J'ai lu avec beaucoup d'intérêt cet article de Mathieu Bock-Côté dans le site web du Journal de Montréal. Ce texte intéressera particulièrement les gens de la CAQ et du PQ qui s'inquiètent de l'effet néfaste de la division du vote francophone au Québec. Bock-Côté l'exprime bien notamment ici :
« Une chose est certaine, toutefois, c'est que la division suicidaire de l'électorat francophone éternise la présence au pouvoir des libéraux. Tant que le PLQ disposera de l'appui presque unanime des anglophones et des communautés culturelles, il lui suffira d'un appui minimal chez les francophones pour gagner ses élections. Il y a un parti de trop. »
Un parti de trop
Ce que j'aime de Mathieu Bock-Côté c'est que ce chroniqueur n'a jamais peur de se mouiller, de lancer des idées que d'autres dans la profession préféreraient tues. J'ai apprécié chaque fois qu'il ait évoqué le biais évident de certains médias envers les fédéralistes et le fait que les souverainistes n'évoluent pas dans un environnement médiatique neutre. Cette fois-ci, il évoque la conséquence néfaste de la division du vote francophone et de l'appui unanime aux Libéraux par l'électorat anglophone et allophone, le règne de la corruption, de la collusion et du fédéralisme toujours plus radical qui mine les intérêts de l'ensemble des Québécois. Fallait entendre le PM conservateur vanter le règne libéral cette semaine à Roberval au moment même où Violette Trépanier faisait une folle d'elle-même à la commission Charbonneau pour protéger le système pourri de financement illicite des libéraux.
Quelques commentaires sur cet article, donc...
Mode de scrutin désuet: Le simple fait que l'on doive considérer la disparition ou l'alliance de partis aux intérêts divergents dans le seul but de contrer l'appui monolithique de la collectivité anglophone-allophone aux libéraux est un puissant plaidoyer pour le changement du mode de scrutin désuet. Jean Charest était passé maître dans le recours au cynisme (et sa conséquence, un faible taux de participation, comme en 2008) comme arme électorale. Notre mode de scrutin désuet le permet. Qu'importe si un parti remporte les élections avec l'appui de 27% de la population habilitée à voter. Juste à en écoeurer, à en décourager une bonne partie et laisser la division du vote faire le reste. Sans compter que les Libéraux comptent toujours sur une bonne part de la presse qui lui est indécemment complaisante...
Les souverainistes convaincus: Mathieu Bock-Côté évoque la possible alliance entre la CAQ et le PQ pour contrer le bloc monolithique pro PLQ. J'oppose à cela l'exemple de la campagne fédérale de 2011. Vrai qu'une large part de l'électorat s'est laissée séduire, avec raison, par le bon Jack Layton. On ne doit pas oublier cependant que malgré la vague orange, 23.4% de l'électorat au Québec a appuyé le Bloc québécois. Il y a un segment de 20-25% de l'électorat au Québec qui est résolument souverainiste et qui ne fera aucun compromis sur cette question. Personnellement, si le Bloc n'avait pas présenté de candidat dans mon comté, je n'aurais tout simplement pas voté (je me serais déplacé pour annuler mon vote). Encore plus cette fois alors que le NPD, fédéraliste centralisateur, pro multiculturalisme, est dirigé par un ancien avocat d'Alliance-Québec qui se vante d'avoir appuyé les Libéraux corrompus (c'est la même équipe que Charest à peu de choses près) et pros austérité (au Trésor, Coiteux est un disciple de la gestion de l'état à la façon des Mike Harris et Tony Clement) de Couillard. Jamais, au grand jamais je n'appuierai le NPD, ni les Libéraux ou les Conservateurs.
Au Québec, il y a aussi cette dynamique qui compte et existe. Faudrait travailler longtemps pour me convaincre qu'un parti fondé, entre autres, avec les Claude Garcia (l'un des fédéralistes les plus exaltés qui soit, ex-PDG de la Standard Life, il en appelait en 1995 à « écraser les séparatistes une bonne fois pour toutes »), Charles Sirois et autres Libéraux fédéraux et provinciaux, puisse représenter les intérêts des souverainistes convaincus. Comme pour le NPD, la gauche de l'ambiguïté nationale pro multiculturalisme « canadian » des Solidaires me repousse encore plus que la CAQ...
On fait quoi alors? Il faut être réaliste, le Parti québécois aura fort à faire afin de se renouveler et redevenir le parti qu'il fut jadis. Il faut laisser la chance au coureur cependant. Autre écueil, chaque cycle électoral diminue le poids démographique de la collectivité francophone au Québec. Nous n'avons donc pas le luxe du temps... Les Libéraux le savent très bien et s'assurent de toujours pousser les seuils de l'immigration au plus haut niveau possible tout en encourageant la migration intra-provinciale au maximum, notamment, en « bilinguisant » la province toujours davantage. En Outaouais, la partie « Aylmer » de la ville de Gatineau ne diffère plus tellement des quartiers d'Ottawa comme Orléans ou Vanier. On peut y vivre uniquement en anglais (les promoteurs immobiliers en font la promotion sans vergogne).
Sachant cela, en considérant l'effet néfaste qu'a pour le Québec le vote monolithique des Anglophones-Allophones, qui ne semblent guère se soucier de la corruption, de la collusion tant qu'on leur promet « Pas de référendum...», il faudra que l'on soit fixé assez rapidement. L'issue de la course à la direction du PQ sera un indicateur intéressant, tout comme le sera la performance du Bloc aux prochaines élections fédérales. Nous savons déjà une chose, et le sort réservé par les médias fédéralistes à l'arrivée de Mario Beaulieu à la tête du Bloc québécois le confirme, tout sera mis en œuvre lors de la prochaine campagne électorale en 2015 afin de se débarrasser une fois pour toutes du Bloc au fédéral. Si la couverture médiatique de la dernière campagne électorale au Québec est un indicateur de jusqu'où ces médias sont prêts à aller pour couler les souverainistes, attendons-nous à une marginalisation complète du Bloc, à la diabolisation de Beaulieu, un extrémiste séparatiste inconsidéré, etc.
Bock-Côté analyse, lui, la situation de la façon suivante quant à une possible solution pour répondre à l'électorat monolithique libéral :
« Le troisième [scénario] est moins souvent évoqué, mais il circule chez les stratèges souverainistes. Il s'agirait d'une collaboration entre les deux partis. Ils se mettraient d'accord sur un programme commun de gouvernement et quelques revendications constitutionnelles partagées. À terme, un nouveau parti nationaliste unifié pourrait même naître.
Ce scénario semble loufoque. Il ne deviendra crédible que si la CAQ et le PQ se présentent aux prochaines élections en ayant la certitude absolue de se nuire mutuellement. S'ils comprennent que, séparés, ils n'ont aucune chance de prendre le pouvoir. Les circonstances dicteraient alors une stratégie nouvelle aux partis bleus. »
Quelques revendications constitutionnelles... Voilà qui me semble bien pauvre. En sommes-nous vraiment rendus là? Contraints à l'assimilation plus lente, conséquence d'un attentisme qui ne fera que durer plus longtemps le supplice? En 2012, François Legault se targuait d'avoir réussi à fédérer souverainistes et fédéralistes. Nous avons bien vu ce que cela voulait dire! Les fédéralistes clamaient leurs convictions sans contraintes, les souverainistes étaient contraints à fermer leurs gueules! Des faire-valoir de service pour attirer le « vote mou » (non mais quelle aberration ce terme, non?) de quelques nationalistes ambivalents...
Pour ma part, je continuerai à appuyer le plus longtemps possible toute avenue résolument souverainiste, à condition qu'on accepte d'y poser les constats des échecs électoraux récents, ce qui implique aussi les nécessaires revendications suivantes à mon avis : changement du mode de scrutin, un appel convaincu à une couverture médiatique neutre et objective (et qu'on soit prêt à se battre pour l'exiger), l'explication des conséquences de l'application de la loi sur le multiculturalisme pour la nation québécoise.
Un point de départ. Après on verra.
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