C’est avec des étudiants de l’École d’administration publique et des citoyens que j’ai passé la soirée du premier débat des chefs, jeudi dernier.
Invitée à le commenter avec un panel de jeunes diplômés de l’ÉNAP, à Montréal, j’ai grandement apprécié nos échanges.
Rémy Truel, l’initiateur de l’événement, avait déniché un logiciel qui a permis aux participants de voter, de façon interactive, sur des questions en lien avec le débat, au fur et à mesure de son déroulement.
« Est-ce que le débat de ce soir vous a appris quelque chose de nouveau ? » ai-je demandé à la salle. La réponse était unanime : « Non ».
N’empêche que j’ai aimé la nouvelle formule de Radio-Canada et le commentateur, Patrice Roy, était à son meilleur.
La pédagogie, c’est la répétition
Les thèmes retenus étaient forts à propos : santé, éducation, économie, environnement, identité, immigration et question nationale.
On déplorera que ces sujets n’aient été abordés qu’en surface et que plusieurs aient tout simplement été escamotés, comme la culture et les régions.
Alors à quoi servent les débats des chefs ? Sûrement pour consolider le vote de chacun des partis en permettant aux chefs de défendre leurs promesses et gruger, au passage, le vote de leurs adversaires.
Après tout, la pédagogie, c’est la répétition, sans compter que les sondages indiquent qu’à deux semaines du jour J, il y a encore 40 % d’indécis.
La question se pose donc. Ces débats des chefs influencent-ils réellement le résultat du vote ? Les études qui se sont penchées sur cette question ne sont pas concordantes.
Par contre, l’intense couverture médiatique, les sondages et les analyses qui s’ensuivent tendent à dégager un lien de cause à effet entre ce battage médiatique et le choix des électeurs.
L’immigration : un thème dominant
Comme il fallait s’y attendre, le thème de l’immigration est celui qui a le plus retenu l’attention. Et pour cause.
Depuis que la souveraineté a disparu de l’écran radar de M. Couillard comme menace potentielle, il a jeté son dévolu sur le spectre de l’immigration qu’il agite, à satiété, pour faire peur aux immigrants, afin de les garder captifs du PLQ.
Ses échanges avec le chef de la CAQ sont assez révélateurs à cet effet. Ainsi, les fameux tests de français et de valeurs proposés par M. Legault ont été renommés « tests d’exclusion », une expression qu’il a répétée à plusieurs reprises pour renforcer son message.
À une question de M. Legault qui lui réclamait de s’excuser pour les propos tordus de son candidat dans Taillon, Mohammed Barhone, qui a accusé la CAQ de faire dans le « nettoyage des immigrants », M. Couillard en a rajouté : « c’est parce que vous leur faites peur. »
La réplique de M. Legault ne s’est pas fait attendre, affirmant que les Québécois sont tolérants et qu’ils « sont tannés de vous avoir comme donneur de leçons ».
M. Barhone a donné la frousse aux femmes maghrébines, il y a quelques jours, les exhortant à ne pas voter pour la CAQ qui « va donner un bon coup de balai » à l’immigration, ajoutant que même avec un simple foulard, elles ne pourront plus avoir accès à des services publics sous un gouvernement Legault.
Le téléphone arabe avait fait le reste, car M. Barhone, en plus d’être candidat dans Taillon, est aussi président de la Commission des communautés culturelles du Parti libéral du Québec, depuis novembre 2017, et auparavant, président de l’exécutif libéral du comté de Crémazie/Maurice-Richard.
Mais si M. Couillard ne se dissocie pas de son candidat dans Taillon, des membres de la communauté marocaine ne se sont pas fait prier pour le dénoncer. Plusieurs se disent honteux que M. Barhone mente à la communauté sur le programme de la CAQ. Ils constatent que ce personnage n’est pas fait pour la politique et doit démissionner comme candidat libéral.
M. Couillard retrouvera-t-il le sens des valeurs libérales dont il parle abondamment pour congédier son candidat encombrant ?