Face à l'épidémie de coronavirus, la Suède a décidé de laisser les écoles, restaurants et bars ouverts alors que de plus en plus de pays européens confinent leur population. Une stratégie qui interroge l'opinion publique et les médias suédois.
La Suède en fait-elle assez pour protéger sa population ? C'est la question que soulève plusieurs médias du pays alors que les nations européennes adoptent des stratégies radicales de confinement pour endiguer la pandémie.
«Nous ne pouvons pas nous permettre de répéter en Suède le drame humain de Wuhan et de Bergame. Ce serait un pari qui violerait le principe le plus fondamental de notre société : chaque personne a une valeur propre», écrivait dimanche le rédacteur en chef du quotidien Dagens Nyheter, appelant à des mesures plus sévères ou à un dépistage généralisé de la population.
Plus tard dans la journée, le Premier ministre social-démocrate Stefan Löfven s'est adressé à la population lors d'une rare allocution télévisée, exhortant chacun à «prendre ses responsabilités» et à suivre les recommandations du gouvernement : télétravail et distanciation sociale notamment.
Les autorités recommandent aussi à toute personne «à risque» de rester chez elle. Les rassemblements de plus de 500 personnes sont interdits (la limite est de deux personnes en Allemagne), les lycées et les universités sont fermés.
Les transports continuent d'être pris d'assaut
Le 24 mars, le gouvernement a exhorté les bars et les restaurants à se limiter aux services à table, afin d'éviter les files d'attente et assurer une distance minimale entre chaque client. Mais pour beaucoup, la vie continue normalement.
Samedi 21 mars, bars et restaurants de la capitale ont fait le plein, et les transports continuent d'être pris d'assaut aux heures de pointe.
Toutefois, comme chez la plupart de ses partenaires européens, les frontières suédoises sont désormais fermées aux voyages jugés «non essentiels».
Le Parlement suédois a aussi accéléré l'adoption d'un projet de loi permettant la fermeture des écoles primaires et maternelles si nécessaire.
Les autorités sanitaires en première ligne
Le gouvernement répond qu'il suit les recommandations de l'Agence de santé publique et affirme être prêt.
Si les autorités sanitaires n'ont pas encore demandé aux écoles de fermer, c'est parce que «ce sont les personnes âgées qui doivent rester à la maison, pas les enfants», justifient-elles.
La confiance accordée par le gouvernement aux autorités sanitaires ne fait pourtant pas l'unanimité.
Plusieurs experts et personnalités publiques ont accusé l'Agence de mettre la vie des gens en danger.
Maintenir le cap ?
La Suède a en partie justifié sa position en évoquant le cas du Royaume-Uni, qui suivait une stratégie similaire avant que le 10 Downing Street ne serre la vis.
Alors même que la pression sur le gouvernement suédois et l'Agence de santé publique s'accroît, les autorités campent sur leur position, rejetant toutes mesures drastiques qu'elles n'estiment pas assez efficaces pour justifier leur impact sur la société.
Lundi, Johan Giesecke, ancien épidémiologiste de l'Institut national suédois de contrôle des maladies infectieuses et actuel conseiller au sein de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a même encouragé les Suédois à sortir et à profiter du soleil printanier.
C'est aussi mauvais pour la santé de rester assis à la maison
«Amenez un ami et marchez à un mètre l'un de l'autre. N'étreignez pas votre voisin. Apportez un thermos et asseyez-vous sur un banc. C'est aussi mauvais pour la santé de rester assis à la maison», a affirmé monsieur Giesecke sur la chaîne publique SVT.
Cette même personne, estimait le 18 mars dernier devant les caméra de SVT, que les écoles de Grande-Bretagne auraient dû rester ouvertes.
Reste à savoir si la Suède va s'en tenir à cette stratégie, le pays n'ayant, contre tout attente, pas encore subi les foudres de ses voisins nordiques, qui appliquent quant à eux des mesures plus strictes pour contenir la pandémie.
Cependant, le nombre réel de malades est certainement plus élevé car les tests ne sont effectués que sur une certaine frange de la population.
Mardi, 2 272 cas de nouveau coronavirus avaient été détectés dans le royaume scandinave de quelque 10 millions d'habitants, où 36 personnes sont mortes des suites de la maladie, selon les autorités sanitaires.
En Norvège et au Danemark — qui comptent chacun environ la moitié de la population suédoise — les autorités ont respectivement enregistré 2 566 et 1 703 cas. La Finlande, 5,5 millions d'habitants, dénombrait elle 792 cas lundi.