Les parents d’Alexandre Bissonnette jugent « très sévère » la peine imposée à leur fils.
Ils ont raison et ne le disent pas pour se plaindre.
Ils ont essentiellement deux arguments.
Vrai
Le premier est que le cumul des peines aurait produit un châtiment dépassant l’espérance de vie.
Cette mécanique punitive va à rebours de l’évolution générale du droit criminel au Canada et en Occident depuis des décennies, à l’exception des États-Unis et de la parenthèse Harper.
C’est cette évolution qui a entraîné l’abolition de la peine de mort au Canada.
Or, deuxième argument, une peine de 150 ans est justement une façon grossière de contourner cette abolition en transformant le condamné en mort-vivant.
Ni les Bissonnette ni le juge Huot ne minimisent l’horreur du crime et la douleur des proches des victimes.
Mais la sentence ne peut se fonder seulement sur cette douleur, ou sur ce que ces proches estimeraient « juste » ou « satisfaisant ».
Au Canada, il faut prendre en compte les précédents et des facteurs comme l’état mental de l’accusé, l’inexistence d’antécédents et le remords.
Le juge estime le crime si grave qu’en plus de la peine de base pour meurtre au Canada, qui est la prison à perpétuité, il a écarté le délai standard de 25 ans pour espérer une libération conditionnelle.
« On trouve que, tout compte fait, ce jugement n’est pas à la hauteur de nos attentes », a déclaré Boufeldja Benabdallah, du Centre culturel islamique de Québec.
D’autres se sont dits surpris et insatisfaits.
Rien en bas de 150 ans n’aurait été « à la hauteur des attentes ».
On nous dit même que cette peine n’est pas suffisante pour dissuader quiconque pourrait être tenté de faire pareil...
Pardon ? Un instant...
Vous pensez vraiment que c’est l’écart entre 40 ans, 75 ans, 100 ans ou 150 ans qui ferait que quelqu’un déciderait ou non de passer à l’acte ?
La vérité est que ce cumul des peines permettant de parvenir au chiffre absurde de 150 ans fut un geste politique du gouvernement Harper qui, en 2011, calqua la jurisprudence américaine la plus dure, pour faire plaisir à sa base militante évangélique.
Mais nous ne sommes pas au Texas.
Ici, nous ne sommes pas non plus au Moyen-Orient, où le droit criminel est fondé sur la loi du talion et la rétribution vengeresse.
Dans ces pays, la justice n’a rien à cirer de notre article 718 du Code criminel, qui permet la prise en compte de l’état de santé du condamné, ou de l’article 12 de la charte canadienne sur la protection contre les « châtiments cruels et inusités ».
Nous ne sommes pas dans une de ces sociétés où, après un attentat terroriste en Occident, des foules haineuses et en liesse descendent dans la rue pour fêter le geste du « héros ».
Ici, rien de tel après l’horreur.
Je répète qu’on peut comprendre la douleur de ces gens.
Mais il leur revient de comprendre l’éthique fondamentale de la société qui leur a ouvert ses bras.