Les nominations ont été annoncées hier par le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Pierre Arcand.
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
Le secteur des affaires et les hauts fonctionnaires qui représentent le gouvernement vont détenir ensemble huit des onze sièges du comité responsable de la réalisation de l'évaluation environnementale stratégique (EES) sur la pertinence d'exploiter les gaz de schiste, sur les modalités d'exploitation et sur l'encadrement juridique de cette industrie.
Les nominations ont été annoncées hier par le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Pierre Arcand, 24 heures après que la France eut interdit totalement le recours à la fracturation hydraulique pour exploiter les gaz de schiste ou le pétrole sur son territoire.
Le ministre, qui est le responsable de cette EES, a aussi dévoilé le mandat de cette étude, qui restreindra pour l'instant les projets de fracturation au Québec aux seuls projets jugés nécessaires à l'avancement des travaux du comité.
Contrairement à ce que laissait entendre Québec dans ses lettres aux candidats, le mandat du comité inclura un examen de la «pertinence socioéconomique de l'exploitation de la ressource gazière et les conditions assurant une maximalisation des revenus pour l'État». Outre l'analyse des impacts et des risques environnementaux, le comité devra fournir une définition claire «des seuils d'acceptabilité et des méthodes de mitigation appropriées». Ses travaux devraient en outre esquisser la réglementation qui encadrera l'évaluation environnementale des projets éventuellement soumis par les industriels.
Deux rapports distincts devraient être soumis, l'un sur les résultats de l'EES, l'autre sur les aspects législatifs et réglementaires. Ces documents, précisait hier le ministre Arcand, «pourront être soumis à une forme de consultation publique par le comité», où on retrouve deux représentants des sociétés Talisman et Junex, sans équivalent par contre pour les groupes de citoyens et environnementaux même s'ils sont à l'origine de la remise en question de l'exploitation précipitée des gaz de schiste au Québec, déplorait hier la représentante du Collectif scientifique sur le gaz de schiste, Mme Lucie Sauvé.
Le ministre Arcand a par ailleurs décidé que «tout certificat d'autorisation de fracturation hydraulique devra être soumis aux besoins d'acquisition de connaissances» du comité responsable de l'EES, lequel pourra recommander, ou non, au ministère d'autoriser les projets soumis.
Le comité devra soumettre un premier rapport intérimaire annuel le 1er mai 2012, dans lequel il précisera quand il entrevoit terminer son mandat.
Composition controversée
Le comité de onze personnes comptera trois hauts fonctionnaires. Il sera présidé par Robert Joly, le chef du Service des projets industriels et en milieu nordique au MDDEP. On y retrouvera aussi Sébastien Desrochers, le directeur du Bureau des hydrocarbures au ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), le ministère promoteur de cette exploitation. Le ministère des Affaires municipales a pour sa part délégué Mme Lucie Ramsay, conseillère en développement régional.
Quant au secteur privé, il comptera cinq représentants. On y retrouve les noms de Jean Perras, de la firme Raymond Chabot Grant Thornton, et Pierre Boucher, un ingénieur civil qui travaille comme consultant privé en énergies renouvelables et qui a présidé l'Association canadienne du ciment.
Les industriels des gaz de schiste, que cette étude est censée encadrer, sont aussi représentés directement par Jean-Yves Lavoie, ingénieur et cofondateur et président de Junex. Il est aussi enregistré comme lobbyiste. André Caillé, qui a fait déraper les consultations menées au début de l'automne dernier par cette industrie, est aussi membre de son conseil d'administration.
Marianne Molgat, spécialiste en géologie, travaille de son côté pour Talisman Energy. Elle est aussi enregistrée comme lobbyiste pour cette compagnie, qui en compte 13 pour mieux orienter les politiques gouvernementales. C'est aussi cette entreprise qui paye le salaire de Lucien Bouchard comme président de l'Association gazière et pétrolière du Québec. Elle a aussi écopé d'un avis d'infraction de l'Environnement.
L'industrie des gaz de schiste a présentement 35 lobbyistes à son service, selon le registre provincial.
Enfin, un important groupe industriel privé, soit les industriels et consultants des industries de l'assainissement et de la gestion des déchets, aura la chance d'être représenté à ce comité par son président, Michel Lamontagne. M. Lamontagne a été le premier président du BAPE et fut responsable de dossiers environnementaux majeurs dans les ministères de l'Environnement à Québec et à Ottawa.
Dans l'esprit de Québec, M. Lamontagne ne représente toutefois pas son secteur industriel, mais la «société civile». L'autre représentante de la société civile est une universitaire de renom, Mme Corinne Gendron, qui préside la Chaire de l'UQAM en responsabilité sociale et environnementale. Sa candidature a été présentée par le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, qui se disait satisfait du lancement de l'EES. Québec aurait pu inscrire Mme Gendron dans le groupe des représentants dits «universitaires». Ce groupe sera plutôt représenté par Michel Malo, un géologue qui enseigne au Centre eau, terre et environnement de l'INRS, et par John William Molson, professeur adjoint en géologie et en génie géologique à l'Université Laval.
Pour le Collectif scientifique sur le gaz de schiste, l'absence de représentants des groupes environnementaux et citoyens, qui ont animé le débat sur les gaz de schiste, «témoigne à nouveau de la distance que le gouvernement entretient envers les citoyens, qui portent pourtant le lourd fardeau de la preuve du caractère inapproprié de ce projet à haut risque et qui auraient pu faire contrepoids aux acteurs d'emblée favorables à l'industrie gazière au sein du comité».
Quant aux universitaires, le collectif déplore que les deux spécialistes retenus soient de la même discipline, soit la géologie. Le collectif aurait aimé avoir plus d'information sur leurs liens avec le secteur privé, comme les sources de financement de leurs recherches et leur expérience en matière de sciences environnementales pour être sûr de leur capacité d'intégrer les préoccupations sociales et environnementales.
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