Racistes ou juste nonos?

J’opine pour ma part qu’on est en face d’un seul épais authentique, le gars qui veut nous faire croire ça.

Tolérance des Québécois / Sondage sur le racisme des Québécois


L’autre jour à l’aréna, un père m’apostrophe. « Trouvez-vous que les Québécois sont racistes ? » Euh… Pas spécialement, non. « Ben moi, oui, monsieur, et à part ça, moi aussi, je suis raciste ! »
Bon, eh bien… bon match.
Le lendemain, le choc, mesdames et messieurs : le Journal de Montréal titre en première page « 59 % des Québécois se disent racistes ». Ça fait mal.
Et toute la journée, les autres médias de reprendre la nouvelle comme une vérité. Même le premier ministre du Québec est intervenu dans le débat : Non ! Les Québécois ne sont pas racistes ! S’ensuivent débats, réactions, contradictions, analyses fines… Puis, quelle aubaine, une lettre de Mario Dumont qui réclame une Constitution québécoise pour « encadrer les accommodements raisonnables ».
Il faut débattre franchement de ces questions « sans avoir peur d’être taxé de racisme », dit Mario Dumont.
Fort bien, mais il me semblait à lire les manchettes qu’on en était rendu non seulement à ne pas avoir peur d’être taxé (injustement) de racisme… la majorité voulait se dire raciste !
Magnifique et interminable débat en perspective, qui déclenche un maximum d’émotions. Mais encore faut-il le faire démarrer sur un minimum de vérité. Or, tout ceci commence par une fausseté. Les Québécois ne se trouvent pas racistes – si tant est qu’on puisse être un peu, moyennement ou passionnément un tenant de la doctrine de la supériorité de certaines races sur d’autres.
La pièce maîtresse du sondage Léger Marketing, reprise dans tous les médias lundi, démontre le contraire de ce qu’affirment le Journal de Montréal et tout le monde.
À la question « Vous personnellement, à quel point vous considérez-vous raciste ? Diriez-vous que vous êtes… »
Suivent quatre choix de réponse : a) fortement raciste ; b) moyennement raciste ; c) faiblement raciste ; d) pas raciste du tout.
Réponse des Québécois : 1 % se disent fortement racistes ; 15 % se disent moyennement racistes ; 43 % se disent faiblement racistes ; 39 % se disent pas racistes du tout.
Tout l’art de la manchette consiste à placer les faiblement racistes du bon bord.
On devrait conclure de ce sondage que seulement 16 % des Québécois se considèrent moyennement ou fortement racistes. En bas de moyen, on n’a pas la note de passage, n’est-ce pas ? En vérité, 82 % des Québécois s’estiment faiblement ou pas du tout racistes. Voilà la vérité mathématique.
La vérité sociologique ? Je veux dire : les Québécois le sont-ils vraiment ? Rien n’indique dans les faits qu’ils le soient davantage que la moyenne des Canadiens. Difficile de le mesurer avec un sondage. L’opinion des gens sur eux-mêmes n’est pas le meilleur indicateur de leurs traits inavouables…
Essayons un sondage sur la méchanceté. Êtes-vous très méchant, moyennement méchant, faiblement méchant ou pas méchant du tout ?
Je ne me fierais pas au résultat pour savoir si les gens sont méchants. Mais si on obtenait 43 % de « faiblement méchants », je ne pourrais pas les mettre dans le paquet des gens qui se trouvent méchants !
Prenons un exemple encore plus simple. Un truc léger et léger. Un sondage sur l’intelligence. Question : selon votre vous-même profond, êtes-vous très épais, moyennement épais, faiblement épais ou pas épais du tout ?
Disons qu’on a 1 % de très épais, 15 % de moyennement épais et 43 % de faiblement épais. Est-on en face de 59 % de gens qui se croient épais ? J’opine pour ma part qu’on est en face d’un seul épais authentique, le gars qui veut nous faire croire ça.
Ça me rappelle le vieux gag de Raymond Devos, celui du monsieur qui lui dit : « Je suis un imbécile ». Mais non, lui répond Devos, vous n’êtes pas un imbécile. Si, je suis un imbécile, insiste l’autre. Très bien : si vous êtes un imbécile, prouvez-le ! Et le type de lui expliquer avec détail et subtilité toutes les raisons qui font de lui un imbécile. Si bien qu’à la fin, Devos se demande s’il n’a pas été pris pour un imbécile.
On nous prend pour des imbéciles, à défaut de nous prendre pour des racistes. L’idée n’est pas de nier le racisme, ou plutôt la xénophobie. Mais pour en parler utilement, commençons par refuser qu’on torde les faits. Et qu’on banalise un mot aussi lourd.


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