Jean-Pierre Aubry, Luc Godbout et Pierre Fortin
Les auteurs sont respectivement économiste (fellow associé au CIRANO), professeur titulaire de fiscalité à l'Université de Sherbrooke et professeur émérite d'économie à l'UQAM.
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En décembre dernier, le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, a indiqué qu'il limiterait la croissance de l'enveloppe budgétaire du Transfert canadien en matière de santé au rythme de croissance de l'économie à partir de 2017. Il a réitéré en même temps son intention de répartir ces paiements de transfert entre les provinces au strict prorata de leur nombre d'habitants. Que doit-on penser de cette clef de répartition démographique?
Les montants annuels que les provinces consacrent à la santé sont considérables (25,2 milliards de dollars au Québec en 2009), mais le coût par habitant varie beaucoup d'une province à l'autre. L'un des facteurs qui l'influencent le plus est la composition par âge de la population. Cela s'explique par le fait qu'il en coûte cinq fois plus cher pour soigner les personnes de 65 ans ou plus que les personnes de moins de 65 ans. En 2009, au Canada, les soins de santé par habitant s'élevaient à 3515 dollars globalement, mais à 2275 dollars pour les moins de 65 ans, et à 11 175 dollars pour les 65 ans ou plus.
Cette pression d'origine démographique sur les dépenses de santé est la plus forte en Nouvelle-Écosse, où près de 16% de la population avait 65 ans ou plus en 2009, et la plus faible en Alberta, où la proportion des aînés n'atteignait pas 11%. À partir de ce simple exemple, on comprend bien qu'avec une formule de partage qui ne tient pas compte du poids démographique des aînés, une province dont la population est plus vieille recevrait trop peu de transferts en santé du gouvernement fédéral.
Heureusement, cette anomalie peut être facilement corrigée. Il suffit de déterminer un transfert à deux volets, l'un pour la population des moins de 65 ans et l'autre pour celle des 65 ans ou plus. Si on prend l'exemple de 2012, plutôt que verser un transfert uniforme de 815 dollars par habitant tel que prévu, Ottawa pourrait attribuer aux provinces 525 dollars par personne de moins de 65 ans et 2590 dollars par personne de 65 ans et plus (cinq fois plus). L'enveloppe totale de 28,6 milliards serait exactement la même que celle qui a été annoncée, mais elle serait partagée entre les provinces de façon à tenir compte (intelligemment, à notre avis) de la pression exercée sur le coût des soins de santé par le poids des aînés, qui varie de façon significative d'une province à l'autre.
Les trois provinces maritimes, dont les populations sont les plus vieilles, verraient leur part du transfert fédéral relevée d'un pourcentage variant entre 4% et 6%. À Terre-Neuve, au Québec, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, la part augmenterait de 2% ou 3%. Le Manitoba serait très peu affecté et l'Ontario perdrait 1%. Quant à l'Alberta, sa population extrêmement jeune ferait baisser sa part du transfert fédéral de 9%. Un ajustement plus précis pourrait être calculé en utilisant les données beaucoup plus fines de l'Institut canadien d'information sur la santé sur les coûts des soins de santé par habitant selon une quarantaine de catégories d'âge et de sexe.
La formule de partage du transfert fédéral en santé pénalise injustement les provinces qui ont charge d'une population plus vieille. L'amendement que nous proposons laisse ouvert le débat sur le montant global du transfert, mais il éliminerait au moins cette injustice flagrante tout en maintenant le principe d'un transfert au prorata de la population.
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