Il est quand même incroyable que le Canada se livre, avec d’autres États voyous, à des massacres à grande échelle, dans de multiples guerres impériales entreprises sans avoir consulté la population et que, devant ces massacres, aucun politicien du Québec — pas un seul — n’ose poser des questions. En même temps, il est tout aussi incroyable que la classe politique et beaucoup d’activistes du Québec jouent encore naïvement dans les mises en scène des médias du grand capital et n’aient pratiquement aucun plan pour mettre en échec les laveurs de cerveaux qui transforment littéralement les citoyens ordinaires en zombies. Heureusement, il est quelque peu rassurant de voir qu’Option nationale prévoit, dans sa plateforme, «mettre sur pied une commission indépendante qui se penchera sur la concentration des médias au Québec et émettra des recommandations au gouvernement». Mais ce n’est pas assez. Nous coulons à pic, et il est temps qu’on s’attaque au coeur de nos problèmes: le contrôle médiatique de la pensée.
Je lisais tout à l’heure la chronique de vendredi de mon camarade Patrick Bourgeois, «déprimé à l’os» de constater que, selon les sondages, les Québécois s’apprêtent inéluctablement, semble-t-il, à voter pour les caqueteux de François Legault et leur coalition du retour au Temps d’une paix. Mais, Patrick, cette situation t’étonne, toi, l’auteur de Nos ennemis les médias?
Pourtant, s’il y en a qui devraient comprendre les méthodes de nos adversaires, c’est bien nous. Combien de fois avons-nous vu les médias occulter notre point de vue, dire que nous sommes quelques centaines dans la rue quand nous sommes des milliers, passer sous silence la dégringolade du français, assassiner des personnalités ou leur attacher un grelot de lépreux? Dans la guerre des médias contre nous, nous essuyons sans cesse les coups et nous ne contrattaquons jamais. Du moins, pas avec la vigueur nécessaire. Bien sûr, je suis loin de mettre la faute sur le dos de Patrick, surtout après tous les sacrifices qu’il fait pour se battre à mains nues contre le cartel médiatique. Je parle de nous tous, les Québécois, qui voudrions enfin être un peuple souverain.
La pub gratuite pour les caqueteux
Dans le cas de Legault, la stratégie médiatique fédéraliste consiste à appliquer comme d’habitude deux bons vieux principes. Le premier est celui de la visibilité et le second est le principe inverse, celui de l’occultation. Lors de la conférence de Jean-Martin Aussant, à l’Université Laval, le 16 novembre 2011, un jeune homme lui a demandé (à 43 min. 40 sec. dans la vidéo) comment un parti politique pouvait prendre son envol sans l’appui des médias. M. Aussant a répondu que c’était «un obstacle de plus» et qu’il était très clair que les médias appuyaient un certain parti. Pour ne pas le nommer, ce parti est évidemment celui des caqueteux passéistes. L’appui des médias n’est pas étonnant, car il y va nettement de l’intérêt égoïste de leurs riches propriétaires, qui ont l’emprise totale sur l’information et qui sont en train de «détruire la planète», dirait Hervé Kempf, mais aussi d’anéantir la démocratie, la solidarité et la justice pour une grande partie de l’humanité.
M. Aussant a précisé ceci: «La journée où nous avons dévoilé la plateforme d’Option nationale dans un point de presse où tout le monde avait été invité, ce qui roulait en boucle dans les principales chaines d’information, c’est qu’il y avait peut-être eu une conversation téléphonique entre Deltel et Legault, ce jour-là.»
En plus d’être au coeur de beaucoup de nouvelles créées de toutes pièces, sur des sujets tous plus insignifiants les uns que les autres, Legault a été reçu au talkshow du pape Guy A. Lepage dimanche dernier, en compagnie de ses adeptes Gaétan Frigon et Normand Legault. Voilà un immense battage médiatique gratuit pour le principal intéressé et ses acolytes. Une telle publicité vaudrait des millions de dollars s’il fallait que Legault se la paie lui-même. En l’espace de quelques semaines, il a acquis une grande notoriété. Tout le monde en parle ou l’application parfaite du principe de la visibilité.
À l’inverse, je serais curieux de savoir combien de Québécois sont au courant de l’existence d’Option nationale. Combien pourraient reconnaitre Jean-Martin Aussant en le voyant? Poser la question, c’est y répondre. Inutile de dire que la plateforme d’Option nationale, elle, est complètement inconnue de 99 % des Québécois.
Gaétan Frigon, ancien président de la SAQ invité à dessein par Lepage pour dorer l’image de François Legault devant un auditoire frôlant le million de téléspectateurs, a même eu des paroles révélatrices lorsque Lepage lui a signalé qu’il y avait «cinq partis politiques» (à l’exclusion des caqueteux, qui ne font pas partie des cinq partis représentés à l’Assemblée nationale et qui ne sont que l’un des 19 partis dument autorisés). M. Frigon a dit qu’à part les trois seuls partis qui existent dans son esprit (le parti de la corruption, le parti des velléitaires attentistes et le parti des caqueteux, pour que nos lecteurs comprennent), il n’y avait pas d’autre parti au Québec. Il a loué l’arrivée «d’un troisième parti», les caqueteux, et a dit, à propos des autres partis pourtant représentés à l’Assemblée nationale: «je ne les compte même pas». Évidemment, le pape n’a pas coupé ça au montage. Il tient à son contrat avec Radio-Canada.
Mais les médias savent préserver leur apparence d’objectivité tout en accordant une visibilité énorme à François Legault, comme ils l'ont fait en avril dernier avec Jack Layton. Ainsi, le pape accueillera, le 27 novembre, l’inoffensive Pauline Marois. Les faiseux d’opinion fédéralistes aiment beaucoup Pauline Marois. Elle leur est très utile. Et Jean-Martin Aussant? On verra, comme dirait le caqueteux Legault. Peut-être plus tard, quand les dés seront solidement et définitivement pipés.
Pendant que nous avons l’impression de faire œuvre utile de prosélytisme, en nous activant sur fessebouke ou touiteur, nous oublions que nos valeureux efforts ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan informationnel. Les médias rejoignent par leur convergence mille fois plus de monde que nous. Les médias sociaux ne sont utiles pour faire connaitre des idées ou des candidats que dans la mesure où leurs messages sont relayés et amplifiés par les grands médias.
Tuer du monde avec l’argent des contribuables, dans l’indifférence généralisée
Faisons un sondage pour obtenir une réponse favorable à la souveraineté du Québec. Vous me trouvez manipulateur? Pourtant, Gesca et Radio-Canada font constamment des sondages conçus pour donner les réponses qu’ils veulent. Oubliez donc vos scrupules. Posons la question suivante à notre peuple: Voulez-vous que le gouvernement du Québec rapatrie les taxes et les impôts des Québécois pour répondre à leurs besoins, notamment en santé et en éducation, ou préférez-vous continuer d’envoyer 50 milliards de dollars par année à Ottawa pour construire des prisons, y incarcérer des adolescents, acheter des avions d’attaque, bombarder des pays qui ne nous ont rien fait, à l’autre bout du monde, et y massacrer des centaines de milliers de personnes?
Évidemment, il n’y a pas de danger que La Presse, Radio-Canada ou même le petit Devoir à la gomme de noix fassent un tel sondage. Et vous et moi n’avons pas les moyens de le réaliser et d’en diffuser les résultats à grande échelle. Mais supposons quand même que nous posions cette question. La réponse serait nettement plus favorable à la souveraineté que les questions tordues de Radio-Gesca, c’est évident. Et cette question aurait le mérite de présenter un enjeu très actuel qui, à mon avis, est un motif de sécession immédiate pour le peuple québécois.
Que les libéraux de Jean Charest soient corrompus jusqu’à la moelle ne nous donne pas un motif de réaliser l’indépendance demain matin. On peut toujours remplacer le gouvernement corrompu par un gouvernement provincial propre de péquistes ou de caqueteux. Mais voir ses impôts confisqués par des criminels de guerre qui se vantent de leurs crimes en les assimilant à une forme de philanthropie et qui s’apprêtent à remettre ça en Syrie, sous un déluge de mensonges médiatiques, dépasse de loin les limites absolues de l'acceptable. Le peuple québécois devrait pouvoir dire, demain matin, qu’il n’a pas du tout voté pour ça et qu’il refuse que ses impôts soient employés pour commettre des crimes de masse.
C’est pas mêlant, nous vivons dans un régime pire que l’Allemagne nazie, sans même nous en rendre compte. D’ailleurs, les conservateurs s’inspirent carrément des méthodes de Goebbels. Ils vont jusqu’à reprendre les mêmes mensonges. Le 22 novembre, au Parlement, le député conservateur James Bezan a répété pour la énième fois le mythe de la «famine créée de toutes pièces par Joseph Staline, en Ukraine».
Ce mythe a été fabriqué par les nazis et propagé par le magnat de la presse étasunienne William Hearst, grand ami d’Hitler, dans le cadre de la propagande de guerre contre l’U.R.S.S. avant la Deuxième Guerre mondiale. Aujourd’hui, les conservateurs d’Ottawa et leurs amis des États voyous de l’OTAN ont besoin de diaboliser la Russie, en prévision des bombardements massifs de son allié la Syrie. Alors, M. Bezan et ses amis assassins du Parti des créationnistes de Drumheller se comportent en dignes héritiers de Goebbels et des nazis. Qui veut encore appartenir à un pays pareil? Quel Québécois veut être la honte de l’humanité? Qui parmi nous veut passer à l’histoire pour sa lâcheté et sa complicité devant des actes d’une barbarie innommable?
De plus en plus de Québécois sont conscients des mensonges énormes qu’on leur raconte. Il n’y a qu’à lire les commentaires des internautes lorsque Radio-Canada publie, dans son site Web, ses ordures complètement mensongères à propos de la Côte d’Ivoire, de la Libye ou de la Syrie, par exemple. Mais il reste encore trop de gens qui ne comprennent rien. Le public a le cerveau complètement lavé en général. Les grands médias lui cachent systématiquement les crimes de guerre d’Ottawa au Kosovo, en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, en Libye et les lui cacheront bientôt en Syrie. Les prétextes fallacieux de la démocratie des bombes sont profondément enracinés dans les esprits: Milosevic génocidaire, Afghans terroristes, rétrogrades et misogynes, Gbagbo dictateur, Kadhafi tyran et al-Assad tortionnaire.
Trop de gens ont le cerveau lavé au sujet des guerres impériales, tout comme trop de gens ne prendront jamais connaissance de la plateforme d’Option nationale parce que la démocratie est prise en otage par les médias au service du grand capital et leurs serviteurs journalistes, qui exercent une «profession honteusement dégoulinante de lâcheté», comme l’a dit Omar Aktouf, professeur aux HEC, à Montréal, à l’émission «Le Pied à Papineau», de Robin Philpot.
Ça n’a aucun bon sens. Cette situation est intolérable. La démocratie n’existe plus. Il faut cesser de jouer dans les mises en scène des grands médias. Il faut leur déclarer ouvertement la guerre. Nous devrions examiner la voie judiciaire parce que des milliers de personnes au Québec ont des proches à l’étranger qu’ils doivent soutenir contre les agressions néocoloniales et les politiques génocidaires d’Ottawa. Mais il faut surtout que les indépendantistes québécois comprennent que la donne n’est plus la même qu’il y a quelques années. Le contrôle médiatique est devenu extrême. Nous devons unir nos forces pour lutter efficacement contre cette pourriture qui nous asservit.
Les initiatives ne doivent plus être isolées, et les politiciens doivent cesser leur hypocrisie et participer activement à la guerre contre les grands médias. Le Québécois, Vigile, L’Aut’ Journal, L’Action nationale, les blogues et les médias sociaux, c’est bien beau, mais ces efforts sont dispersés. Le mouvement indépendantiste et les autres progressistes doivent être sérieux. Ça nous prend de l’argent, de l’énergie et du talent. Nous devons nous créer notre propre convergence médiatique pour être entendus clairement par la majorité des Québécois. Nous ne devrions être satisfaits que le jour où le pape Lepage aura perdu la moitié de sa cote d’écoute au profit d’une émission qui dira la vérité. Toute la vérité. Pas seulement celle qui est autorisée à Radio-Canada.
Chronique du samedi - Bernard Desgagné
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