Embêté par la démission-choc de Dominique Ollivier, une Québécoise d'origine haïtienne, de l'exécutif national du Parti québécois, André Boisclair a nié que son parti éprouve des problèmes de recrutement chez les immigrés. Il n'a convaincu personne.
Le PQ a ensuite envoyé un communiqué dans lequel on pouvait lire: "Jamais le Parti québécois n'a été aussi représentatif de la diversité québécoise." Pas plus convaincant. D'autant moins que Le Devoir nous a appris jeudi que des immigrés militant au Parti québécois ont refusé de condamner publiquement Mme Ollivier, qui a claqué la porte en dénonçant le peu d'ouverture du PQ pour des candidats "issus de l'immigration", comme on dit dans le jargon péquiste.
De plus, des militants péquistes d'origine haïtienne, chinoise et arménienne, qui auraient voulu se présenter aux prochaines élections, ont eux aussi dénoncé ces derniers jours le penchant historique du Parti québécois pour les pure laine.
C'est indéniable, quoi qu'en disent M. Boisclair et ses collaborateurs: le Parti québécois souffre depuis toujours d'un manque chronique de diversité.
Mais cet état de fait n'est pas unique au PQ; c'est toute la politique québécoise qui demeure largement fermée aux "autres".
Vu du haut des tribunes de la presse, mardi, à l'occasion de la reprise des travaux de l'Assemblée nationale, cela sautait aux yeux: nous avons un Parlement PLBF: pure laine blanc francophone.
Cette assemblée est aussi blanche et francophone que l'était le Québec il y a 30 ans. Cela s'explique pour les régions, qui accueillent une portion infime des nouveaux arrivants. Mais visiblement, il y a un profond décalage entre la représentation politique de la grande région de Montréal et la réalité démographique.
Les libéraux comptent dans leurs rangs Fatima Houda-Pépin, née au Maroc, et Sam Hamad, né en Syrie, c'est tout. Du côté du PQ et de l'ADQ, c'est québécois blanc de souche. L'ADQ a recruté plusieurs candidats d'origine étrangère aux dernières élections dans la région de Montréal, mais aucun n'a été élu.
Prenez la liste des 125 députés, vous y trouverez au moins 105 noms pure laine (un peu plus ou un peu moins selon la définition de pure laine), quelques Italiens d'origine, quelques anglophones, deux ou trois députés venus d'ailleurs que du Québec.
L'expression "minorité visible" ne s'applique pas vraiment ici puisque les minorités sont plutôt... invisibles à l'Assemblée nationale.
Quand les libéraux ont fait élire Yolande James dans Nelligan à l'occasion d'une partielle, ils ont noté avec fierté qu'elle était la première femme noire à entrer au Salon bleu. Mais ne la cherchez pas du haut des tribunes: Mme James est cachée sous les gradins, dans le coin le plus reculé de l'Assemblée, le point le plus loin du fauteuil du président. Coïncidence, sans doute, mais c'est néanmoins révélateur.
Évidemment, cette sous-représentation se reflète au conseil des ministres, qui ne compte qu'un seul immigré, Henri-François Gautrin, né... en France.
La scène fédérale semble un peu plus ouverte aux candidats néo-canadiens, notamment parce que le Parti libéral du Canada, très fort dans les grandes villes, recrute une bonne partie de sa base militante dans les communautés culturelles.
Mais nous sommes loin, à la Chambre des communes, d'un reflet de la population canadienne.
Tous les partis politiques ont du mal à recruter et à faire élire des députés d'origines diverses, mais le Parti québécois en souffre davantage à cause de ses relations parfois tendues avec les communautés culturelles, traditionnellement réfractaires à l'option souverainiste.
L'histoire du PQ est ponctuée d'accrochages avec les immigrés. On se souvient tous de la fameuse déclaration de Jacques Parizeau sur le "vote ethnique", le soir du référendum de 1995, mais on se souvient moins de ses explications, le lendemain, quand il a annoncé sa démission à Québec.
"Je n'ai pas réussi à faire en sorte qu'une proportion significative de nos concitoyens anglophones et allophones se sentent solidaires du combat de leurs voisins, avait dit M. Parizeau. René Lévesque s'était épuisé en vain sur ce même clivage. Gérald Godin avait réussi à se faire beaucoup d'amis dans ces milieux, mais bien peu de convertis. C'est pour moi une déception très grande, car je sais les efforts que nous avons tous mis depuis sept ans à transformer cette réalité. Cela explique que j'ai pu, hier, formuler cette déception dans des termes qui auraient pu être beaucoup mieux choisis."
Une décennie plus tard, à l'approche de nouvelles élections et peut-être aussi d'un autre référendum, le Parti québécois vit toujours les mêmes déchirements par rapport aux immigrés. Le chef et son entourage ont tenté de minimiser l'affaire Ollivier - certains, peu élégants, dénigrant même personnellement la dame et mettant en doute sa loyauté -, mais elle fait jaser parmi les instances et les militants.
Ceux qui militent au PQ depuis des années en faveur d'un rapprochement avec les communautés ethniques estiment que cette histoire, et surtout la négation d'André Boisclair, est un grand pas en arrière. Ils craignent, avec raison, que le recrutement de candidats "issus de l'immigration" soit encore plus difficile.
Il ne s'agit pas, d'ailleurs, que de recruter. Encore faut-il permettre à ces candidats de se présenter dans des circonscriptions prenables et leur donner les moyens de gagner. Comme le Bloc québécois l'a fait avec Maria Mourani, Vivian Barbot et Maka Kotto, dont les victoires ont fortement ébranlé le camp fédéraliste.
Et qui a été à l'origine, en grande partie, de ces gains du Bloc par son travail de recrutement et de rapprochement? Eh oui: Dominique Ollivier.
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