Depuis le début de sa carrière politique, Nathalie Normandeau, une enfant du sérail libéral, a reçu une sorte de traitement de faveur, qui lui a évité les affectations casse-gueule.
Après les élections du printemps 2003, on lui a permis de faire son apprentissage sans risque à titre de ministre déléguée au Développement régional et au Tourisme. Toute une différence avec Pierre Reid, qui s'est rapidement cassé la figure au ministère de l'Éducation, ou, plus récemment, Kathleen Weil, qui n'était pas prête pour le ministère de la Justice.
Mme Normandeau a gradué au ministère des Affaires municipales et des Régions en février 2005, mais seulement après que Jean-Marc Fournier eut réglé tant bien que mal le délicat dossier des défusions. On lui a réservé la tâche plus agréable de négocier un nouveau pacte fiscal avec les municipalités.
Même si elle n'avait pas démérité, il était assez étonnant que, après un séjour de moins de deux ans au cabinet, Jean Charest l'élève au rang de vice-première ministre, en retirant le poste à Monique Gagnon-Tremblay, dont la feuille de route était nettement plus impressionnante.
Après le départ de Philippe Couillard, plusieurs la voyaient lui succéder au ministère de la Santé, mais elle ne voulait rien savoir de ce ministère réputé être un véritable cimetière pour ceux qui, comme elle, entretenaient les plus hautes ambitions.
En juin 2009, sa nomination au ministère des Richesses naturelles et de la Faune semblait un très bon tremplin pour une aspirante à la succession de M. Charest. Depuis le début des années 1960, le développement économique a toujours été la marque de commerce des chefs du PLQ.
En sa qualité de ministre responsable du Plan Nord, Mme Normandeau pouvait espérer s'inscrire dans la glorieuse lignée des «bâtisseurs». En juin dernier, le magazine L'Actualité l'a présentée comme la championne de l'indépendance énergétique du Québec.
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Jusqu'à présent, l'intégrité de la vice-première ministre n'a jamais été mise en doute, mais le dossier des gaz de schiste risque de ternir sérieusement son image à un bien mauvais moment. La bâtisseuse ressemble maintenant à une bradeuse, qui fait non seulement bon marché de l'environnement et de la qualité de vie de la population des basses terres, mais qui semble également prête à sacrifier le patrimoine souterrain du Québec à l'avidité des promoteurs et des amis du PLQ.
Mme Normandeau et son collègue du ministère de l'Environnement, Pierre Arcand, donnent aujourd'hui l'impression d'être à la solde de l'entreprise privée. La Presse a révélé en fin de semaine dernière que la Colombie-Britannique exige jusqu'à 1000 fois plus des sociétés gazières et pétrolières pour l'octroi de permis d'exploration. «On est des triples cons, commentait un ancien sous-ministre de l'Énergie. Les prospecteurs et les entreprises partent carrément avec la caisse.»
Tout le territoire qui peut présenter un intérêt est déjà couvert par des permis. La comparaison avec le gouvernement Duplessis, qui vendait le fer aux Américains «une cenne la tonne», vient immédiatement à l'esprit. La quantité d'anciens apparatchiks libéraux qui gravitent autour de l'industrie pétrolière et gazière rappelle également le «scandale du gaz naturel», qui avait marqué la fin du régime de l'Union nationale.
Il est indécent de voir le gouvernement et l'Association gazière et pétrolière du Québec, présidé par André Caillé, lui-même associé à une entreprise, Junex Inc., qui détient des permis d'exploration sur une superficie de 400 000 hectares, se lancer conjointement dans une vaste opération de conditionnement de l'opinion publique.
Les limites étroites du mandat confié au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) et le peu de temps dont il disposera, compte tenu de la complexité du sujet, constituent une véritable insulte à l'intelligence. Loin de rassurer, la multiplication des consultations organisées de manière à escamoter l'essentiel ne peut qu'inquiéter davantage.
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Même si personne au sein du PLQ ne pousse actuellement M. Charest vers la porte, rares sont ceux qui envisagent sérieusement la possibilité d'un quatrième mandat. La question est plutôt de savoir quand le premier ministre décidera de tirer sa révérence.
Tout le monde a assisté avec tristesse et sympathie à la courageuse lutte de Claude Béchard, mais il était devenu évident depuis un bon moment qu'on ne pouvait plus voir en lui un successeur potentiel, même si M. Charest semblait le considérer comme son dauphin.
La quasi-totalité de ceux dont le nom a été évoqué viennent de Montréal, qu'il s'agisse de Raymond Bachand, Denis Coderre, Line Beauchamp ou encore Michael Fortier. C'est également le cas de Jean-Marc Fournier. Si certains ont voulu voir dans son retour le signe d'un regain d'intérêt pour le poste de chef, la campagne lancée par The Gazette pour le faire battre à l'élection partielle dans Saint-Laurent augure plutôt mal. Manifestement, le dossier des défusions lui colle à la peau.
Dans la perspective d'une course au leadership, le fait d'être la seule candidate issue des régions constitue sans doute un avantage pour Mme Normandeau, mais passer pour une obsédée des forages ne la servira pas mieux en région qu'à Montréal.
La bradeuse
La bâtisseuse ressemble maintenant à une bradeuse, qui fait non seulement bon marché de l'environnement et de la qualité de vie de la population des basses terres, mais qui semble également prête à sacrifier le patrimoine souterrain du Québec à l'avidité des promoteurs et des amis du PLQ.
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