Lundi dernier, 19 mai, c'était la Journée nationale des Patriotes, jour férié désigné par Bernard Landry, le premier ministre de l'époque, en 2002, pour «souligner l'importance de la lutte des patriotes de 1837-1838 pour la reconnaissance de leur nation, pour sa liberté politique et pour l'établissement d'un gouvernement démocratique».
À cette occasion, j'ai reçu le Grand Prix littéraire de la Presse québécoise pour mon récit Les plages de l'exil, paru en septembre 2010. C'est bien la première fois que je reçois un prix, étant plus habitué à recevoir d'autres types de gratification: coups de matraque, décharge de fusil (oui, j'ai encore plein de plombs dans les jambes provenant de tirs de fusils de calibre 12 lors de la grève de la police en octobre 1969), emprisonnements, menaces de mort, précarité, moqueries, exclusion, exil, etc. Remarquez que je ne me plains pas car j'ai choisi de lutter et je ne me suis jamais considéré comme une victime.
J'ai toujours voulu faire un parallèle entre notre lutte, celle du Front de libération du Québec, et celle des patriotes de 1837-1838. Mais l'idée ne passe pas facilement. Les patriotes du XIXe siècle avaient de bonnes raisons de prendre les armes, mais ceux des années soixante n'en avaient pas, semble-il.
Je suis bien conscient que le FLQ a utilisé des moyens radicaux pour faire avancer la cause de l'indépendance du Québec. À l'époque, la situation politique nous semblait bloquée, la dictature de la peur gangrenait notre société en faisant croire qu'on ne pouvait rien changer à notre condition de dominés, et nous croyions, à tort ou à raison, que, par nos actions radicales, nous pourrions accélérer le cours de l'histoire et créer de nouvelles solidarités. Six ans plus tard, le Parti québécois prenait le pouvoir, malgré tout l'arsenal répressif déployé par nos ennemis: arrestations massives, vols de listes de membres du PQ, menaces, chantage, bombes, incendies criminels, etc.
Quand j'observe ce qui se passe aujourd'hui dans la société québécoise, avec tous les scandales de corruption, de collusion, de pots de vin, de chantage, provenant essentiellement du Parti libéral et de compagnies qui semblaient au-dessus de tout soupçon comme SNC-Lavallin, je suis fier de dire que nous, militants du FLQ, n'avons jamais été corrompus, que nous n'avons jamais bénéficié d'avantages quelconques en raison de notre militantisme et qu'au contraire, nous avons payé chèrement notre engagement envers la cause de l'indépendance du Québec.
Qu'est-ce qu'un patriote? C'est quelqu'un qui aime avant tout son pays et ceux qui l'habitent. Tous les jours, dans tout ce qu'il fait et entreprend. C'est quelqu'un qui lutte pour la justice sociale parce qu'il sait que la patrie, ce n'est pas pour un groupe de personnes en particulier, c'est pour tout le monde. Un patriote, ce n'est pas nécessairement un héros, c‘est quelqu'un qu'on retrouve dans toutes les couches de notre société. C'est quelqu'un qui doit faire preuve de beaucoup de courage et il nous en faudra, du courage, pour traverser les quatre prochaines années.
J'ai reçu ce prix en paraphrasant Alexandre Belliard dans ses légendes d'un peuple:
Je pense à toi Charles Hindelang
Je pense à Narcisse Cardinal
Je pense à toi Charles Sanguinet
J' pense à François-Xavier Hamelin
Je pense à toi Joseph Duquette
Je pense à Théophile Decoigne
Je pense à toi Joseph Robert
Je pense à toi Amable Daunais
Je pense à toi Rémi Narbonne
Je pense à Ambroise Sanguinet
Je pense à François Nicolas
Je pense à toi Marie-Thomas De Lorimier.
Ces douze patriotes ont été pendus au pied du courant, en 1838, il y a 176 ans. Ce sont des héros que nous devons toujours honorer et ne jamais oublier. Nous avons peut-être perdu une bataille, deux batailles, mais notre combat pour l'indépendance du Québec, lui, n'est pas mort.
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