Les manifestations d'Indignés en différents points du monde intéressent les lecteurs du Point.fr. Une question est débattue : les mouvements sont-ils des signes sporadiques et éphémères d'une protestation commune, ou les prémices d'actions révolutionnaires ?
Le mouvement des Indignés, c'est d'abord un regard sur le monde, une interprétation de la réalité planétaire, montrent les commentaires.
"Un mécanisme effrayant"
Du point de vue des Indignés, l'humanité semble dominée par l'hydre du pouvoir financier "égoïste et impitoyable" (Milgo), qui est "comme une tempête, un ouragan qui emporte tout sur son passage et peu importe qui se trouve sous les décombres" (svoboda). Le monstre, c'est "le système économique mondial", qui est "faussé", car "manipulé par un mécanisme effrayant, et autodestructeur par essence". Numero880 explique la manipulation : "Le dollar n'est plus basé que sur du vent, des titres abstraits, informatisés ne se référent plus à la véritable valeur ajoutée ou force de production." Les conséquences en sont que "nous vivons tous de l'addition d'une dette irremboursable par la planète entière, une dette inique, le bénéfice de l'action d'une oligarchie rentière qui prélève à chaque instant et appelle travail l'organisation administrative d'un hold-up monumental et planétaire" (numero880). Et ce chaos du monde semble bien orchestré : "Le but est de maintenir un état de guerre économique larvée pour balayer tous les acquis sociaux, et le pouvoir politique, encore un peu tenu par les États. On voit que le politique est à la traîne de l'économie et de la finance toutes-puissantes. C'est le social qui en fait les frais" (yannick29).
Alors, on s'intéresse de près à ce que disent les Indignés, qui décortiquent la méthode du pouvoir financier : avant tout, la démagogie.
"Le réveil de ceux qui commencent à ouvrir les yeux sur un système dévoré par la démagogie" (Thierry Asie)
Ce réveil exprime "le désir fort de voir les gouvernants se mettre au service de l'intérêt général de toutes les populations, et non pas le contraire que nous vivons dans la plus grande frustration" (Libre penseuse), car "nous sommes excédés par la langue de bois et les promesses pour nous endormir et travailler - ceux qui ont du travail -, pour engraisser les rois de la finance mondiale et les profiteurs". "Depuis quelques décennies, tout n'est que propagande, désinformation, slogans et communications sans aucun contenu, sans aucun sens" (Folie des hommes et désastre nihiliste nietzschéen : voilà le résultat).
Loin de la langue de bois, "nous devons retrouver le sens et la réalité des mots qui nous rendent vivants et donnent du sens à notre présent et à notre futur : démocratie, république, éthique, dignité, liberté, justice, etc.", poursuit le même internaute.
Retrouver les mots qui disent les réalités telles qu'elles sont vécues, c'est le premier mérite attribué aux Indignés. Car, même si on se dit que "le monde ne changera pas demain", même si "les injustices sociales continueront à faire du mal à la cohésion indispensable au développement des pays", au moins, que se fasse entendre "la cause commune à tous les peuples du monde", avec "une lucidité face à la propagande" (métis). Ces Indignés "de tous âges", ils "protestent contre ces misères auxquelles vous les croyez indifférents" (celestine).
Vient alors la question : le mouvement des Indignés est-il protestataire, ou révolutionnaire ? Parole seule, ou prémices d'action ?
Une "soupape", un "épiphénomène"
Pour certains, "ce genre de manifestation sert de soupape à une agitation sociale" (trape).
Plusieurs raisons font penser que le mouvement restera verbal, juste l'expression d'un "ras-le-bol parce que ça ne marche plus comme avant" (Mimil7).
Tout d'abord, l'histoire semble montrer que "les véritables révolutions sont d'une autre nature, nécessairement plus destructrices, chaotiques. Il faut que les acteurs de ces révolutions aient de très fortes convictions politiques ou n'aient plus rien à perdre, y compris leur vie. Les populations occidentales, malgré les difficultés, sont-elles arrivées à ce stade psychologique ?" (trape). On en doute. C'est que le pouvoir de la finance mondiale est fort. "S'ils croient que leurs manifestations, pacifiques ou violentes, vont changer quoi que ce soit dans le monde de la finance... Je dirais, parodiant Voltaire, ce n'est pas demain la veille qu'on pendra le dernier trader par les tripes du dernier banquier" (hmrmon). "Les barons de la finance ne lâcheront pas comme ça" (Stark). "Je doute que ces sittings et autres gentilles manifs intimident les financiers, et les chefs d'État" (Tro Nanfo).
Le deuxième obstacle est plus bloquant encore : les hommes ne sauraient vivre ensemble, pense-t-on, que dans la différence, "ils ne cherchent que leurs différences pour mieux se valoriser par rapport aux autres. Donc, ils ne sont pas près d'être égaux" (méghane). "Les fameuses servitudes volontaires ou autres syndromes dits du larbin sont bien plus répandus dans la nature humaine que les terribles sursauts de dignité et de liberté" (Déciller les paupières des bien-pensants aveugles). Larbins ? À moins que l'acceptation du monde tel qu'il fonctionne ne soit un réflexe de survie : "Quand l'huissier te virera, avec femme et enfants de chez toi, et que tu crèveras de faim comme je l'ai vécu, ben, tu râleras un peu moins et t'iras bosser... Bref, ceux qui payent nos salaires ont de longues années devant eux, parce que, finalement, ce sont eux qui nous mettent de la viande dans nos gamelles" (nospammer).
Alors, "épiphénomène" (Diego), entretenu par "quelques milliers" de "narcisso-hédonistes" (Goldman Sachs), qui simplement "veulent abattre le système capitaliste sans savoir par quoi le remplacer" (justinien10) ?
Beaucoup de commentaires voient tout autre chose dans le mouvement des Indignés.
"C'est une révolution du troisième type qui s'annonce"
"Le désespoir mène à la violence." "La colère et le désespoir engendrent certains comportements que je blâme, mais que je comprends", dans un moment où "ils n'entendent toujours pas ce monde qui gronde" (Raoul Volfoni).
Ce désespoir est répandu : "Le fossé s'est élargi, entre les riches et les pauvres, avec une classe moyenne complètement ignorée et qui bascule doucement mais sûrement dans le clan des moins nantis", "une jeunesse dans l'incertitude quant à son avenir, et ce, quel que soit le diplôme obtenu, à l'autre extrémité de la chaîne, des retraités qui se demandent s'ils ne vont pas devenir SDF, un monde déboussolé par les montagnes russes des Bourses internationales, un modèle économique qui se retrouve sans alternative... que reste-t-il ? Une révolution citoyenne en prise directe avec la réalité quotidienne de 7 milliards d'habitants..." (dufonddesbois).
Et "aujourd'hui, les peuples sont informés des méthodes de certains pour engranger des milliards sur le dos des plus pauvres". "En fait, c'est le début d'une révolte mondiale contre un système qui ne profite qu'aux mêmes : banques et entreprises multinationales de préférence cotées en Bourse" (yuv). "C'est une révolution du troisième type qui s'annonce. Elle est mondialisée comme la finance et l'économie. Nous en sommes à un embryon de pré-révolution" (Basta51). "Le système changera nécessairement sous la pression populaire, violente ou non" (leautaud26). "2012 va être un grand cru de la révolution, avec pas mal de bastilles à prendre, aux USA comme en EU" (maximilien). "Vous pouvez croire que ce sont les mêmes que ceux qu'on voit râler d'ordinaire. Mais c'est faux. Je trouve ce mouvement sain et naturel. C'est une réaction démocratique que j'attends depuis longtemps" (BRT).
"L'humanité s'est réinventé un monde en maintes occasions depuis ses débuts"
Car on ne fait plus confiance aux politiques, "eux-mêmes sont impliqués dans des conflits d'intérêts tels qu'ils ont oublié leurs missions d'intérêt public. Ils ont déjà tout sacrifié sur l'autel de la finance : la démocratie, la souveraineté des États, des peuples, l'éducation, la santé. Ils n'ont rien respecté, ni l'environnement ni l'éthique" (Basta51). "La société civile doit reprendre le pouvoir à ces partis politiques inféodés aux grandes puissances de l'argent" (Hélène de Biare). "Il faut rétablir des contre-pouvoirs forts protecteurs de l'intérêt collectif, seule garantie des peuples pour garder la main sur les choix collectifs et leurs destins" (Elianeb).
"Tous les systèmes politiques existants, poussés à l'extrême, aboutissent aux mêmes excès" (Dufonddesbois). Alors, c'est bien aux peuples de réagir pour que "la morale soit au coeur de toutes les décisions de nos gouvernants" (Démocrate), c'est-à-dire que le monde tende vers "une économie sociale et solidaire à portée universelle" (colargolette).
Impossible ? "Il faut arrêter d'ânonner bêtement qu'il n'y a pas d'alternative à notre modèle actuel, l'humanité s'est réinventé un monde en maintes occasions depuis ses débuts" (Dufonddesbois)
En tout cas, révolution des esprits, conclut Dufonddesbois
"Le terme révolution n'est pas ici à prendre au sens premier, mais s'apparente par extension à une révolution des esprits, où l'argent n'aura plus pour principale utilité d'être au bénéfice mercantile de quelques-uns. C'est peut-être un rêve pieux, mais n'est-ce pas le bon moment pour remettre à plat un système qui date de plus d'un siècle, et qui est à bout de souffle ?"
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