L’avertissement « coupée pour manifestation » a surgi lundi matin sur les panneaux surplombant l’autoroute qui relie l’Espagne à la France: des centaines d’indépendantistes catalans ont occupé les voies, pour une nouvelle protestation contre la condamnation de leurs dirigeants.
Sur l’AP-7 coupée dans les deux sens par des dizaines de véhicules, au niveau de la frontière, les manifestants ont pris soin de masquer leur visage avant de se dresser face aux photographes pour exhiber la même pancarte: « Tous à La Jonquera », ville espagnole située à 40 km au sud de Perpignan.
Des centaines d’automobilistes mais aussi de piétons surgissent au fil des heures, répondant à l’appel de la mystérieuse plateforme « Tsunami démocratique » et des Comités de défense de la République (CDR), formés de collectifs d’indépendantistes radicaux.
Les manifestants déballent vivres, marmites et barbecues à gaz apportés pour tenir « trois jours » selon eux. Une scène est installée sur une voie où le célèbre chanteur catalan Lluis Llach, indépendantiste de 71 ans, est invité à se produire.
Ce blocage prolongé de l’autoroute se veut une nouvelle action d’éclat pour tenter d’attirer l’attention internationale et protester contre les peines de 9 à 13 ans de prison infligées à neuf dirigeants indépendantistes catalans mi-octobre pour leur rôle dans la tentative de sécession de 2017.
« Tsunami démocratique » avait organisé sa première grande protestation le jour de l’annonce de la sentence contre les dirigeants indépendantistes: un blocage des accès à l’aéroport de Barcelone qui s’était terminé par de premiers affrontements de jeunes avec la police.
D’autres manifestations avaient ensuite dégénéré en heurts violents pendant plusieurs soirées.
« Tsunami démocratique » a appelé lundi les militants à présenter « une attitude résolument non-violente ».
Selon un photographe de l’AFP, des tensions ont eu lieu dans l’après-midi entre manifestants et gendarmes français qui leur demandaient de partir.
Un homme de 72 ans, refusant de livrer son identité comme beaucoup de manifestants, disait être venu avec d’autres retraités de Reus, ville située à plus de 200 kilomètres. « Nous luttons pour nos droits, nous voulons la liberté, l’autodétermination et l’amnistie » pour les indépendantistes condamnés, disait-il en catalan.
Sur son application de messagerie chiffrée Telegram, « Tsunami démocratique » avait donné le ton: « Cette mobilisation est un cri adressé à la communauté internationale pour qu’elle fasse comprendre à l’État espagnol que la seule voie, c’est s’asseoir et parler » avec les indépendantistes, qui réclament un référendum sur l’indépendance de la région.
Les socialistes au pouvoir à Madrid, tout comme les conservateurs, refusent un tel référendum au nom du respect de la Constitution.
Dans la matinée, à Barcelone, le président séparatiste catalan, Quim Torra, reprenait à son compte le slogan: « C’est le moment ou jamais du “sit and talk” (s’asseoir et parler), c’est le défi, président Sanchez », disait-il à l’adresse du chef du gouvernement socialiste sortant.
Ce blocage de la frontière avec la France intervient au lendemain des législatives espagnoles marquées par un léger recul des socialistes et un bond de l’extrême droite, qui compliquent encore plus la formation d’un gouvernement.
En Catalogne, les trois partis indépendantiste ont gagné un siège et comptent 23 députés à la chambre sur les 48 sièges en jeu dans la région.
« Affecter l’économie »
L’occupation de l’AP-7, liaison stratégique entre l’Espagne et le reste de l’Europe, a provoqué une coupure de la circulation sur plus de 20 km, selon le service d’information routière, et l’immobilisation de nombreux camions.
La confédération espagnole des transporteurs estiment les pertes pour le secteur à 15 millions d’euros par jour.
« Tu parles d’un acte démocratique! », réagissait sur Twitter le mouvement Société civile catalane (SCC), mobilisé contre l’indépendantisme dans une région très divisée sur la sécession.
Alors que les CDR appelaient dans leur message à « affecter l’économie et des infrastructures » comme moyen de pression, SCC leur reproche de vouloir conduire la région à « la ruine » et réclame une action « ferme » contre ce type d’actions.