Le premier ministre Jean Charest avait déclenché cette campagne électorale en affirmant qu'il fallait un gouvernement fort, et donc majoritaire, afin d'assurer la stabilité politique nécessaire pour naviguer dans la tourmente économique.
Même si M. Charest pouvait compter sur des sondages favorables et sur une conjoncture menaçante, c'était un pari qui pouvait se retourner contre son auteur, car l'idée d'une campagne électorale si rapide ne souriait à personne.
Le chef libéral a remporté son pari. Mais à moitié. Avec 66 sièges, son gouvernement sera majoritaire, mais de justesse. Il se retrouvera avec une forte opposition du Parti québécois. L'écart entre les deux partis est serré : 42% des voix contre 35%. Les libéraux font moins bien que leur score traditionnel, tandis que la chef du PQ, Mme Pauline Marois, a redonné un élan à son parti, et dirigera une opposition officielle forte.
Cette courte victoire ne donne certainement pas à M. Charest le genre de mandat dont il rêvait. Les libéraux n'ont pas réussi à s'imposer comme premier parti chez les francophones. Et surtout, le taux de participation, extrêmement faible à 56,6%, réduit certainement la légitimité de ce gouvernement. En fait, un peu moins d'un citoyen sur quatre a voté pour les libéraux.
Ce score ne leur donne pas toute la marge de manoeuvre qu'ils réclamaient et dont ils auraient eu besoin pour faire face le mieux possible à la réalité économique. Mais c'est une victoire, le gouvernement est majoritaire et on sort, enfin, de l'immobilisme imposé par les gouvernements minoritaires.
Reste à savoir ce que M. Charest fera avec ce mandat relativement fragile. Il ne dispose pas d'un chèque en blanc. Il aura devant lui une opposition serrée, aguerrie, qui se verra à juste titre comme une alternative. Dieu merci, cela n'affectera pas la capacité du gouvernement libéral d'affronter la récession.
Nous ne sommes pas à Ottawa. Jean Charest n'est pas un politicien de droite allergique à l'intervention de l'État, comme le premier ministre Harper s'est montré l'être avec son énoncé économique. Son approche générale aux défis économiques est très similaire à celle de Mme Marois. Nous n'aurons donc pas de déchirements idéologiques comme au parlement canadien.
Bien sur, il y a toujours un danger que les membres du Parti québécois, dont les résultats dépassent les attentes, oublient que les 35% des voix qu'ils ont recueillies constituent un progrès par rapport aux résultats abominables d'il y a deux ans, mais qu'il s'agit néanmoins un résultat fort moyen. Et que ce sont les libéraux qui ont remporté la victoire, leur troisième de suite, ce qui est exceptionnel, et qui forment un gouvernement majoritaire.
Il y aura certainement des tensions, notamment sur la lecture de la situation économique. En se fiant sur ce que disent la plupart des prévisionnistes, M. Charest estime que le Québec résistera mieux au choc que la plupart de ses voisins. Le Québec continuera a créer des emplois et le défi du gouvernement ne sera donc pas de venir au secours d'une armée de chômeurs et aider les gens à payer leur hypothèque. Un optimisme relatif que ne partage pas le PQ.
Par ailleurs, le gouvernement libéral aura tendance à ne pas être aussi interventionniste que le souhaiterait l'opposition parce qu'il est déjà intervenu, de façon massive, pour stimuler l'économie. Les vastes travaux d'infrastructure correspondent exactement, par leur nature et leur ampleur, aux projets qu'entreprennent la plupart des gouvernements des pays industrialisés.
Mais parce qu'ils sont majoritaires, même de peu, les libéraux auront plus de marge de manoeuvre, assez pour imposer leur façon de voir les choses, sans risquer d'être renversés au gré de leur impopularité. La grosse différence, c'est que, dorénavant, les libéraux disposent de quatre ans, et même de cinq ans au pouvoir.
En principe, les libéraux pourront donc s'affranchir de la gestion à la petite semaine à laquelle est astreint un gouvernement minoritaire. Ils peuvent construire pour l'avenir, peuvent aller au delà de la lutte immédiate contre la récession pour préparer le Québec à la sortie de crise, et donc léguer quelque chose de durable.
Mais un gouvernement qui veut proposer une vision, qui veut construire pour l'avenir, doit pouvoir être capable d'amorcer des réformes, de brasser la cage, de faire preuve d'audace, d'être un agent de changement. Et donc d'être parfois impopulaire. Et c'est là que la faible majorité dont jouit le parti libéral pourra devenir un obstacle.
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