La police parallèle de Montréal

Une question se pose: qui contrôle Pierre Reid?

Corruption à la ville de Montréal



Éclaboussé par les scandales, élu de justesse, le maire Gérald Tremblay a juré qu'il ne serait plus l'homme qui ne savait rien. Il a donc donné plus de pouvoir au responsable des enquêtes internes, Pierre Reid.
Le maire voulait savoir. Fort bien. Sauf qu'il a créé un monstre.
Après le vérificateur, Pierre Reid a déclenché une enquête sur un élu, Claude Dauphin. Du moins selon des informations recueillies par La Presse. Pourtant, le maire a juré que la Ville n'avait jamais touché aux élus. Lors de la dernière séance du conseil municipal, il a été formel: «Les services de la Ville n'ont pas fait et ne feront jamais d'enquêtes sur les élus et le personnel des cabinets politiques.»
«Il me semble que c'est clair», a-t-il ajouté.
Eh bien non, ce n'est pas clair. Pas clair du tout. Et l'enquête sur Claude Dauphin?
Reid s'est attaqué à un gros morceau. Dauphin n'est pas un obscur conseiller de l'opposition, il fait partie de l'équipe du maire depuis 2001. Poids lourd de l'administration, membre du comité exécutif. En novembre 2009, il a été nommé président du conseil municipal. C'est donc lui qui veille sur les droits et privilèges de tous les élus, ceux de l'opposition comme ceux du parti au pouvoir.
S'il a bel et bien enquêté sur Claude Dauphin, comme nos sources l'indiquent, Pierre Reid a agi dans l'illégalité. Il n'a pas le droit d'enquêter sur des élus. Les avocats de la Ville sont catégoriques. C'est d'ailleurs écrit en toutes lettres dans un avis juridique remis au président du conseil... Claude Dauphin. Reid le savait-il? A-t-il demandé l'avis du contentieux avant de se pencher sur le cas de Dauphin?
Pierre Reid a espionné les courriels du vérificateur. A-t-il fait la même chose pour Claude Dauphin? Drôlement compliqué de fouiller dans les courriels d'un individu. Un policier, un vrai, doit d'abord obtenir l'autorisation d'un juge en présentant un affidavit détaillé. Reid, lui, ne s'embarrasse pas de telles précautions. Il a la réputation d'agir en cow-boy.
Si le maire - ou je ne sais qui - avait des doutes sur l'intégrité de Claude Dauphin, il aurait dû appeler la police ou alerter le ministre des Affaires municipales. Mais non, c'est le bureau de Pierre Reid qui a mené l'enquête. Selon le criminologue de l'Université de Montréal Benoît Dupont, Reid «n'a pas plus de pouvoir qu'un simple citoyen. Il mène des enquêtes clandestines, sans garde-fou, en utilisant des méthodes inquisitoriales».
Reid dirige une police parallèle qui agit en toute impunité.
Une question se pose: qui contrôle Pierre Reid?
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Gérald Tremblay était-il au courant pour Claude Dauphin? C'est l'éternelle question. A-t-il donné sa bénédiction à cette opération illégale? A-t-il voulu se mettre à l'abri d'un éventuel scandale? On lui a tellement reproché de se mettre la tête dans le sable.
Gérald Tremblay ignorait peut-être que Reid enquêtait sur Claude Dauphin, mais c'est difficile à croire. C'est lui qui a donné plus de pouvoir à Reid parce qu'il voulait savoir ce qui se tramait à l'hôtel de ville. Reid aurait lâché ses enquêteurs sur Dauphin sans en toucher mot au maire ou à son supérieur immédiat, le directeur général Louis Roquet?
Si c'est le cas, Gérald Tremblay ne contrôle plus rien. La Ville abrite une police parallèle qui fouille dans les courriels, agit dans l'illégalité, s'attaque au vérificateur et enquête sur un élu, et le maire ne serait au courant de rien?
Les mêmes questions se posent pour le directeur général, Louis Roquet. C'est lui, le patron de Reid, lui qui a signé la lettre jurant que la Ville n'a jamais enquêté sur des élus. Et il l'a écrite après avoir fait des vérifications sérieuses. Auprès de qui? Reid? Qui ne dit pas toute la vérité dans cette histoire? Reid? Roquet? Les deux?
Reid a-t-il mené des enquêtes sur d'autres élus? Sur les chefs de l'opposition, Louise Harel et Richard Bergeron? Si oui, pendant combien de temps? Quelle est la grandeur du territoire de Reid? A-t-il agi de façon ciblée à la suite de dénonciations ou s'est-il lancé dans une vaste opération de pêche?
Le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, ne peut pas rester les bras croisés et regarder la plus grosse ville du Québec s'enliser dans des histoires d'espionnage. Dans une lettre envoyée le 29 mars à la chef de l'opposition, Louise Harel, il a précisé qu'il accordait une «grande importance à la confidentialité des communications des élus. Cela est inhérent au bon fonctionnement de nos institutions politiques démocratiques».
Belle lettre, sauf qu'en attendant, Reid continue de sévir à l'hôtel de ville. Il n'a pas été congédié ni réprimandé par Gérald Tremblay dans l'histoire du vérificateur. Rien, pas l'ombre d'un reproche. Au contraire, le maire l'appuie. La fin justifie les moyens.
Mais il y a trop de questions. Le maire devrait convoquer Reid et Roquet devant le conseil municipal pour qu'ils répondent aux questions des élus. Après tout, il l'a fait pour le vérificateur. Mais osera-t-il?


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