son budget national. L’usage de l’anglais seul ajoutant à l’humiliation l’expression d’un mépris ouvertement insultant que des gouvernements français antérieurs n’eussent –eux - jamais toléré. Il devient essentiel et urgent de mettre un terme à une telle arrogance, comme à notre inadmissible tolérance.


-En ce qui concerne la francophonie mondiale, le gouvernement français a certes réaffirmé dans ses discours à la fois l’engagement francophone de la France, et un intérêt un peu réanimé pour la relation franco-québécoise, mais il garde en fait, là aussi, la même attitude fondamentale que son prédécesseur immédiat. Sa contribution à la préparation du Sommet francophone des chefs d’Etat et de gouvernement en novembre 2014 à Dakar, et à la délicate succession du Secrétaire général de l’OIF, a manqué de vision et de sérieux.


Les Français les plus critiques à l’égard de la politique gouvernementale du français et de la Francophonie depuis 2007 utilisent les constats ci-dessus pour dresser un réquisitoire en forfaiture et en trahison, et y voir le résultat d’une propagande et d’une action impériales de plusieurs décennies soutenue par nos « collabos de la pub et du fric » selon Michel Serres.

Nous ne voulons pas croire à cette thèse du complot. Plutôt à un « air du temps » qui est propice à tous les désarrois et abandons, et qui ne touche pas seulement la France.


Mais avouons qu’il est de plus en plus difficile de s’en tenir à « l’air du temps » si commode.


Albert Salon, docteur d’Etat ès lettres, ancien ambassadeur, commandeur du Mérite national, coordinateur de réseaux francophones internationaux..

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Albert Salon (né le 12 mars 1935 à Auxerre) est un diplomate français, engagé dans les questions liées à la Francophonie et à la défense de la diversité ([Wiki->http://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Salon])





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