À l'automne 2000, de nombreuses manifestations contre les fusions forcées - imposées par Louise Harel - avaient mobilisées les Montréalais. Photo La Presse Canadienne
Un «sommet citoyen de Montréal» se tiendra cette fin de semaine dans la métropole. Je ne doute pas qu'on y soulèvera des questions importantes sur le thème de «La ville que nous voulons», dont nous avons eu des échos dans les médias ces derniers jours. Mais si je me fie à la programmation et à la liste de conférenciers invités, les préoccupations d'une majorité de Montréalais, du centre comme des banlieues, n'y seront pas nécessairement à l'ordre du jour.
La majorité des Montréalais sont propriétaires ou aimeraient bien le devenir. Ils ont souvent besoin d'une voiture pour se déplacer, au moins à l'occasion. Ils préféreraient payer le moins possible d'impôt foncier en échange de services municipaux efficaces. Rendre leurs déplacements plus difficiles, restreindre la croissance de la banlieue et augmenter leurs impôts pour financer des logements sociaux, des «projets citoyens» et une bureaucratie municipale envahissante plaira sans doute à certains groupes de pression, mais n'est pas dans leur intérêt.
Un débat pertinent sur la ville que nous voulons devrait par exemple aborder la question de la construction résidentielle. Il y a quelques semaines, un rapport passé largement inaperçu, mais qui pourrait avoir des répercussions importantes, a été remis au ministre de l'Agriculture. Son auteur, Bernard Ouimet, recommande de revoir les règles d'exclusion des terres actuellement protégées par la loi sur le zonage agricole, ce qui pourrait en pratique rendre plus difficile la construction résidentielle dans la périphérie urbaine de Montréal.
On semble tenir pour acquis que l'«étalement urbain» est un phénomène négatif qu'il faut contrer. Pourtant, les villes les plus dynamiques et accueillantes pour les familles sont celles qui permettent aux citoyens qui le veulent d'acheter une propriété à un prix abordable. Grâce à des règles relativement souples qui ont, par exemple, permis à des municipalités de la couronne nord de connaître un développement très important ces dernières années, la demande a pu être comblée et les prix des maisons sont restés abordables dans la région de Montréal. Qui défendra la volonté d'un très grand nombre de citoyens sur cette question?
Il semble aussi qu'on s'apprête à reparler du dossier des fusions municipales. La marraine de cette réforme, l'ex-ministre Louise Harel, se présente à la mairie de Montréal. Elle et plusieurs autres dénoncent régulièrement la désorganisation qui règne à Montréal depuis les défusions et la décentralisation des pouvoirs survenues en 2003.
Voilà un débat où la volonté de la majorité des citoyens a justement été complètement ignorée en 2001, lorsque Mme Harel a imposé les fusions. Si on doit le refaire, ça ne devrait pas être uniquement dans un sens - celui d'un retour à la mégaville centralisée - mais en remettant toutes les options sur la table.
Les études montrent clairement que les grosses villes centralisées deviennent des monstres bureaucratiques et ne permettent généralement pas d'obtenir les économies d'échelle dans les services qu'on nous promet. La majorité des citoyens préfèrent par ailleurs vivre dans des municipalités à une échelle plus modeste, où les taxes foncières sont raisonnables et où ils ont le sentiment d'avoir un contact plus direct avec l'administration. Va-t-on encore une fois ignorer leur volonté?
Enfin, la médiocre qualité des services municipaux est un perpétuel enjeu dans notre ville. D'autres métropoles nord-américaines nous ont donné des exemples réussis de privatisation et d'impartition de services municipaux qui ont permis de réduire les coûts et d'améliorer la productivité. À Montréal, on entend plutôt parler de l'inefficacité et des coûts élevés de la ville centre qui se propagent maintenant dans les banlieues fusionnées. Se pourrait-il qu'on se préoccupe plus de la volonté des syndicats que de celui des Montréalais ordinaires dans ce dossier?
La plupart des Montréalais n'ont pas le temps de participer à des «sommets citoyens», où l'on retrouve en fait surtout des militants. Espérons qu'on tiendra tout de même compte de leurs préoccupations dans ces débats sur l'avenir de Montréal.
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Michel Kelly-Gagnon
L'auteur est président-directeur général de l'Institut économique de Montréal ([www.iedm.org->www.iedm.org]).
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