Les rentrées parlementaires ont généralement un côté bon enfant qui rappelle un peu la rentrée scolaire. Les vacances sont finies, mais il y a quand même une certaine excitation dans l'air.
Cette fois, personne à l'Assemblée nationale ne semblait très enthousiaste à l'idée de reprendre le collier. Pour les libéraux, qui croyaient que le pire était passé, le rapport Duchesneau a été un retour brutal à la réalité. Les péquistes vivent dans la hantise de la prochaine crise et les adéquistes ne savent même pas s'ils auront encore un parti à Noël.
Tout le monde était également conscient qu'après les envolées estivales sur «l'autre façon de faire de la politique», l'Assemblée allait donner encore une fois le spectacle navrant de ce que Pierre Curzi a appelé le «cafouillis intellectuel et moral», qui provoque l'écoeurement de la population.
Contrairement au PQ, où le programme est parole d'évangile, les libéraux l'ont toujours considéré comme un instrument de marketing à jeter après usage. Hier matin, Pauline Marois a eu la bonne idée de dépoussiérer le document «Briller parmi les meilleurs», qui avait été publié en catastrophe en 2004 quand il était apparu clairement que le programme électoral de l'année précédente était devenu une source d'embarras.
Pour l'occasion, on s'était inspiré de la Loi fondamentale pour la République d'Allemagne, dont un article stipule que les députés au Bundestag «sont les représentants de l'ensemble du peuple, ne sont liés ni par des mandats, ni par des instructions et ne sont soumis qu'à leur conscience».
Il ne s'agissait pas là de voeux pieux formulés par des militants réunis en congrès, mais d'un document gouvernemental en bonne et due forme. Bien entendu, les promesses d'assouplir la ligne de parti n'ont pas eu de suite. Aucun vote libre n'a été autorisé depuis. Il aurait été de la plus grande naïveté d'imaginer que des députés libéraux puissent voter pour la motion péquiste réclamant pour la énième fois la tenue d'une enquête publique sur la corruption dans l'industrie de la construction, comme les en implorait Mme Marois.
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Après tout le tort qu'elle a inutilement causé à son parti en se mettant aux ordres du tandem Quebecor-Labeaume, on aurait au moins pu espérer qu'Agnès Maltais s'abstienne de jeter de l'huile sur le feu lors du débat sur l'adoption du projet de loi 204.
Égale à elle-même, la députée de Taschereau a plutôt demandé à ses collègues de «faire de la politique correctement» et «de ne pas agiter des épouvantails inutilement et faire capoter le projet d'une région par simple opportunisme politique».
Autrement dit, malgré le racolage électoral honteux auquel s'est livré le PQ, les opportunistes seraient plutôt les 13 députés péquistes qui ont voté contre le projet de loi ou qui se sont abstenus hier, sans parler des quatre démissionnaires de juin? Comme cafouillis intellectuel, il est difficile de trouver mieux.
Il fallait vraiment être tordu pour voir une bénédiction posthume dans une phrase que René Lévesque aurait prononcée à propos de la méfiance qui est de mise à l'égard des «gens qui affirment aimer le peuple, mais qui détestent ce que le peuple aime».
«Honte à toi», a lancé à Mme Maltais son ex-collègue de Rosemont, Louise Beaudoin, visiblement excédée. Cette pénible affaire laissera de profondes cicatrices au PQ. Amir Khadir n'était pas le seul à se demander comment il a pu en arriver là. Depuis mai dernier, les libéraux sont proprement éberlués par le spectacle de cette autodestruction. C'est tellement plus simple quand on ne se pose pas de questions.
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Le hasard a voulu que l'Assemblée nationale mette le point final au débat sur le projet de loi 204 au même moment où elle décidait d'entendre Jacques Duchesneau en commission parlementaire.
Dans l'entrevue qu'il a accordée au Devoir, le patron de l'Unité anticollusion du ministère des Transports a dit avoir hâte d'expliquer aux parlementaires comment les firmes de génie-conseil, les entreprises de construction et le crime organisé ont réussi à prendre le contrôle de certaines fonctions de l'État et à ériger la corruption en système.
La saga du projet de loi 204 devrait aussi les amener à s'interroger sur la facilité avec laquelle une multinationale comme Quebecor a réussi à leur imposer son ordre du jour. Sous le prétexte d'une urgence dont la fausseté a été démontrée depuis, l'Assemblée nationale a été précipitée dans un psychodrame que plus de discernement et d'indépendance d'esprit auraient permis d'éviter.
Encore faut-il vouloir assumer ses responsabilités. Aussi bien le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, qu'Agnès Maltais ont déclaré que l'Assemblée nationale n'avait pas à juger de la qualité de l'entente qu'elle mettait à l'abri des poursuites judiciaires. S'il faut commencer à se préoccuper des conséquences des lois qu'on adopte, où allons-nous, je vous le demande?
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mdavid@ledevoir.com
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