Les paradis fiscaux dans le cannabis inquiètent le Sénat

Aeb6859115829c1b96f39f18c3ff9401

S'il servait à quelque chose, le Sénat devrait bloquer la légalisation

Les ministres du gouvernement Trudeau ne semblent pas avoir réussi à rassurer les sénateurs sur leur projet de légalisation du cannabis, notamment quant à la présence d’ex-politiciens libéraux et d’argent des paradis fiscaux dans l’industrie.


« Oui ou non, allez-vous vous assurer que nous connaîtrons qui se cache derrière ces capitaux qui proviennent des paradis fiscaux », a lancé mardi sous un tonnerre d’applaudissements le sénateur québécois Serge Joyal.


Comme lui, ses collègues ont talonné pendant près de deux heures les ministres fédéraux responsables de la légalisation du cannabis, Judy Wilson-Raybould (Justice), Ginette Petitpas Taylor (Santé), Ralph Goodale (Sécurité publique), et le secrétaire parlementaire Bill Blair, réunis pour une rare fois mardi devant un comité du Sénat.



Problème de transparence


Certaines questions ont pris le ton de l’affrontement, notamment au sujet des révélations de notre Bureau d’enquête selon lesquelles au moins 165 millions de dollars en provenance d’investisseurs anonymes basés dans des paradis fiscaux financent des producteurs autorisés de cannabis.


De l’avis du sénateur Joyal, cela démontre que le crime organisé peut passer par des stratagèmes comptables pour continuer de tirer les ficelles de l’industrie du pot légal.


« Je comprends que Maurice “Mom” Boucher ne va pas demander un permis pour Boucher cannabis Corporation », a-t-il ironisé.


Le ministre Goodale a dit se préoccuper de la transparence, mais a évoqué les conseils des avocats du gouvernement sur les limites légales de publier tous les noms des financiers du cannabis.


Selon lui, les mesures déjà en place permettent de combattre le blanchiment d’argent dans n’importe quelle entreprise canadienne.


D’autres sénateurs ont critiqué des aspects du projet, comme la santé publique, le financement des corps policiers en région ou les risques de poursuites envers l’industrie du cannabis, similaires à celles qui ont visé celle du tabac.


L’ambiance était parfois tendue, comme lorsqu’une sénatrice a coupé la parole de la ministre Wilson-Raybould pour lui dire qu’elle ne répondait pas aux questions.


Libéraux impliqués


Le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu est par exemple revenu à la charge en soulignant qu’un grand nombre d’anciens politiciens libéraux font maintenant des affaires en or dans la production de cannabis.


« Plusieurs licences que possèdent les personnes associées au Parti libéral ont été données à l’époque du précédent gouvernement Harper. Ce n’est pas une question de partisanerie, pas du tout », a assuré la ministre Petitpas Taylor.


Dans son discours, la ministre a aussi indiqué qu’un délai de 8 à 12 semaines sera nécessaire après l’adoption du projet de loi pour acheter ses premiers joints dans les magasins légaux, afin que les compagnies de cannabis puissent s’ajuster.


Cela a fait douter des sénateurs conservateurs, dont le groupe est minoritaire au Sénat, qu’ils auront le temps d’examiner le projet de légalisation à temps pour juillet 2018.