Dans l’absolu, le débat sur les relations existantes entre la sphère politique et la sphère médiatique est sain dans toute société démocratique. Tant il est vrai que le rôle principal de la presse est de talonner en toute indépendance et objectivité le pouvoir.
Mais voilà que les choses se compliquent un peu lorsque l’on essaye de se faire une idée plus précise de ce que suppose l’indépendance ou de ce que l’on entend au juste par ce concept fourre-tout qu’est le « pouvoir ».
Qu’est-ce que le pouvoir? Est-ce le gouvernement? La fonction publique? Les différentes polices? Le monde des affaires? Les lobbys corporatistes?
Toutes ces réponses sont certainement valables. Mais cette question du pouvoir est beaucoup trop sérieuse pour se limiter à ces quelques considérations. En le faisant, on quitte l’absolu.
Comment ne pas penser que le pouvoir n’est pas aussi – et surtout – la capacité démesurée que possèdent certaines personnes dans notre société à influencer le cours de l’histoire, dans l’ombre, sans jamais rendre de comptes à personne.
Au Québec, le cas du magnat des médias, Paul Desmarais, l’ex-président de Power Corporation correspond à ce profil. L’empire étend ses tentacules dans plusieurs sphères et même au-delà du Québec. Rappelons-nous de son agitation pour faire élire le président d’un autre État souverain, qui est la France, Nicolas Sarkozy. Les relations privilégiées qu’entretient l’empire avec le Parti libéral du Québec, par exemple, ne sont plus à démontrer.
En réalité, le cas Desmarais est unique.
En ce sens que pendant un demi-siècle il a contribué à faire et défaire des gouvernements, à choisir des premiers ministres et à se mêler de référendums. Dans les pages éditoriales de ses journaux, les journalistes ont moins de latitude – ou si vous voulez d’indépendance – que ceux qui travaillent chez Quebecor, l’autre empire médiatique.
On l’a bien senti lors du débat sur la fameuse Charte.
Et tout ceci se fait, encore une fois, dans l’ombre. Loin des caméras.
C’est là où le cas de PKP devient intéressant. Lui aussi est un magnat de la presse. Homme d’une grande influence. À la différence que depuis avril dernier il est député de Saint-Jérôme du Parti québécois.
Il a des comptes à rendre.
L’interroger, l’asticoter, le tourmenter est donc devenu possible.
Légitime même en quelque sorte.
PKP a donc perdu en liberté ce qu’il pourrait possiblement gagner en puissance si jamais il devient premier ministre du Québec. C’est ça qui fait peur à ses adversaires.
Il n’est aucunement question ici d’un débat sur l’éthique mais d’une charge organisée pour se débarrasser d’un homme qui gagne en popularité. Une espèce d’étoile montante que l’on veut éteindre là maintenant tout de suite avant qu’elle ne se mette trop à scintiller.
Oui, la concentration de la presse est néfaste pour la démocratie. Oui, il faut parler de cette question comme le réclame d’ailleurs la Fédération professionnelle des journalistes du Québec depuis au moins une dizaine d’années.
Mais nous sommes ailleurs en ce moment. Dans une autre joute, celle de la politique bassement partisane qui essaye d’écarter un homme par tous les moyens.
C’est là où le rôle du député Jean-François Lisée est préoccupant. Car il participe à l’orchestration de cette machinerie. Je doute que Lisée soit habité par un regain soudain pour les questions d’éthique comme il le prétend. Surtout, son geste n’a rien à voir avec un quelconque courage.
Le courage de la vérité ne choisit pas son « moment ». Sinon il devient un courage mou, faux.
« Le vrai courage, disait Napoléon, c’est celui de trois heures du matin. Il voulait dire par là, sans doute, que le courage auquel il accordait estime était celui d’où toute griserie, toute vanité, toute émulation fussent exclues. Un courage sans témoins, sans complices ; un courage à froid et à jeun.» (André Gide)
L’homme réellement courageux est celui qui se bat pour ses principes dans la solitude de lui-même, presque dans l’indifférence, voire le mépris de ses semblables, dans l’ombre et sans bruit. Or, pour Lisée, le courage est un spectacle, un moyen de se faire voir, de mousser la parution de son prochain livre, une façon d’éclipser ses adversaires politiques, voire de les éliminer en les jetant en pâture entre les mains tantôt des fédéralistes, tantôt des journalistes.
C’est dans cette optique qu’il faut voir ses déclarations sur la Charte, destinées encore une fois à rabaisser un autre adversaire politique, cette fois-ci Bernard Dainville. Car il sait que pour les journalistes ce type de déclarations c’est du bonbon.
Surtout, il veut nous faire croire que ses agissements n’ont rien à voir avec des attaques. Il se cache derrière un soi-disant débat d’idées.
Mais à force de souffler le chaud et le froid et de multiplier les coups bas, Jean-François Lisée donne un spectacle désolant de la politique.
Le courage de la vérité a besoin d’un peu plus de dignité.
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