Ainsi donc, Louise Beaudoin croit que l'alliance du Québec avec la France dans le développement de la francophonie se compare au couple franco-allemand et au rôle de l'Allemagne dans la construction européenne? [C'est ce que la députée de Rosemont suggérait dans une allocution prononcée au colloque Philippe-Séguin à Paris vendredi dernier->33864].
La comparaison établie par Mme Beaudoin est peut-être audacieuse, en ce qu'elle suppose que le Québec a, aux yeux de la France, une importance stratégique égale à celle de l'Allemagne. Mais elle est avant tout révélatrice d'une évaluation erronée que les péquistes font en ce qui a trait à leur rapport de force avec la France.
La relation avec la France est un thème assez peu développé dans la réflexion péquiste sur la souveraineté. Ceci est paradoxal, puisque c'est à la France qu'est implicitement confiée la responsabilité de mener le bal diplomatique mondial pour la reconnaissance de la souveraineté du Québec au lendemain d'un référendum victorieux sur l'indépendance.
Il est étonnant que les souverainistes se placent ainsi dans une position de dépendance politique par rapport à la France. Ceci viendrait inévitablement circonscrire de façon importante la toute nouvelle souveraineté du Québec. Vaut-il alors vraiment la peine de transformer la province politiquement dominante qu'est le Québec à l'intérieur du Canada en une sorte de DOM-TOM (Département d'outre-mer) de la France?
C'est probablement parce que les péquistes croient que le Québec «compte» pour la France qu'ils font confiance aux élites politiques françaises pour la reconnaissance internationale de la souveraineté du Québec. Cette impression est en largement fondée sur le «Vive le Québec libre!» du général de Gaulle en 1967. Mais au XXIe siècle, est-il réaliste de continuer à supposer que les Français mèneront le grand jeu de la reconnaissance internationale si le Québec choisissait la souveraineté?
Le monde de 2011 n'est plus celui des années 60. Deux facteurs en particulier font en sorte que les péquistes ne peuvent plus s'imaginer que la France voudra dépenser son capital diplomatique pour faire reconnaître la souveraineté du Québec par le reste du monde.
D'abord l'Europe. La France ne participe pas au processus d'intégration européenne depuis plus de 50 ans sans que ceci n'affecte ses politiques. Depuis les premiers jalons posés par Jean Monnet, la France est elle-même de plus en plus «fédéralisée» par l'Europe. Elle joue un rôle historique de premier plan dans la formation d'une Europe qui partage avec le Canada une structure de gouvernance de type fédéral.
De ce côté-ci de l'Atlantique, c'est l'obsession sécuritaire qui caractérise la politique interne américaine depuis les attaques de septembre 2001. Dans ce contexte, il est peu probable que les États-Unis Unis acceptent d'avoir à leurs frontières un Québec indépendant que Washington verrait, à tort ou à raison, comme un satellite de la France.
La France est depuis longtemps vue par les États-Unis comme un allié incertain et capricieux. En confiant à la France le leadership diplomatique pour la reconnaissance internationale de la souveraineté du Québec, les péquistes se placent dans une position difficile face aux États-Unis. Pour être effective, la reconnaissance de la souveraineté du Québec doit inévitablement passer par Washington. C'est le prix à payer pour l'intégration économique toujours plus poussée à l'échelle du continent nord-américain.
Au XXIe siècle, le poids politique du Québec face à la France est plus fort à l'intérieur qu'à l'extérieur du Canada. Le Québec province est moins dépendant politiquement de la France que ne le serait un Québec à la remorque de la France pour la reconnaissance internationale de sa souveraineté. Le destin du Québec est américain. C'est en jouant son américanité que le Québec a le plus à offrir à l'Europe.
***
Denis Saint-Martin
L'auteur est directeur du Centre d'excellence de l'Union européenne de l'Université de Montréal et l'Université McGill.
La souveraineté, la France et l'illusion péquiste
Feu d'artifices... Ce qu'il faut en tordre, des idées, pour favoriser le statu quo!
Denis Saint-Martin25 articles
Professeur titulaire science politique UdeM L'auteur est directeur du Centre d'excellence de l'Union européenne de l'Université de Montréal et l'Université McGill.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé