Le dernier chef du Bloc québécois?

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Une «job de bras» pour le compte des fédéralistes

Quelles sont les perspectives d’avenir du Bloc québécois ? Depuis sa déconfiture en 2011, et encore plus après la cuisante défaite du Parti québécois le 7 avril dernier, l’avenir du Bloc était sombre et incertain. Depuis la sélection de son nouveau chef, toute incertitude a disparu.

Le Bloc est né dans des circonstances exceptionnelles, autour d’un fondateur charismatique et d’un petit groupe de députés qui avaient perdu la foi dans le fédéralisme. Opportuniste, le parti de Lucien Bouchard venait occuper l’espace béant laissé par l’effondrement des deux partis fédéraux traditionnels au Québec.

Après l’échec référendaire de 1995, en plus de la faiblesse des autres partis, les succès du Bloc étaient largement tributaires de trois conditions essentielles : une solide base d’appui pour la souveraineté, des chefs qui inspiraient la confiance et le fait que le Bloc était à plusieurs égards utile.

Malgré les vicissitudes récentes du mouvement souverainiste, l’appui à cette option dans l’opinion publique québécoise est plus stable que l’appui aux partis qui la défendent. Parallèlement, selon plusieurs indicateurs, on observe que l’attachement au Canada chez les Québécois a atteint un creux historique.

Dans la mesure où ils se sentent détachés du Canada, plusieurs Québécois qui se disent encore souverainistes ou sont réceptifs à cette option ne sentent plus le besoin de traduire ce sentiment en mobilisation pour mettre en branle un processus difficile et potentiellement coûteux.

Comment le Bloc peut-il espérer se relever de sa piètre performance de 2011, dans ce contexte de déconnexion manifeste entre le nationalisme des Québécois et son expression politique ?

Dans l’ombre de Bouchard et Duceppe

Pour s’attirer l’appui de nationalistes frileux, le Bloc a longtemps pu compter sur un leadership fort et inspirant. Lucien Bouchard personnifiait l’ambivalence des Québécois face à la question nationale et son charisme a beaucoup contribué à faire du Bloc une force politique majeure. Gilles Duceppe s’est aussi révélé être un chef efficace en qui les électeurs ont fait confiance pour défendre leurs intérêts.

Il serait étonnant que Mario Beaulieu leur parvienne à la cheville d’ici à l’automne 2015. Il n’a jamais su s’attirer la confiance que des plus irréductibles militants et, côté charisme, il arrive à peine à la hauteur de Stephen Harper.

Avant même la fin de son discours d’acceptation, Beaulieu s’était mis à dos plusieurs bloquistes, y compris Gilles Duceppe, en affirmant que ses prédécesseurs avaient fait fausse route, puis en concluant sa diatribe avec un emprunt indéfendable au répertoire du FLQ.

Aujourd’hui, les Québécois sont plus ambivalents que jamais face à l’expression politique de leur quête d’autonomie et de reconnaissance nationales. La dernière chose dont les souverainistes ont besoin est un chef de parti dont le style est empreint de mépris pour ceux et celles qu’il souhaite rallier à sa cause.

Même si Mario Beaulieu se transformait magiquement en un chef efficace, toutefois, ça ne suffirait pas. Après tout, Gilles Duceppe était personnellement apprécié au printemps 2011, mais il a perdu le concours de popularité contre Jack Layton, car les Québécois ne croyaient plus en l’utilité du Bloc.

Depuis son casting incongru dans le rôle de loyale opposition de Sa Majesté, le Bloc avait, envers et contre tous, démontré qu’il pouvait être utile, à la fois pour défendre les intérêts du Québec et pour contribuer aux travaux du Parlement fédéral. De 2008 à 2011, toutefois, son opposition au gouvernement Harper était devenue difficile à distinguer de celle du NPD.

Le rétablissement de l’utilité du Bloc est une mission difficile, mais le style de Mario Beaulieu et le programme qu’il propose rendront son parti encore moins utile aux yeux des électeurs. Les Québécois, après tout, demeurent pragmatiques. Ils ont peu de patience pour les grandes gueules qui n’accomplissent rien de concret.

En somme, pour le Bloc, la sélection de Mario Beaulieu signifie au mieux qu’il reprendra un ou deux sièges qu’il détient déjà et au pire, plus probablement, qu’il sera rayé de la carte.

La dernière défaite du Parti québécois a fait faire un grand pas en arrière à la souveraineté. Mais la défaite du Bloc à l’automne 2015 sera encore plus cuisante. En fait, elle s’annonce totale. Si les souverainistes souhaitent éviter que cette nouvelle raclée n’entraîne la fin de leur mouvement, ils auraient intérêt à prendre leurs distances d’un parti qui, pour les électeurs québécois, est devenu inutile et qui, pour la cause qu’il prétend défendre, semble en voie de devenir carrément nuisible.

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Pierre Martin50 articles

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Pierre Martin est professeur titulaire au Département de science politique de l’Université de Montréal et directeur de la Chaire d’études politiques et économiques américaines (CÉPÉA). Il est également membre du Groupe d’étude et de recherche sur la sécurité internationale (GERSI)





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