Comment expliquer qu’à seulement 180 kilomètres de la Chine, des habitants ne soient pas confinés et que la vie soit pratiquement inchangée ? « Nous vivons normalement. » Étudiantes françaises en lettres et sciences politiques à l’Institut Albert-le-Grand, Louise, Ségolène et Aliette sont parties une année étudier le chinois à Taïwan. Elles témoignent.
Taïwan est un petit État insulaire autonome gérant admirablement la pandémie. Pour preuve : « En dépit de ses liens économiques et commerciaux étroits avec la Chine proche géographiquement, Taïwan totalise, au 31 mars 2020, 322 cas et 5 morts, soit un taux d’infection et de létalité par habitant bien inférieur à ceux observés dans le reste du monde », lit-on dans L’Obs.
Alors que dans la plupart des pays du monde, la population doit être confinée, la vie suit son cours à Taïwan. « Nous vivons avec le coronavirus depuis bientôt trois mois maintenant et nous avons réellement senti les décisions drastiques qui ont été prises dès le début mais en gardant l’objectif de vivre normalement (pas de quarantaine) », raconte Louise Fournier. « Les Taïwanais vont beaucoup déjeuner et dîner dehors dans des petits restaurants de rue, night market ou autre. Nous partons pour le week-end en balade dans Taïwan, par exemple. Notre vie reste relativement normale, en tout cas rien à voir avec la France ! » Même constat pour Ségolène Nourrit. « Certes, on prend notre température et on se désinfecte les mains à l’entrée de l’université et dans tous les lieux publics (banques, bibliothèques, etc.), certes, quasiment tout le monde porte des masques, néanmoins, la situation n’est pas trop désagréable de mon point de vue. Nous ne sommes pas confinés. Les magasins sont ouverts. Nous allons en cours comme en temps normal. Je ne me sens pas du tout angoissée. »
Une réactivité sans faille
Pourquoi une telle différence avec la situation en France ? « Dès l’annonce de cette nouvelle épidémie sur le sol chinois, le gouvernement taïwanais a mis en place des mesures afin de parvenir à éviter le confinement et à maintenir l’économie », souligne Aliette Vivies. Selon elle, trois facteurs entrent en compte.
Primo, « la crise du SRAS, qui avait entraîné la création d’une cellule gouvernementale de gestion des crises sanitaires, qui a tout de suite pris en main le problème et savait comment procéder (réquisition des masques et rationnement, regroupement des données des passeports avec celles de la carte Vitale) ».
Secundo, « la bonne gestion de la crise actuelle est aussi un enjeu politique pour Taïwan, qui ne fait pas partie de l’OMS et veut lui prouver qu’elle a des compétences à apporter ».
Enfin, « le rapport à la collectivité, et surtout aux libertés individuelles, est radicalement différent à Taïwan par rapport aux démocraties occidentales. C’est une société plus holistique dans laquelle l’individu fait naturellement des concessions pour le groupe. »
Des mesures efficaces
Contrairement à la France, dès les premiers signaux, Taïwan a pris très au sérieux l’épidémie : restriction des entrées sur le territoire, traçage des personnes contaminées, port du masque généralisé, température prise dans la plupart des lieux publics via des caméras thermiques, gel hydroalcoolique à disposition partout, surveillance des téléphones portables pour les personnes mises en quarantaine. « Une expat française ayant mis son téléphone sur mode avion pendant la nuit a eu la bonne surprise de voir la police frapper à sa porte très tôt le matin », ajoute Aliette.
Cette réactivité du gouvernement a permis une gestion de crise admirable et visiblement efficace. À la mise en œuvre d’urgence de l’analyse des données et des nouvelles technologies, l’étudiante répond : « Je me sens donc totalement en sécurité. Ce que certains dénoncent comme une violation des libertés individuelles ne me choque pas plus que ça dans la mesure où les résultats sont visibles et que cela ne concerne que les personnes malades ou l’étant potentiellement, ainsi que ceux qui désobéissent volontairement aux règles qui sont pourtant clairement exprimées. »
Être rapatriées ou rester sur place ? À cette question, et au vu de la lenteur de la réaction en France, d’une part, et d’un manque de matériel, d’autre part, les trois amies ont tranché sans hésiter.