Ne jouons pas à l’autruche. Il est évident que si Bell Canada (BCE) obtient l’aval des autorités concernées, son acquisition de Groupe V Média va financièrement faire mal à Radio-Canada, TVA et Télé-Québec.
Comment ? Grâce à ses grands moyens financiers, BCE peut investir et améliorer sensiblement la programmation de V et lui permettre d’augmenter éventuellement ses cotes d’écoute.
Avec sa grande force de frappe dans le marché publicitaire, BCE devrait permettre à V d’accaparer une plus grande part des revenus publicitaires dédiés à la télé généraliste francophone.
Comme la « tarte » des revenus publicitaires est plafonnée, c’est bien entendu sur le dos des réseaux concurrents (Radio-Canada, TVA, Télé-Québec) que V grugerait une portion grandissante de ses revenus publicitaires. Et ça tombe mal ! Selon le récent « Profil de l’industrie audiovisuelle au Québec » réalisé par l’Observatoire de la culture et des communications de l’Institut de la statistique du Québec, notre télévision généraliste privée a vu ses revenus chuter de 20 % entre 2012 et 2017. La télévision généraliste de Radio-Canada a subi pour sa part une baisse de revenus de 18 %.
En cette difficile période où les géants du web grugent une part grandissante des revenus publicitaires, l’arrivée de BCE dans le merveilleux monde de la télé généraliste francophone ne peut que fragiliser davantage l’état des finances des télédiffuseurs concurrents.
BCE FAIT PEUR
BCE, c’est la plus grande entreprise de communications du Canada.
Et plus spécifiquement, du côté de Bell Média, la filiale qui souhaite acheter Groupe V, les actifs comprennent :
- 30 stations de télé traditionnelle, dont CTV
- 33 chaînes de télé spécialisée (Vrak, Vie...) et de télé payante (Super Écran...)
- 109 stations de radio avec 16,6 millions d’auditeurs par semaine
- Astral, une entreprise d’affichage extérieur
- Les réseaux sportifs RDS et TSN
En 2018, Bell Média a vu son volume d’affaires augmenter à 3,1 milliards $, grâce à une « meilleure performance » au chapitre de la publicité à la télé et de la « croissance » des services de vidéo en continu.
LA GUERRE
Craignant la percée télévisuelle et publicitaire que BCE peut réaliser avec V au Québec, Pierre Karl Péladeau, l’actionnaire de contrôle de Québecor (et TVA), s’oppose farouchement à la vente de V à BCE.
Et il demande au gouvernement Legault de bloquer la transaction. Comment Québec pourrait-il le faire ? En demandant aux trois actionnaires minoritaires de V, soit Investissement Québec, la Caisse de dépôt et placement et le Fonds FTQ, de ne pas déposer leurs actions. À eux trois, ils détiendraient 45 % de Groupe V. Pas sûr que BCE souhaiterait prendre le contrôle de Groupe V en achetant seulement le bloc d’actions de 55 % détenu par la famille Rémillard.
Quel suspense en perspective !