(Ottawa) Le départ fracassant du député Jean-François Fortin, hier, a relancé de plus belle la question qui tenaille le Bloc québécois depuis 2011: le parti souverainiste, fondé par Lucien Bouchard dans la foulée de l'échec de l'accord du lac Meech en 1990, a-t-il encore un avenir?
Le chef bloquiste Mario Beaulieu, élu par une mince majorité de 53% en juin à l'issue d'une course à la direction à deux qui l'opposait au député André Bellavance, soutient qu'il réussira à renverser la tendance dans les sondages, qui accordent environ 20% d'appuis au Bloc.
Il affirme qu'il y parviendra en ralliant les forces souverainistes éparpillées sur la scène provinciale entre le Parti québécois, Québec solidaire et Option nationale. En faisant le plein des appuis des militants de ces trois partis provinciaux, le Bloc peut mettre la main sur une vingtaine de sièges, selon ses calculs. Aux élections de 2011, le Bloc a été réduit à quatre sièges à la Chambre des communes, dans la foulée de la vague orange. Il ne reste maintenant plus que trois députés bloquistes - Louis Plamondon, André Bellavance et Claude Patry - à la suite du départ de M. Fortin.
Mais la tâche visant à reconstruire le parti demeure herculéenne. Le Parti québécois, l'allié du Bloc québécois à Québec, a été chassé du pouvoir en avril après un règne minoritaire de 18 mois. La tenue d'un troisième référendum sur la souveraineté a ainsi été reléguée aux calendes grecques.
Subventions en moins
Autre facteur important, le Bloc, qui compte actuellement 19 000 membres, ne peut plus miser sur les subventions de l'État pour assurer son financement, qui s'élevait à 2$ par vote en 2011. Le gouvernement Harper a décidé de mettre fin progressivement au financement public des partis politiques après sa victoire majoritaire au dernier scrutin. Durant ses meilleures années, le Bloc obtenait plus de 2,76 millions de dollars par année en financement de l'État.
M. Beaulieu entend lancer une importante campagne de financement cet automne afin de remplir les coffres du parti en prévision du prochain scrutin fédéral, prévu en octobre 2015. Il a aussi comme objectif de doubler le nombre de membres du parti d'ici un an et de dépasser les 50 000 membres au moment des élections.
«Je suis très optimiste face à l'avenir du Bloc parce qu'il y a beaucoup de nouvelles personnes qui se rallient au Bloc. On réussit à rassembler les indépendantistes de toutes les allégeances. [...] Je suis convaincu qu'on va réussir non seulement à relancer le mouvement indépendantiste, mais à redonner au Bloc québécois la force incontournable qu'il a toujours été avant 2011», avance M. Beaulieu.
La sympathie des années 90
En 1990, quand il a décidé de fonder le Bloc, après sa démission du gouvernement conservateur de Brian Mulroney, Lucien Bouchard jouissait d'une grande sympathie au sein de la population québécoise. Le contexte politique était également favorable. En août 1990, un député souverainiste, Gilles Duceppe, avait été élu lors d'une élection partielle, signe prémonitoire d'une éventuelle percée du Bloc au scrutin fédéral de 1993, au cours duquel il a raflé 54 sièges - un nombre suffisant pour former l'opposition officielle aux Communes.
Le Parti québécois, alors dirigé par Jacques Parizeau, s'apprêtait à prendre le pouvoir en 1994. Et la troisième période décisive - un référendum sur la souveraineté - devait être jouée en 1995.
Malgré des sondages favorables et même s'il était dirigé par un chef charismatique, le Bloc québécois ne roulait pas sur l'or à l'époque. «On avait le vent dans le dos, et non dans le visage, et c'était pas évident de faire du financement», a expliqué hier un acteur de l'époque. Or, l'argent demeure le nerf de la guerre en politique.
Depuis sa percée historique de 1993, le Bloc québécois a souvent été seul sur la patinoire dans plusieurs régions du Québec. Ce n'est plus le cas depuis 2011. Il doit se frotter à trois partis: le Nouveau Parti démocratique, le Parti libéral et le Parti conservateur. Pour plusieurs, les élections de 2015 seront décisives pour l'avenir du parti. Et son seul salut pourrait bien passer par une division du vote fédéraliste dans certaines circonscriptions - un phénomène qui n'a pas eu lieu en 2011 en raison de la vague orange. «Si on se maintenait à 25%, on pourrait bien aller chercher une trentaine de comtés avec la division du vote», calcule-t-on dans les rangs bloquistes.
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