Line Beauchamp avait raison : elle ne faisait plus partie de la solution à la crise étudiante depuis un bon moment déjà. Le premier ministre Charest a beau dire qu’il a décidé de la retenir, il le savait aussi.
Dès le départ, Mme Beauchamp a semblé faire du conflit une affaire personnelle et, à entendre la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, c’était encore le cas lors des discussions téléphoniques d’hier matin. Les propos de la démissionnaire trahissaient son amertume. Clairement, le courant n’a jamais passé avec les associations étudiantes.
Avant même l’annonce de son remplacement par Michelle Courchesne, Mme Desjardins vantait son attitude « très proactive » durant le marathon de négociations d’il y a dix jours. Il est vrai que la présidente du Conseil du trésor a démontré dans le passé sa capacité de régler des dossiers délicats, notamment en arrivant à des règlements négociés avec les infirmières et les éducatrices en garderie.
Aussitôt nommée, Mme Courchesne a cependant voulu tempérer son image d’ouverture, mais elle est également capable d’intransigeance si tel est son mandat. Lors du marathon, elle jouait en quelque sorte un rôle de présidente d’assemblée, a-t-elle expliqué. Hier, elle a insisté sur la nécessité de « maintenir le dialogue », mais elle n’a ouvert la porte à aucun compromis sur la question qui est au coeur du conflit, soit la hausse des droits de scolarité. Clairement, elle ne négociera pas sur cette base.
« Les étudiants n’étaient pas en grève contre Line Beauchamp », a souligné le porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois. Changer de porte-parole ne peut avoir d’effet que dans la mesure où le message change aussi. Or, il semble tout aussi clair dans l’esprit de Mme Courchesne que dans celui de sa prédécesseure qu’il appartient aux étudiants de « faire leur bout de chemin ».
À entendre le premier ministre Charest, la rencontre de ce soir à laquelle participeront également la CREPUQ et les représentants des cégeps aura simplement pour objet de faire un état des lieux « qui va nous permettre de prendre des décisions ».
À moins d’un règlement in extremis, son ton cassant laissait clairement entendre que des mesures plus musclées, voire une loi spéciale, sont maintenant envisagées pour assurer l’accès aux établissements en grève à ceux qui désirent retourner en classe.
« On a été très patients. Nous avons agi de bonne foi avec la prémisse que ceux qui étaient devant nous étaient de foi. Mais avouons que cette affaire-là, tout le monde le voit, ça a débordé. Ce n’est plus une affaire de droits de scolarité », a-t-il déclaré, visiblement exaspéré.
Il faut se méfier d’un gouvernement aux abois. Encore une fois, le chef de la CAQ, François Legault, l’a invité à prendre les grands moyens. « La prochaine étape, ça va être de le faire avec les policiers, d’une façon un peu forcée. » Après une semaine de calme relatif, les nouveaux incidents survenus hier à Longueuil et au cégep de Rosemont annoncent un regain de tension.
Le ministre de Justice, Jean-Marc Fournier, a catégoriquement exclu de freiner la multiplication d’injonctions dont le non-respect risque de dévaloriser l’ensemble du système judiciaire. Elles pourraient même devenir plus précises et viser les étudiants. À ceux qui reprochent au gouvernement de se décharger de ses responsabilités sur les tribunaux, M. Fournier a répliqué que « le juridique est fait par le politique ».
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Après qu’elle eut elle-même rejeté la possibilité d’un moratoire qui permettrait la tenue d’un débat élargi sur l’avenir des universités, il était pour le moins étonnant d’entendre Line Beauchamp reprocher aux associations étudiantes d’en avoir rejeté l’idée.
Elle s’est dite « heurtée » d’entendre un porte-parole étudiant déclarer qu’il ne faisait pas confiance aux élus pour examiner la reddition de comptes des universités. Il n’est certainement pas le seul au Québec à douter de leurs capacités de régler quoi que ce soit.
Alors que des élections générales peuvent être déclenchées n’importe quand, l’extrême polarisation des partis transformerait immanquablement en foire d’empoigne une commission parlementaire qui serait saisie du dossier. Le débat sur l’avenir des universités québécoises nécessite un forum moins partisan et un climat de sérénité qu’il est difficile d’imaginer avant la tenue d’élections.
« On ira en élections quand ce sera le temps d’y aller », a déclaré M. Charest, toujours aussi sibyllin. Qui sait, cela pourrait bientôt être le temps.
Place aux muscles
« On ira en élections quand ce sera le temps d’y aller », a déclaré M. Charest, toujours aussi sibyllin. Qui sait, cela pourrait bientôt être le temps.
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