Le premier sommet mondial de la finance sociale et solidaire a lieu à Québec cette semaine avec la participation de 160 financiers provenant de 39 pays qui s'entendront pour lancer ce que l'on pourrait appeler le premier réseau financier de gauche au monde à être présent sur tous les continents.
Cela peut sembler paradoxal, mais il suffit de jeter un coup d'oeil sur la réalité actuelle pour comprendre la démarche, comme le fait Clément Guimond, coordonnateur général de la Caisse d'économie solidaire Desjardins: «Lorsque, sur cette planète, on en est rendu à spéculer sur le droit à la nourriture et que la famine est liée aux fluctuations boursières, on se prépare un avenir bien sombre si on ne réagit pas. À côté du système financier et de la financiarisation de l'économie, que propose-t-on?»
On voudra en somme au cours de ce sommet définir une vision commune à tous les organismes financiers sociaux et solidaires du monde, les faire travailler en réseau et se concerter sur des projets communs. Sans que l'on ait de chiffres financiers précis sur les actifs de toutes ces institutions financières au gabarit très différent, on peut dire qu'elles représentent collectivement une force financière qui se situent dans les milliards.
Le sommet qui aura lieu à Québec n'est pas le résultat d'une génération spontanée, bien au contraire. À l'origine, il y a l'INAISE (en anglais) ou l'Association internationale des investisseurs de l'économie sociale, créée à Barcelone en 1989 à l'initiative de sept organisations financières de l'économie sociale. Actuellement, l'INAISE compte 48 membres dont 35 en Europe provenant de 28 pays. Ces membres totalisent des bilans de 7,7 milliards de dollars. Avec l'épargne et les investissements de 600 000 clients ils financent 20 000 entrepreneurs sociaux et des centaines de milliers de microentrepreneurs. Les financements varient de 8000 $ à 12,5 millions par projet. Parmi ces entreprises, on retrouve par exemple Charity Bank au Royaume-Uni qui a présentement 19 millions de dollars en prêts consentis, pour des investissements totaux de 14 millions depuis 2002. Au Canada, il y a notamment Vancity, qui existe depuis 1946 et qui a des actifs de 14 milliards et 390 000 membres.
Pour sa part, la Caisse d'économie solidaire Desjardins, qui s'est taillé une niche exceptionnelle dans l'économie solidaire au Québec depuis une trentaine d'années est devenue membre de l'INAISE en 2001. Il y a trois ans, une démarche a été entreprise pour voir vers quoi cette association s'en allait. La décision a été prise de redonner la vocation que l'on avait voulu lui attribuer en 1989, à savoir qu'elle soit une organisation tout à fait internationale et qu'elle jouisse d'une capacité plus large dans le contexte de la mondialisation financière.
Pour marquer de façon très nette le renouveau envisagé pour l'INAISE, on a eu l'idée de tenir une réunion hors d'Europe. Comme la Caisse d'économie solidaire Desjardins a sa base principale à Québec et que 2008 marque le 400e anniversaire de cette ville, le choix de cette ville pour le sommet s'est imposé tout naturellement, d'autant plus que ce serait en même temps une reconnaissance pour tout ce qui se fait au Québec en économie sociale et qui suscite l'admiration à l'étranger. D'ailleurs, 80 des délégués venus de l'étranger passeront quelques jours à Montréal pour visiter notamment le Carrefour financier solidaire, la Société de développement Angus, la Cité des arts du cirque et le théâtre La Tohu. Pour sa part, la Caisse d'économie solidaire Desjardins, avec des centres de service à Québec, Montréal, Joliette et au Nunavik, a 10 293 membres, dont 2665 associations et entreprises d'économie provenant des milieux syndicaux, coopératifs, communautaires et culturels. Son volume d'affaires a été de 846 millions et en hausse de 10,9 % en 2007. La Caisse a participé à l'organisation de ce congrès de Québec. Pour M. Guimond ce sommet constitue un événement extraordinaire pour terminer sa longue carrière de 30 ans, dont 25 ans comme coordonnateur général de cette Caisse, qu'il quitte à la fin de la semaine. Paul Ouellet, un vieux routier de l'économie solidaire lui succède.
Pour ce qui est du sommet lui-même, on a confié Ricardo Petrella la tâche de brosser un tableau de la financiarisation de l'économie mondiale, de son émergence et des enjeux qu'elle pose et de ses conséquences, un portrait qu'il présentera à la manière de ce qu'il a fait dans le passé pour le phénomène du néo-libéralisme. On n'est pas arrivé à la situation actuelle par hasard, explique M. Guimond. «Il faut comprendre cela et mettre au point des stratégies pour changer le parcours. Il faut redonner un sens différent à l'argent, remettre l'argent en circulation avec des objectifs différents auprès de clientèles qui ont été larguées», explique-t-il. À cet égard, même certaines sociétés disant avoir une vocation d'économie solidaire sont menacées de tomber dans le piège de la spéculation boursière, d'où l'importance de bien établir la voie à suivre.
Une fois, la vision générale bien établie au terme de la première journée, les participants prendront la deuxième journée pour se retrouver en différents groupes de travail sur des projets d'action plus spécifiques: une initiative Nord-Sud pour le financement d'énergies soutenables, à partir de l'idée d'imaginer un système mutualisé. On pense aussi à la création d'un observatoire de la finance solidaire, qui serait un lieu d'échange, un centre de connaissances structuré. Un autre groupe de travail se penchera sur les outils de finance sociale à mettre en place pour financer l'économie sociale en Asie. On envisage par ailleurs de créer une commission mondiale de la finance.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé