À 25% dans les intentions de vote (26% chez les francophones), François Legault est encore bien loin du pouvoir. Mais au-delà de ce chiffre, le nouveau sondage CROP-La Presse démontre que la Coalition avenir Québec (CAQ) a quelque chose que les autres partis n'ont pas: un élan, une tendance favorable.
Attention, toutefois. Cet élan est attribuable, en bonne partie, à un phénomène nouveau et inusité: la CAQ a gagné 12% en une semaine (de 8 à 20%) chez les non-francophones, une clientèle habituellement captive des libéraux. Le bond le plus important de la CAQ est dans l'île de Montréal, soit 5%.
Apparemment, la virée de M. Legault dans l'ouest de Montréal, d'où il est originaire, la visite à sa maman à Sainte-Anne-de-Bellevue et son engagement à voter Non s'il y a un autre référendum ont été payants pour la CAQ à Montréal. Soit, mais cela ne lui donnera aucun siège.
Les libéraux de Jean Charest devraient s'inquiéter des mouvements d'humeur de la communauté anglophone, qui en a marre d'être tenue pour acquise, mais le rouge domine encore largement à l'ouest du boulevard Saint-Laurent. Quant au Parti québécois (PQ), il gagne des points ailleurs à Montréal, ce qui consolide ses sièges traditionnels.
Pour espérer réellement percer, la CAQ doit progresser vite et fortement chez les francophones. Or, elle n'a gagné qu'un seul point en une semaine chez les francos, de 25 à 26%. C'est mieux que les 21% du Parti libéral du Québec (PLQ), mais bien loin derrière les 39% du PQ.
On note une progression en province et dans le 450, mais pas encore assez pour inquiéter sérieusement le PQ. Tournez ça dans tous les sens, mais à 39% chez les francophones, un parti est en territoire majoritaire. Reste à voir si certaines luttes à trois dans quelques circonscriptions pourraient changer la donne.
François Legault a un autre problème: son parti ne «pogne» pas du tout avec les femmes. Seulement 20% des électrices sont attirées par la CAQ, deux fois moins que le PQ. Si Pauline Marois devient première ministre le 4 septembre, elle le devra en grande partie aux femmes, ce qui soulève, encore une fois, la question du sexisme en politique. Mais ce sera pour un autre jour. Retour sur le CROP, ses chiffres et la suite des choses.
Depuis une semaine, le principal changement chez les électeurs, c'est l'augmentation du nombre d'indécis, qui est passé de 11% à 19%, soit près d'un Québécois sur cinq. Seront-ils tentés de magasiner du côté de la CAQ? Chose certaine, François Legault ne ménage aucun effort pour attirer leur attention. Quitte à provoquer la controverse ou à se faire accuser d'improviser.
Il doit déranger, brasser le jeu s'il veut accrocher les électeurs indécis qui recherchent d'abord le changement. Sa plus récente sortie, très appuyée, sur les jeunes, les valeurs et la productivité démontre que le chef de la CAQ joue le tout pour le tout.
En plus de gagner quelques points, M. Legault voit aussi sa cote monter. Pour la première fois depuis très longtemps, le voilà en tête à la question: «Quel chef ferait le meilleur premier ministre?» Voilà une base sur laquelle travailler, même si la CAQ risque de manquer de temps.
Les libéraux largués
Il serait injuste de dire que Jean Charest mène une mauvaise campagne. Mais le poids des années pèse inéluctablement sur le PLQ. Il stagne, bon deuxième au général grâce à sa base anglo-allo, mais lointain troisième chez les francos, sauf à Québec. D'où le débarquement des troupes libérales et la multiplication des promesses dans la capitale nationale cette semaine. À part Québec, toutefois, il ne reste plus beaucoup d'endroits au Québec où le premier ministre sortant peut entendre les concerts d'éloges.
Le PQ mène, la CAQ chauffe, le PLQ est pressurisé. Pardonnez le cliché, mais en politique comme en sport, la meilleure défensive, c'est l'attaque. On l'a bien vu cette semaine dans les nouvelles pubs libérales, des pubs très négatives (selon les critères québécois) qui visent directement la personnalité, le jugement et les choix de François Legault.
Le principal problème de Jean Charest, c'est qu'il est incapable, dans cette campagne, d'imposer le thème et le rythme. Il est là, il se comporte bien, mais il pédale dans le beurre.
En 2008, il avait réussi à imposer l'enjeu: l'économie. En 2012, les Québécois croient toujours que PLQ est le parti du développement économique, mais ce n'est pas, cette fois, un enjeu porteur. De plus, la crise étudiante et ses symboliques carrés rouges ont disparu, emportant avec eux une partie de la stratégie libérale.
Il faudra voir si les derniers éléments marquants de la campagne, notamment cette histoire de crucifix, changeront la donne électorale.
Le PQ a tenté de s'imposer sur les questions identitaires, en promettant notamment une nouvelle loi 101. Mais le débat sur la place du crucifix à l'Assemblée nationale, relancé par une de ses candidates, est embêtant pour Pauline Marois.
En fait, c'est le pire des deux mondes pour elle: se présenter comme championne de la laïcité tout en refusant d'enlever de la «maison du peuple» le symbole le plus ostensible de la chrétienté révèle une bonne dose d'incohérence et d'hypocrisie (partagée, cela dit, par la CAQ et le PLQ).
Si cette histoire provoque, en plus, une controverse en région, cela pourrait jouer contre le PQ.
Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca
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