Les relations entre la maire de Montréal et le mouvement nationaliste québécois sont au plus mal. Depuis qu’elle a fait un discours en anglais devant des investisseurs, ils dénoncent l’anglicisation de la métropole. C’est le cas de l’ex-journaliste Jean-Pierre Bonhomme, qui a travaillé 40 ans au quotidien québécois La Presse. Entretien.
Valérie Plante, maire de Montréal, vient de commettre une grave erreur. Une bourde qui pourrait possiblement lui coûter la prochaine élection… Malgré la crise du français qui bat son plein en Ontario, elle a tout récemment décidé de s'adresser uniquement en anglais à un groupe d'investisseurs étrangers.
Un geste que beaucoup considèrent comme une véritable insulte au français, la langue officielle au Québec. La maire prenait la parole à l'occasion d'une rencontre portant sur l'intelligence artificielle.
Les nationalistes y voient le signe de l'anglicisation de Montréal à la vitesse grand V. En poste depuis novembre 2017, Valérie Plante s'est empressée de faire son mea culpa sur les réseaux sociaux. Une opération de gestion de crise qui n'a toutefois pas amélioré son sort…
Des représentants du mouvement nationaliste et des internautes ont vivement dénoncé le geste de l'édile. Par exemple, l'écrivaine et sexologue engagée Jocelyne Robert l'a qualifiée de «colonisée de première» sur Twitter, un qualificatif très péjoratif au Québec.
Par voie de communiqué, le Mouvement Québec français a aussi dénoncé le «manque d'exemplarité» de la Valérie Plante. Le mouvement estime que «les excuses ne suffisent plus», étant donné «la récurrence des faux pas commis par l'administration Plante quant au statut du français à Montréal depuis l'élection municipale de 2017». Une déclaration sans équivoque.
Discours en anglais, une marque de trahison?
L'ancien journaliste québécois Jean-Pierre Bonhomme n'est pas du tout surpris par cette nouvelle. Interrogé par Sputnik, il estime que la récente conduite de Valérie Plante est cohérente avec sa vision de la métropole. M. Bonhomme a été journaliste pendant 40 ans au quotidien québécois La Presse et s'est toujours intéressé à l'évolution du français à Montréal.
Récemment, M. Bonhomme a fait les manchettes, au Québec, avec l'ex-journaliste Gilles Paquin. Les deux hommes ont envoyé une mise en demeure à la ville de Montréal pour forcer son administration à se conformer à la Loi sur le drapeau. Jamais, dans toute l'histoire de la Ville, le drapeau du Québec n'avait été affiché dans la salle du conseil municipal. Grâce à leur action, la Ville de Montréal a été forcée d'y installer un drapeau du Québec et de revoir sa politique de pavoisement. «C'est un succès, c'est vrai, mais il reste pas mal de travail à faire pour notre langue et nos symboles», a mentionné M. Bonhomme.
«La communauté anglaise, qui compte pour une bonne proportion à Montréal, ne voulait pas laisser entendre, par les politiques de pavoisement de la Ville, que les Canadiens français étaient chez eux. La Ville de Montréal refusait d'afficher le drapeau au conseil. La communauté anglaise veut garder son pouvoir à Montréal et sur le territoire du Québec», a affirmé M. Bonhomme dans une entrevue avec Sputnik.
Pour Jean-Pierre Bonhomme, le rejet du drapeau québécois était le symbole par excellence du pouvoir de l'anglais à Montréal. Malgré sa victoire, l'ex-journaliste est persuadé que la maire vise encore à rendre sa ville plus autonome, pour la détacher du Québec, province majoritairement francophone. L'ex-journaliste estime que la Ville de Montréal reconnaît de moins en moins l'autorité du gouvernement du Québec.
Le rejet du drapeau, autre manifestation de l'anglicisation?
Dans l'histoire, non seulement Montréal a été dominée par la communauté anglaise, mais son administration afficherait actuellement des tendances «sécessionnistes». Comme certains de ses prédécesseurs, Valérie Plante travaillerait à rendre sa ville la plus bilingue que le reste de la province. Denis Coderre, qui a occupé la mairie de Montréal de 2013 à 2017, adhérait aussi à cette vision, selon M. Bonhomme.
La prédominance de l'anglais est aussi liée à l'immigration et aux politiques de multiculturalisme promues par le gouvernement fédéral. Contrairement au reste du Québec, Montréal semble vouloir vivre un rêve multiculturel auquel est liée la langue anglaise. Il faut rappeler que les immigrés choisissent majoritairement l'anglais lorsqu'ils arrivent dans la métropole, ce qui déplaît beaucoup aux nationalistes québécois. Pour certains, la reconnaissance de l'anglais représente un signe d'ouverture envers les communautés culturelles. Jean-Pierre Bonhomme y voit plutôt une menace pour la survie de la culture québécoise.
«La population française de Montréal est en danger en ce moment. On voulait une ville dans laquelle on serait confortable avec notre culture. Et aujourd'hui, on se réveille, et on apprend que notre culture n'est plus dominante. Le gouvernement fédéral, pro-anglais, a voulu noyer le français à Montréal dans l'immigration. C'est une immigration qui passe systématiquement à l'anglais à la maison.»
Le dossier de l'anglais à Montréal continuera à faire couler beaucoup d'encre dans les prochaines années. Pour les uns, comme Valérie Plante, l'anglais est une richesse qui facilite l'évolution des Québécois en Amérique du Nord. Mais pour d'autres, comme Jean-Pierre Bonhomme, il s'agit d'une langue hégémonique qui contribue à fragiliser l'identité québécoise.
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