Éléments pour un cours de jugement médiatique

Les médias perdent aussi la boussole… pas pour rire

Des années d’analyse de cynisme en perspective

Tribune libre

15 juin 2012
Quoique l’animateur TVA Denis Lévesque, depuis 1 an particulièrement, perd très souvent le sens des réalités et s’abaisse à la bouffonnerie systématiquement, sombrant dans le ridicule de plus en plus, hier soir ce fut très remarquable.
Entre deux invités qu’il amena à se positionner sur le professeur à la vidéo Magnotta comme « outil » pédagogique, sur le thème du manque de jugement, Lévesque amena l’idée – de l’ordre d’un innéisme naïf si l’on y pense, que : « le jugement ça s’apprend pas à l’université, ni à l’école! ». Quel manque de jugement pour un animateur, déclarer cela devant des milliers de téléspectateurs, alors qu’il a lui-même animé pleins d’émissions dénonçant l’intimidation et l’abus sexuel, soit à l’école ou par Internet, déclarant que l’éducation à l’école était essentielle pour résoudre ces problèmes : en apprenant à développer son jugement! Ces émissions populaires peuvent révéler une tragédie d’incompétence et d’incohérence crasses en situation de crise.
Je reviens à l’émission d’hier et à la réaction causée par l’affirmation de Lévesque : « le jugement, ça ne s’apprend pas à l’université, ni à l’école! ».

Ses invités, un peu déstabilisés par cette subite banalisation ou vide psychologique de la part de l’animateur le reprirent tous les deux sans aucune hésitation : le jugement s’apprend à l’école, tout autant que dans la famille.
Après que ces idées furent énoncées intelligemment par ses « spécialistes », Lévesque mettant fin à leurs interventions et à l’émission, conclut, avec cette bizarre technique paranoïde d’insécurité qu’il a de prendre à témoin le spectateur virtuel en le fixant (il le fait même en répondant à ses invités, une forme d’air abruti et clownesque assez malaisante pour l’intelligence) : « le jugement pour moé, tu l’as ou tu l’as pas! ». C’est donc inné! Un bel exemple de dérive et d’incohérence des animateurs et des journalistes devant la caméra de ce temps-ci. Lévesque a annulé tout le sérieux du débat qui avait pris lieu à son émission tout en balayant la pertinence des propos de ses invités du revers de la main – le tout pratiquement inconsciencement.
Cet exemple m’en rappelle un autre que je donnais dans un article diffusé ici (Gilles Duceppe : le nouveau Lucien Bouchard de service?), un lapsus commis par la lectrice de nouvelles France Nadeau à SRC télé, qui présenta Gilles Duceppe en l’appelant Gilles Villeneuve. Dans le cadre du Grand Prix F1 du Canada de la fin semaine dernière : ça n’a pas de prix! Avouais-je.
Ce lapsus était pétant de vérités sur la crise, Duceppe ayant fait preuve d’autoritarisme et d’illogisme en prônant radicalement d’exclure la CLASSE (Gabriel Nadeau-Dubois étant perçu comme un activiste dangereux), comme premier critère de négociation avec les étudiants (comme on sait la CLASSE représente la moitié des étudiants en grève, les exclure, c’est négocier à moitié, tout en faisant de ces étudiants des citoyens de seconde zone, manque total de vision de gestion de crise de la part de Duceppe).
Enfin, comparer Duceppe à Villeneuve, contenait beaucoup de significations allant dans autant de directions, dont un renvoi à Jacques (non plus Gilles) Villeneuve, qui avait traité avec mépris et arrogance les étudiants de « fainéants » et de « sans cause »; Nadeau opéra aussi une condensation, plus subtile, entre Duceppe et le nazi Bernie Ecclestone, le dictateur multimilliardaire propriétaire du Grand Prix de F1. Bref, l’hypercontrôle médiatique que nous subissons présentement donne lieu à des types d’absence d’esprit, de pertinence et de logique, pleinement significatifs ou révélés sans filtre à l’écran de télévision. Les animateurs et journalistes délirent sans masque (eux aussi appliquent la loi anti masque du maire de Montréal, Gérald Tremblay).

Pour revenir à Denis Lévesque, il avait reçu Léopold Lauzon à son émission récemment, lors de laquelle il s’évertuait sur un ton de plus en plus élevé et agressif à l’amener à reconnaître qu’il était contre la violence. Le ton monta, devant un Léopold qui paraissait étonnamment retenu (lui qui est plutôt l’inverse du calme absolu!). Lévesque en vint à grimper dans le ton si bien qu’en hurlant pour arracher l’aveu les micros eux-mêmes devinrent parasités, prenant l’attitude d’un policier face à un criminel dont il cherchait à faire avouer son méfait sous une lampe à haute intensité pointée sur lui, prêt à lui assener un coup. Léopold, apeuré sans doute par cet excès, dit, posément, non, la violence, c’est pas bien.
Le lendemain, Lévesque était absent, disparu, son émission présentait une vieille reprise. Une petite vacance quoi! Histoire de se remettre la voix en ordre et se distancer du vrai fou de lui qu’il avait fait! Avouez que c’est le dictateur parfait à la Chaplin : il exerce une extrême violence sur l’autre pour lui faire avouer qu’il est contre la violence. Faut le faire, et en pleine télé, incensuré! Même les gens ordinaires, pris à témoin de cet aveu excessivement forcé, ont pu être déstabilisés un peu, ressentir une petite gêne pour Lévesque, à tout le moins.
C’est ça la vie médiatique en situation d’évolution sociale intensive. Prendre conscience, ça peut être pénible pour une bonne part de la majorité silencieuse, sourde et aveugle : avoir à prendre son dictionnaire pour saisir les mots capitalisme, néolibéralisme, corporatisme, affairisme, désobéissance civile, État policer, ouf! c’est pas donné à tous les jours avec autant de clous enfoncés, et ça demande un effort entre la bière, le grillage de bedaine et l’arrosage du patio.
C’est pour cela qu’il est instinctif pour certains excédés de s’exclamer en jappant : qui z’aillent travailler! Le décrochage scolaire, c’est plus facile que de s’ « activer » les méninges à étudier, voilà l’opinion que Charest/Bachand manipulent, pour justifier le coup du 75% d’augmentation des frais (appeler cela des « droits », selon moi, est un détournement des « Droits de la personne » en privilège! Il nous faut « boycotter » et relever cet abus intentionnel du langage par le gouvernement, comme sur d’autres plans d’ailleurs).
Pour ceux qui s’intéresse au sens des mots, bien utilisés et articulés, et les dimensions de la communication, ces délires, dérives et lapsus, sont des moments de rires inextinguibles qu’aucun clown Rozon ou Festival juste pour rire peuvent remplacer. Sur cet aspect, j’ai plus que « ma juste part », merci Charest/Bachand pour la crise! Mais, sérieusement, médiatiquement et politiquement, la situation est des plus lamentables, à pleurer.
La majorité silencieuse devrait organiser des manifs pleureuses, j’y serais très empathique, avec des mouchoirs gratuits à distribuer, plus compatissant que le Jeff arroseur/arrosé de manifs casseroles à Longueuil ou l’opportuniste extrême droitiste animateur radio de Québec, Jérôme Côté, avec sa morale à gros clinquant de cote d’écoute et de possibles tractations payantes par la bande. Le plus grave, c’est que ces gens n’ont pas le sens du ridicule et sont socio-politiquement incultes pour le vrai…et le faux.
Cristal de Paix


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