Il n'y a sans doute rien de plus déchirant que de devoir se résoudre à abréger les jours d'un être cher pour mettre fin à ses souffrances.
D'ailleurs, en vérité, Mario Dumont ne semble pas si malheureux. Il trouve encore le moyen de lancer ces traits mordants qui lui valent régulièrement quelques lignes dans les journaux du lendemain. Bien mince consolation pour un homme qui se voyait premier ministre.
Le chef de l'ADQ a dit trouver «farfelu» le sondage de Léger Marketing commandé par les libéraux, selon lequel il pourrait être défait dans son comté par le maire de Rivière-du-Loup, Jean D'Amour. Il n'a pas tort. Ce scénario suppose une lutte à trois serrée, dont le troisième protagoniste serait le député bloquiste Paul Crête, tenu en haute estime dans la région mais qui dit n'avoir aucune intention de défendre les couleurs péquistes.
N'empêche que les électeurs de Rivière-du-Loup, qui vouent une véritable affection à M. Dumont, doivent commencer à se demander s'ils ne l'ont pas laissé s'étioler trop longtemps sur les banquettes de l'Assemblée nationale.
[«Mario coule à pic»->2555], écrivait mardi mon ami Jean-Jacques Samson, du Journal de Québec. Si au moins c'était le cas. En réalité, c'est bien pire: le chef de l'ADQ semble plutôt condamné à une interminable dérive. Cela fait maintenant 12 ans qu'il est là et le meilleur ne semble pas devoir venir. Il peut sûrement aspirer à mieux que simplement battre des records de longévité.
Il est maintenant trop attaché au parti qu'il a fondé avec Jean Allaire pour couper lui-même le cordon ombilical. Comment pourrait-il laisser tomber ceux qui l'ont suivi, croyant vraiment à la possibilité de renouveler la politique québécoise?
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Tuer par amour est assurément une terrible chose. Heureusement, en politique, l'euthanasie n'est pas irréversible. De nombreux cas de résurrection ont été recensés. On vient justement d'élever une statue au revenant le plus célèbre de l'histoire québécoise.
Pour lui faire avaler le rapport Allaire et l'empêcher de partir en guerre contre l'entente de Charlottetown, Robert Bourassa avait fait miroiter au président de la commission jeunesse du PLQ une plantureuse bourse d'études qui lui aurait permis d'aller étudier dans une prestigieuse université américaine. D'autres s'étaient laissé acheter. Mario Dumont avait refusé, ce qui était tout à son honneur.
Il n'y a cependant rien de déshonorant à battre en retraite quand on s'est enfoncé dans un cul-de-sac. D'un sondage à l'autre, l'ADQ se marginalise un peu plus. Les deux plus récents la créditent d'à peine 12 % des intentions de vote.
Au lendemain des prochaines élections, M. Dumont pourrait très bien se retrouver encore une fois à être le seul représentant de son parti à l'Assemblée nationale. Remarquez, ce ne serait peut-être pas plus mal que d'être entouré d'une poignée de néo-créditistes.
Criblée de dettes, abandonnée par les gens d'affaires qui avaient momentanément été séduits par son programme de droite, l'ADQ aura toutes les difficultés à mener une campagne digne de ce nom. Dans ces conditions, le recrutement de candidats de valeur s'annonce comme une tâche herculéenne.
Pour couronner le tout, l'ADQ risque d'être à nouveau victime de la polarisation de l'électorat sur la question nationale, à laquelle elle avait pu échapper en partie lors des deux dernières élections générales.
Au printemps 2003, la plateforme électorale du PQ avait à toutes fins utiles renvoyé la tenue d'un référendum sur la souveraineté aux calendes grecques. «Il n'est pas question de sauter des étapes ou de forcer la population à faire des choix qu'elle ne souhaite pas», pouvait-on y lire.
Malgré tous les efforts qu'il déploie ces temps-ci pour se distancier du programme adopté au congrès de juin 2005, il est douteux qu'André Boisclair réussisse à rendre un référendum aussi improbable dans l'esprit des électeurs.
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Mario Dumont fait tellement partie du paysage politique qu'il est devenu presque impossible de l'imaginer faire autre chose. Il doit lui-même en être incapable. Tantôt, on l'institue lieutenant de Stephen Harper au Québec; tantôt, on le voit rentrer au bercail libéral.
Au rythme où la popularité des conservateurs dégringole, il n'améliorerait pas beaucoup son sort en se joignant à eux. Quant aux libéraux, ils n'ont plus besoin de lui. Le PLQ pourrait très bien récupérer les comtés adéquistes sans lui donner quoi que ce soit en échange.
L'élection du PQ en septembre 1994, puis la tenue du référendum avaient permis à M. Dumont de jouer un rôle déterminant. Le «partenariat», que Jacques Parizeau avait dû inclure à contrecoeur dans la question référendaire, était un concept adéquiste. Si le Québec était devenu souverain, le chef de l'ADQ aurait été considéré à juste titre comme un des pères fondateurs du nouvel État.
S'il devait y avoir un autre référendum, il se retrouverait dans une situation beaucoup plus délicate. Qu'il choisisse l'un ou l'autre camp, son parti serait déchiré, peut-être de façon irréparable.
Pour le moment, il a surtout besoin de recul. Un exil comme celui de Robert Bourassa lui paraîtrait sans doute un peu long, mais André Boisclair est revenu triomphalement après moins de deux ans d'absence.
Le chef de l'ADQ n'a ni une épouse millionnaire ni la disponibilité d'un célibataire, mais avec un peu d'imagination et l'aide de quelques amis, il pourrait sûrement trouver le moyen de se ressourcer d'une manière ou d'une autre en attendant le moment de réapparaître.
À l'heure actuelle, il est coincé. Il ne peut pas quitter son poste à la veille des élections et encore moins demander à ses électeurs de ne pas le réélire. Ils lui rendraient un grand service en décidant pour lui.
mdavid@ledevoir.com
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