Le bénévole de l’année

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Argument fallacieux à l'extrême ! Les journalistes des autres médias seront toujours là pour combler les lacunes s'il devait y en avoir

Il y a longtemps que Pauline Marois rêve d’enrôler Pierre Karl Péladeau dans le camp souverainiste. C’était déjà l’objectif quand le PQ avait parrainé le projet de loi sur l’amphithéâtre de Québec, qui avait déclenché une crise interne à laquelle Mme Marois avait survécu de justesse.
On peut facilement le comprendre. M. Péladeau est sans doute le représentant le plus puissant et certainement le plus en vue de Québec inc. Si « l’empire » Québecor basculait du côté souverainiste, l’effet sur l’opinion publique serait énorme. Le jour où un homme d’affaires aussi influent assurerait qu’un Québec souverain serait un État prospère, l’insécurité économique qui continue de plomber le projet diminuerait fortement.
La question est de savoir dans quelle mesure la fin justifie les moyens. Personne ne conteste que M. Péladeau est un gestionnaire de talent, même si ses méthodes peuvent être contestables, mais il tombe sous le sens que le plus important magnat de presse du Québec ne devrait pas présider le conseil d’administration de sa plus importante société d’État.
Depuis la parution du livre de Frédéric Bastien sur le rapatriement de la Constitution, le gouvernement Marois s’est indigné à bon droit de la violation du principe de la séparation des pouvoirs dont l’ancien juge en chef de la Cour suprême, Bora Laskin, se serait rendu coupable en informant les gouvernements canadien et britannique de l’état des délibérations entre les juges.
De la même façon, le quatrième pouvoir, celui des médias, n’a pas à se mêler de la gestion des affaires publiques. En invitant M. Péladeau à présider le C.A. d’Hydro-Québec, la première ministre s’est faite complice d’une dangereuse « berlusconisation » de l’État.
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Déjà, en appuyant « sans réserve » les démarches de Stephen Harper pour forcer Radio-Canada à divulguer les noms des Canadiens que le consortium international des journalistes d’enquête a identifiés parmi les détenteurs de comptes bancaires dans des paradis fiscaux, Mme Marois a démontré une étonnante incompréhension du rôle des médias dans une société démocratique.
Sans la garantie que leurs sources seraient protégées, ils n’auraient pas pu mener les enquêtes qui ont finalement conduit à la création de la commission Charbonneau. Compromettre de futures enquêtes dans l’espoir d’une récupération très hypothétique de quelques dizaines de millions témoigne d’une bien courte vue.
Cette fois-ci, Mme Marois place les journalistes du groupe Québecor, appelés à couvrir, enquêter ou commenter les activités d’Hydro-Québec, dans une situation extrêmement inconfortable. M. Péladeau a abandonné la direction des opérations, mais il demeure l’actionnaire de contrôle et le président du C.A. La plus grande retenue, pour ne pas dire l’autocensure, sera de mise. Tout le monde au Québec le craint.
Jeudi, le titre du Journal de Montréal qui coiffait l’article annonçant sa nomination était on ne peut plus éloquent : PKP au service de l’État. Très touchant. Mieux encore, il n’acceptera aucune rémunération. C’est incontestablement le bénévole de l’année !
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Il était savoureux de lire la chronique que Denise Bombardier signait le même jour dans le Journal pour dénoncer le « patronage maroisien », tout aussi condamnable que celui que le PQ reprochait aux libéraux. « Toutes les nominations du gouvernement Marois sont teintées de patronage », constatait-elle.
Il est vrai que, depuis son élection, il semble favoriser ses amis aussi systématiquement que le faisait son prédécesseur. Le plus frappant est cependant le manque de jugement politique qui caractérise ces nominations, qui déclenchent des débats allant au-delà des accusations de copinage habituelles.
Le cas de Jean-Yves Duthel en est un bel exemple. Il est vrai que cet apparatchik péquiste est un ami de longue date du couple Marois-Blanchet, mais il n’y a rien de particulièrement scandaleux à lui accorder un contrat d’un an à Munich. D’ailleurs, il n’a jamais prétendu détenir le doctorat dont on l’a curieusement affublé.
N’eût été les accusations du Directeur général des élections auxquelles il fait face, l’affaire aurait été oubliée en 24 heures. Il est bien possible que ces accusations se révèlent non fondées, mais comment se fait-il qu’on n’ait pas attendu la fin des procédures devant les tribunaux avant d’annoncer sa nomination, alors que le financement illégal des partis politiques est au coeur du débat public depuis trois ans ? Pire encore, deux ministres ont trouvé le moyen de prêter flanc à des accusations d’atteinte à l’indépendance du DGE en laissant entendre, sur la foi d’informations bien fragiles, qu’il abandonnerait sa poursuite.
À la réflexion, c’est peut-être moins à Hydro-Québec qu’au bureau de la première ministre qu’il serait urgent de faire le ménage.


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