Au sommet dans les sondages, François Legault peut sembler un adversaire redoutable en vue de la prochaine élection. Je pense au contraire qu’en dévoilant ses priorités il est sur le point de perdre une bonne partie des appuis nationalistes qui lui ont permis de dominer la dernière élection. Il a renoncé à réduire les seuils d’immigration au-delà de l’année courante, ce qui choquait déjà les vrais nationalistes, mais sa nouvelle proposition de politique économique démontre qu’entre deux objectifs irréconciliables, la survie de la nation et la croissance par l’immigration, il a choisi la seconde, en réponse aux demandes de sa clientèle électorale naturelle.
Certains diront que l’immigration ça ne sera toujours qu’une mauvaise note à son dossier, mais c’est plutôt une note éliminatoire. Si l’immigration continue au rythme de la dernière décennie, la loi sur la laïcité va rapidement tomber ainsi que les lois sur la protection de la langue française et tous les pouvoirs particuliers du Québec dans le Canada. C’est maintenant le temps pour tous les nationalistes de larguer Legault et de miser sur un chef du Parti Québécois qui promet une baisse marquée de l’immigration.
Le nationalisme économique est un leurre. La nouvelle stratégie économique de substitution aux importations, d’abord annoncée par le ministre Fitzgibbon, est tellement indéfendable qu’elle ne peut avoir été élaborée que par des lobbyistes à la recherche de subventions massives. Même des représentants du milieu des affaires susceptibles de profiter de cette manne ont jugé dans des commentaires aux médias, que la stratégie était simpliste et qu’il fallait plutôt miser sur un design innovateur et des technologies de production sophistiquées, des avenues qui permettent de s’enrichir sans créer une pénurie de main-d’œuvre.
Cependant quand le président de la plus grande puissance économique au monde déclare qu’il veut remplacer des importations chinoises par des produits fabriqués localement, le premier ministre du Québec se sent justifié de proposer la même chose ici.
C’est donc important de comprendre que le Québec ce n’est pas l’Amérique, et que la différence n’est pas seulement une question de taille. Les États-Unis constituent un empire et les dirigeants tiennent à cet empire. Un empire peut dans une certaine mesure utiliser sa force pour imposer ses volontés aux pays moins puissants et maintenir un écart de richesse avec le reste du monde.
Les États-Unis prônent le libre-échange et ils le pratiquent généralement, mais ils biaisent souvent le jeu en leur faveur. Par exemple, ils ont signé des accords avec la Canada depuis plusieurs décennies mais ils défient les règles, le plus clairement dans le dossier du bois d’œuvre, sans que le Canada n’y puisse rien. C’est leur conception du libre-échange et c’est ce qu’ils pratiquent avec tous les pays. Cela devient plus difficile avec l’autre empire qui s’éveille. Notre premier ministre devrait comprendre que le Président Trump ne veut pas réduire sensiblement les importations chinoises, trop essentielles à la prospérité de l’Amérique. Il s’agit d’une négociation pour tenter d’obtenir plus de concessions de la Chine en échange de son accès au marché américain.
De plus les États-Unis, ses hommes d’affaires et ses dirigeants, veulent grossir pour ne pas céder leur position dominante à la Chine. Ils veulent importer de la main-d’œuvre et augmenter la production, mêmes celles des entreprises qui ne peuvent pas payer de bons salaires. Nos entrepreneurs les moins performants envient leurs pareils américains et ils ont reçu l’appui de Legault. Son nationalisme culturel n’a pas fait le poids.
Ce modèle de croissance implique une forte immigration annuelle au Québec et même dans une logique purement économique la population devrait la rejeter au profit d’une croissance qui enrichit grâce à l’innovation et au progrès au progrès technologique. Plus fondamentalement, d’un point de vue nationaliste, la croissance par l’immigration signifie la disparition du peuple Québécois.
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