Un des épisodes les plus connus de l'histoire du Canada est celui de la bataille des Plaines d'Abraham lorsque que le général James Wolfe a vaincu les forces du général Montcalm. Ce qui est moins connu, c’est la préparation tactique de cette attaque. Plusieurs opérations militaires, en vue de cette attaque, se sont déroulées dans les Maritimes et en Gaspésie de 1755 à 1758. Le passage du général de brigade James Wolfe à Gaspé en septembre 1758 ne se comprend toutefois que dans le contexte global de cette guerre.
Les prémisses
La Nouvelle-Angleterre et la Nouvelle-France s’affrontent depuis le début de l’histoire coloniale. Si on ne s’en tient qu’aux coups portés à la colonie française par la voie de l’est, il faut remonter en 1627 quand, pour la première fois, la petite colonie de Samuel de Champlain succombe devant les assauts anglais. C’est la prise de Québec par les Frères Kirke. La seconde attaque significative venue de l’océan a lieu à la fin du siècle, quand les navires de l’amiral Phipps, passant par Percé, Gaspé, l’île d’Anticosti et Mingan, détruisent les postes l’un après l’autre et se rivent le nez sur l’entêté Frontenac à Québec. Qui ne se rappelle pas de la célèbre répartie du gouverneur : « Allez dire à votre maître […] ». Phipps doit abandonner son siège pour éviter que ses navires ne restent pris dans les glaces. Ce n’est que partie remise. En 1711, l’amiral Hovenden Walker part de Boston à la tête de neuf bâtiments de guerre, de deux galiotes à bombes et de soixante transports de troupe et de ravitaillement. Il a avec lui 12 000 hommes, bref tout ce qu’il faut pour régler le sort des Français une fois pour toute. Toutefois, les écarts de température et les vents l’obligent à faire un arrêt dans la baie de Gaspé le 18 août et quand il en repart, il doit affronter un brouillard. Résultat, l’attaque anglaise se termine sur les récifs de l’Île-aux-Œufs. Trente ans plus tard, la Guerre de Sept ans (1741-1747) conduit à la prise de Louisbourg par les Anglais. Pour la Gaspésie, c’est la fin d’une époque tranquille. Un corsaire rôde dans la baie de Gaspé à l’été 1746 puis trois navires de guerre attaquent les installations de Grande-Rivière en juillet 1747. La remise de Louisbourg à la France en 1748 ramène un semblant de paix. Dès lors, les autorités françaises, décidant de parer à toute attaque surprise, placent un guetteur au Cap-des-Rosiers. Plusieurs personnes s’y succèdent dont Michel Olivier, François-Gabriel Aubert, Jean Barré et Pierre Arbour.
La Guerre de la Conquête
Carte de Gaspé en 1758
Dessin de Thomas Bell, aide de camp du général James Wolfe
Crédit : Archives nationales du Canada
Gaspé []
Quand la Guerre de la Conquête débute en 1755, les Anglais décident, cette fois-ci, de mener les opérations de manière différente. Finies les attaques à l’emporte-pièce sur le cœur de la Nouvelle-France. Le chef des opérations, l’amiral Boscawen, établit plutôt un plan de campagne progressive. Il procède alors par étapes. Ses troupes déportent d’abord les Acadiens de la Nouvelle-Écosse à l’été 1755. Pendant que les opérations d’encerclement de la Nouvelle-France sont entreprises sur le front ouest de la colonie en 1757 puis en 1758, Boscawen reprend Louisbourg, grâce auquel il contrôle maintenant l’entrée du Saint-Laurent. Par prudence, il envoie le même été ses hommes vider l’Île-Saint-Jean de ses habitants pour ne laisser personne derrière lui et patrouiller l’estuaire par une escadre.
Wolfe à Gaspé
L’amiral anglais, comme il appert, prend soin, avant de mener l’attaque décisive sur Québec, de bien préparer le terrain. Il poursuit le nettoyage de ses arrières en envoyant à la fin de l’été son subalterne James Wolfe vider à son tour la péninsule gaspésienne de ses habitants. C’est ainsi que le 4 septembre 1758 ce dernier arrive à Gaspé avec une flotte de quatorze navires et six transports de troupe.
La baie de Gaspé abrite un important poste de pêche qui appartient à un dénommé Pierre Revol. Wolfe jette l’ancre à la Grande-Grave, tout près de l’entrée de la baie. Il envoie aussitôt un émissaire à la rivière Dartmouth pour rencontrer madame Revol, geste qui ne débouche sur rien. Pendant ce temps, les habitants de la région se sauvent dans les bois. Le lendemain, les Anglais se rendent au coeur même des installations françaises, à l'emplacement approximatif de l'actuelle marina. Ils apprennent alors que le propriétaire des lieux est décédé de misère quelques jours auparavant, mais Wolfe rencontre son associé à qui il fait des offres de reddition. Plus de trois cents personnes sont à ce moment à l'emploi de l'entrepreneur canadien, mais personne ne veut se rendre. Tous savent certainement ce qui est arrivé aux résidants de l’Île-Saint-Jean (I.-P.-É.). À défaut de prisonniers, les Anglais s’emparent de l’habitation de Revol, laquelle comprend une maison, un magasin, une forge, des cabanons pour les pêcheurs et 2 000 quintaux de morue séchées.
Dans les jours qui suivent, des contacts sont à nouveau établis, et des promesses de reddition sont faites par les Canadiens, sans doute pour gagner du temps, mais presque personne ne se rend. Le 7 septembre, les troupes anglaises gagnent le fond de la rivière York, capturent quelques hommes et trois femmes et incendient des installations de sciage et les maisons construites tout autour. Le séjour dans la baie de Gaspé se poursuit encore pendant une vingtaine de jours. Seulement quarante-six individus, tant des hommes, des femmes que des enfants, sont capturés. Cependant, les forces britanniques détruisent tous les postes secondaires que Revol possédait, que ce soit à la Malbaie, à Grande-Grave, à Fenouille, à Gaspé et à Sunny Bank. Les troupes britanniques capturent en outre quatre goélettes, détruisent plus de 2 000 quintaux de morue et défoncent 200 chaloupes.
Le Royal William
Le Royal William est le navire amiral de James Wolfe à Gaspé. Il ramène le corps de Wolfe à Londres en 1759.
Crédit : A.E. Wolfe-Aylward, The Pictorial Life of Wolfe, page frontispice, p. 21
Gaspé []
Par la suite, Wolfe envoie plusieurs détachements le long des côtes de la péninsule avec ordre de capturer les pêcheurs et de détruire leurs installations. Le 17 septembre, un groupe de soldats prend la direction de la Baie des Chaleurs. Les troupiers incendient les constructions de l'île Bonaventure, brûlent vingt-sept résidences à Pabos et détruisent 3 500 quintaux de morue sèche. À Grande-Rivière, ils mettent le feu à une soixantaine de maisons et à quatre-vingts chaloupes, mais les habitants ont tous eu le temps de fuir dans les bois.
Le 23 septembre, un autre détachement, mené par le major Dalling, se rend à pied au Mont-Louis tout en longeant les plaines. Ces hommes surprennent au Grand-Étang six Français préparant leur morue, mais ils n'en capturent que trois. Ils font un autre prisonnier à Grande-Vallée. Après cinq jours de marche, les Anglais arrivent au Mont-Louis où est installé Michel Mahiet, marchand et seigneur de l'endroit. Seuls quelques employés sont sur place et aucun n'échappe à l'ennemi. Toutes les installations sont brûlées et le détachement amène les prisonniers à Gaspé en se servant de La Sainte-Anne, la goélette de Michel Mahiet.
La Nouvelle-France a subi, en conséquence, des pertes considérables bien que Wolfe a écrit, peu après, que ce ne fut pas là le plus glorieux fait de sa carrière. Mais les Anglais disposent désormais, avec la prise de Gaspé, d’un point d’appui incomparable dans son avancée sur Québec. Un an plus tard, presque jour pour jour, aura lieu la bataille des Plaines d’Abraham.
Mario Mimeault, MA Histoire,
Chercheur indépendant,
Gaspé, le 13 juillet 2002
Bibliographie :
DESJARDINS, Marc, Yves FRENETTE, Jules BÉLANGER. Histoire de la Gaspésie. (Montréal), Boréal Express/I.Q.R.C., (1999). 797 p., ill.
MIMEAULT, Mario. « La déportation de Gaspé ». Gaspésie, vol. XXI, no 3 (septembre 1983), pp. 40-49.
STACEY, C.P. « James Wolfe ». Dictionnaire biographique du Canada, vol. III, pp. 721-730.
Le passage du général Wolfe en Gaspésie
Le général James Wolfe est fort actif dans les Maritimes et en Gaspésie entre 1755 et 1758. Il y prépare sa conquête de Québec.
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
3 décembre 2009Super Monsieur Mimeault,
Voilà qu'en lisant ce passage que je conaissais déjà ...
Vous venez justement de me donner la clef de ma recherche.Ce voiler que je cherchais. Avez-vous d'autres informations sur ce voilier?
Bravo et merci