Kathleen Lévesque 18 octobre 2012 Québec
La semaine dernière, Robert Lafrenière (notre photo), directeur de l'UPAC, affirmait que plus le temps passe, plus l’UPAC réussit à créer «une osmose opérationnelle». Une opinion loin d'être partagée par le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron.
Le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, exige un redressement de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) dont le manque de cohésion freine l’action. En entrevue au Devoir, le ministre a servi un avertissement non équivoque, précisant qu’il n’exclut pas d’apporter des changements « jusqu’aux plus hautes sphères » de l’organisme.
À l’heure où le patronage, le trafic d’influence, la collusion et les magouilles de toutes sortes préoccupent le Québec tout entier, l’UPAC ne peut se permettre d’être handicapée par un dysfonctionnement interne, croit le ministre. « Aucun changement n’est exclu d’emblée. On évalue la situation et nous verrons s’il y a lieu d’apporter des ajustements jusqu’aux plus hautes sphères. Le message est passé », a déclaré Stéphane Bergeron.
Robert Lafrenière, qui dirige l’UPAC, est ainsi directement concerné par l’irritation du ministre qui s’est rendu dans les bureaux de l’UPAC jeudi dernier. Il relate avoir demandé, dès ce moment, à ce que l’on serre les rangs.
Mais il semble que les révélations du Devoir, samedi, sur l’absence de concertation au sein de l’UPAC aient fait augmenter d’un cran sa volonté qu’un virage soit entrepris. Différentes sources dans différentes unités ont soulevé de nombreux éléments tendant à démontrer à quel point la structure est sclérosée.
Ces personnes ont affirmé qu’il y avait un manque flagrant de confiance entre les joueurs, que l’image publique de l’UPAC était une préoccupation centrale pour la direction et que l’UPAC était à la remorque de l’escouade Marteau, qui ne l’aurait pas informée de certaines perquisitions. L’équipe d’enquêteurs de la Régie du bâtiment n’occupe pas ses bureaux, le ministère des Affaires municipales a conservé son centre nerveux de vérification à Québec, en plus d’obliger ses partenaires à utiliser la Loi sur l’accès à l’information pour obtenir des documents. Et l’Agence du revenu poursuit ses enquêtes, y compris les perquisitions chez l’entrepreneur Tony Accurso, sans que ce soit sous l’égide de l’UPAC. « On veut nous faire avaler que l’UPAC existe, mais c’est une vue de l’esprit », disait alors une personne qui a requis l’anonymat par crainte de représailles.
Malgré les tensions qui sont apparues dès les tous débuts de l’UPAC, Robert Lafrenière a toujours nié la situation. Encore la semaine dernière, il disait que plus le temps passe, plus l’UPAC réussit à créer « une osmose opérationnelle ». Le commissaire doit rendre compte de l’avancement des travaux de l’UPAC de façon régulière.
Sa nomination avait rapidement soulevé certaines critiques. Le sous-ministre associé à la Direction générale des affaires policières, Martin Prud’homme, de qui relève M. Lafrenière, est le gendre de ce dernier. Les proches collaborateurs de M. Lafrenière sont Pierre Avon (commissaire associé) et Gilles Martin (responsable de Marteau et de l’Agence du revenu), deux anciens gestionnaires à la SQ, tout comme M. Lafrenière.
« J’aime à penser qu’il ne s’agit pas seulement d’une bannière politique », laisse tomber le ministre Bergeron.
Ce dernier demeure convaincu de la nécessité de maintenir l’UPAC, qui ne doit toutefois pas se limiter à un discours de relations publiques. « Quand l’UPAC a été mise en place [en février 2011], nous étions tous conscients qu’il y avait un défi à relever. Regrouper des équipes qui ne sont pas habituées de travailler ensemble n’est pas facile. Même chez les policiers, il peut y avoir des réticences entre différents groupes. Ça demeure toujours un défi », constate le ministre.
M. Bergeron indique que la nomination de Mario Laprise à la tête de la SQ a été faite justement pour stimuler les troupes, y compris celles de l’UPAC. M. Laprise a une longue feuille de route comme policier à la SQ, notamment au sein de l’escouade Carcajou ; il est donc rompu aux exigences des opérations sur le terrain, ce qui apparaît comme une qualité importante pour le ministre de la Sécurité publique dans les circonstances. « Il y avait un signal clair qu’on voulait envoyer. […] Tous doivent collaborer pour faire échec au crime », soutient M. Bergeron.
Robert Lafrenière n’a jamais fait mystère de son opposition à la création de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (commission Charbonneau). D’ailleurs, M. Lafrenière avait été consulté pour la première mouture de la commission « taillée sur mesure » sans pouvoir de contrainte. Stéphane Bergeron, alors député de l’opposition et critique en matière de sécurité publique, l’avait qualifiée de « patente à gosses ». Ce n’est que par la suite que la commission Charbonneau a obtenu tous les pouvoirs nécessaires pour mener ses travaux en toute indépendance.
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L’équipe, le mandat
Créée par décret gouvernemental le 16 février 2011, l’UPAC regroupe six unités d’enquête : l’escouade Marteau, des vérificateurs du ministère des Affaires municipales, des enquêteurs de la Commission de la construction du Québec (CCQ), une équipe de l’Agence du revenu du Québec (ARQ), une autre provenant de la Régie du bâtiment (RBQ) et, finalement, les enquêteurs et analystes de l’Unité anticollusion du ministère des Transports.
Son mandat touche particulièrement l’industrie de la construction. L’UPAC doit «détecter et réprimer, de façon concertée, les diverses infractions associées à la corruption, à la collusion et à la fraude», « prévenir la collusion et la fraude dans l’attribution et la réalisation des contrats publics par des mesures de vérification et de contrôle », « recueillir, colliger et analyser le renseignement » ainsi qu’« assurer le partage d’expertise et de renseignements entre les ministères et organismes ».
L’UPAC bénéficie d’un budget annuel de 30 millions de dollars.
Québec somme l’UPAC de faire l’unité
«Nous verrons s’il y a lieu d’apporter des ajustements jusqu’aux plus hautes sphères», dit Bergeron
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