Les chemins de l'indépendance

Le gouvernement Fitzgibbon

Ça coutera ce que ça coutera

Chronique de Pierre Gouin

Le Parti Québécois peut repartir sur des bases solides après avoir finalement remis très clairement l’indépendance du Québec au cœur de son programme. Sa proposition de ramener les seuils annuels d’immigration à trente-cinq mille est audacieuse alors que le discours des milieux d’affaires présente l’immigration comme une solution miracle à la pénurie de main-d’œuvre. Cette proposition fait du PQ la seule option valable pour les nationalistes québécois.


Sur cette question, comme sur toutes les questions identitaires, le Premier ministre Legault tente de brouiller les cartes mais sa réelle priorité, qui est de faire grossir les entreprises et l’économie du Québec, est en contradiction directe avec sa prétention de vouloir contrôler l’immigration. Il existe des mesures qui peuvent contrer les pénuries de main-d’œuvre actuelles mais la politique économique du gouvernement crée nécessairement une pénurie de main-d’œuvre généralisée et permanente. Cette politique se traduit par une demande irrésistible pour la venue de travailleurs étrangers immigrés et de travailleurs temporaires dont plusieurs obtiendront éventuellement la citoyenneté canadienne.


C’est le ministre Fitzgibbon qui représente le mieux la raison d’être du gouvernement caquiste. La distribution d’argent aux entreprises et les contrats publics expliquent les succès de la CAQ. Mêmes les citoyens qui n’en profitent pas croient que les subventions aux entreprises créent de la richesse et plus de revenus pour financer la santé et l’éducation. C’est une erreur, comme le prouve l’expérience des vingt dernières années marquée par une croissance gonflée à l’immigration qui n’a pas empêché la dégradation des services publics. Le Québec est plus beaucoup plus riche qu’au début des années quatre-vingt et le sous-financement des services publics résulte d’un choix politique. Et on en jette le blâme sur la population qui a le tort vieillir. 


Le Devoir du 13 octobre publiait en Libre opinion un article qui propose comme projet de société la modération de la croissance économique au Québec, une idée que j’ai déjà présentée sur Vigile. La plupart des commentaires des lecteurs rejetaient cette proposition en affirmant que la croissance est déjà trop faible au Québec et que c’est la raison pour laquelle on ne peut pas se payer des services adéquats. Je n’en suis pas surpris parce que c’est le message que propagent les médias. En réalité, le produit intérieur brut du Québec s’est accru de 3,6% par année entre 2002 et 2019, ce qui est tout à fait raisonnable. On ne peut pas inclure l’année 2020 dans une analyse à long terme parce que les dégâts de la pandémie vont se corriger dans les prochaines années. Si on tient compte de l’inflation, la croissance réelle a été de 1,7% par année, ce qu’on peut décomposer en 0,9% dû à la croissance de la productivité, 0,3% dû à la croissance naturelle de la population et 0,5% dû à l’accroissement de la population par l’immigration. L’enrichissement, mesuré par le PIB réel par habitant, s’est ainsi accru de 0,9% par année entre 2002 et 2019. Il faut dire que cette croissance est peu ressentie par le citoyen moyen parce qu’elle a profité davantage aux plus riches.


On ne peut pas expliquer la croissance de la productivité, liée au progrès technologique et à une plus grande participation au marché du travail, par l’augmentation de la population immigrante, et l’enrichissement des Québécois aurait été aussi important sans immigration massive. L’entretien de l’insécurité économique dans la population, renforcée en brandissant à tout moment le spectre d’une récession, permet de détourner vers les entreprises, contrairement à la bonne gouvernance capitaliste, des fonds qui pourraient servir à fournir des services essentiels à la population.


Pour le Québec francophone, le contrôle de l’immigration est une question de survie. Afin de contrer la machine mondialiste de François Legault, attachée à celle de Trudeau, le Parti Québécois devra forcer le gouvernement à justifier chacune de ses dépenses visant à stimuler la croissance et la création d’emplois. L’aide aux entreprises devraient être limitée à celles qui mènent des activités stratégiques pour le Québec et aux entreprises innovantes qui veulent développer des activités de fabrication, intensives en main-d’œuvre, hors du Québec. En effet, dans un contexte où toute la main-d’œuvre est employée, la seule façon d’enrichir les Québécois est de favoriser le déplacement de la main-d’œuvre d’activités peu payantes vers des activités à plus forte valeur ajoutée.


Malgré tout, les arguments économiques ne seront jamais déterminants dans la conquête de l’indépendance. Il faut bien faire un effort pour contrer la propagande des bonhommes Sept-Heures et rassurer les Québécois inquiets, mais on ne pourra jamais promettre qu’il n’y aura pas certaines perturbations temporaires de l’économie au moment de la rupture avec le Canada. On ne pourra réaliser l’indépendance que lorsque suffisamment de Québécois seront prêts à poser un geste irrévocable pour la survie en disant : ça coutera ce que ça coutera!


 



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