Les partis politiques québécois sont-ils en panne de leadership?
Au moment où l'arrivée d'un nouveau chef de l'opposition à Québec marque le début de la dernière manche avant les élections, la question se pose.
Il faut bien admettre que ni le Parti québécois le Parti libéral ne soulèvent de grandes vagues d'enthousiasme dans la population. Aucun grand projet, des discours creux, une relève quasi inexistante et des chefs qui inspirent le doute quand ce n'est pas carrément des allergies à l'électorat.
Pas étonnant de constater que les deux principaux partis misent d'abord sur les faiblesses du chef adverse plutôt que sur les qualités du leur en vue de la prochaine campagne électorale.
Le Parti québécois, c'est clair à chaque discours d'André Boisclair, élabore son plan de match à partir de l'impopularité du gouvernement Charest. Les libéraux, eux, sont persuadés que la personnalité et l'inexpérience du nouveau chef de l'opposition rebutera l'électorat.
À ce petit jeu de "l'autre est pire que moi", André Boisclair part défavorisé, notamment parce Jean Charest a trois ans d'expérience dans son job et tous les leviers du pouvoir en main. M.Boisclair, lui, vient d'arrivée dans le sien et ne peut que critiquer le gouvernement, ce qui peut vite devenir lassant.
Si l'histoire politique des 30 dernières années au Québec est un présage de la suite des choses, c'est loin d'être dans la poche pour André Boisclair, quoi qu'en disent les sondages.
Prendre les rênes de son parti après que celui-ci a perdu le pouvoir et l'y ramener dès les élections suivantes s'avère un défi apparemment impossible au Québec. Au cours des trois dernières décennies, les Jean Charest (en 1998), Jacques Parizeau (en 1989) et Claude Ryan (en 1981) n'y sont pas parvenus. Il semble que les Québécois aiment bien voir comment se débrouille un nouveau chef de parti dans l'opposition avant de lui permettre d'accéder au pouvoir.
Dans une démocratie essentiellement bipartite comme la nôtre, on a une forte tendance à garder notre gouvernement pour deux mandats. Après quoi, on juge, à tort ou à raison qu'il est temps de changer. C'est le syndrome de la vieille bagnole, tel que résumé par Bernard Landry en 2003. En entrevue à La Presse quelques jours avant de perdre le pouvoir aux mains de Jean Charest, l'ancien premier ministre avait exprimé toute sa frustration devant l'irrationalité des Québécois qui s'apprêtaient à changer leur vieille bagnole même si celle-ci fonctionne encore très bien.
La bagnole de Jean Charest est peut-être un citron aux yeux de ses détracteurs, mais elle n'est pas vieille.
Convaincre les Québécois de s'en départir après quatre ans (plus ou moins) représente sans doute le défi le plus lourd pour André Boisclair. Ce n'est pas un hasard si le nouveau chef de l'opposition insiste tant depuis sa victoire dans Pointe-aux-Trembles, il y a 10 jours, sur les ratés du gouvernement Charest. Au risque d'en beurrer trop épais. À entendre André Boisclair ces jours-ci, Jean Charest est le plus grand menteur qu'ait connu le Québec depuis le Capitaine Bonhomme.
Dans l'opposition, tout est question de mesure. Trop, c'est comme pas assez et à trop en mettre, elle risque de perdre sa crédibilité.
Jean Charest, disent les péquistes, est le champion toute catégorie des promesses brisées. L'autre soir, sur RDI, le lieutenant du chef péquiste, Nicolas Girard, disait même que si Jean Charest déclenchait des élections cet automne, ce serait une autre promesse brisée parce qu'il a dit précédemment qu'il ne le ferait pas! Faudrait savoir, parce qu'André Boisclair, lui, réclame des élections - il les prédit, en tout cas.
Peut-être parce qu'il juge qu'il n'a pas intérêt à attendre trop longtemps. Sa meilleure carte, c'est peut-être bien celle de la fraîcheur (non, non, pas dans le sens de "il fait son frais", mais bien celui de la nouveauté). C'est en tout cas avec celle-ci qu'il s'est fait élire à la tête du Parti québécois.
Mais il faudra plus. André Boisclair le sait. C'est pour cela qu'il essayera au cours des prochaines semaines de repositionner son parti sur ses terrains de prédilections: l'éducation et la famille, notamment. Le PQ a aussi un urgent besoin de sang neuf, des candidats connus et inspirants.
D'autant plus que malgré de graves erreurs de parcours du gouvernement Charest, erreurs amplifiées par des problèmes évidents de communication, le Québec ne se porte pas si mal.
Jean Charest ne "connecte" pas avec ses concitoyens, c'est évident, mais il est faux de prétendre qu'il les a conduits au bord du gouffre. Les libéraux, s'ils se dotent d'un plan de communication solide, pourraient fort bien démontrer que le Québec se porte mieux économiquement qu'il y a quatre ans. Et qu'il continuera de se porter mieux sans la "menace permanente" de voir poindre un nouveau référendum si les astres souverainistes s'alignent favorablement.
En ce sens, le prochain "affrontement" d'André Boisclair avec le Conseil national du PQ sera aussi déterminant que son entrée à l'Assemblée nationale.
Parce qu'au Parti québécois, les plus dangereux adversaires du chef ne sont pas toujours devant. Ils sont parfois aussi juste à ses côtés.
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