J'entendais l'autre jour des gens se féliciter de ce qu'il y avait eu cette année quatre fois moins d'incidents antisémites au Québec qu'en Ontario. Autrement dit, quand on se compare, on se console...
C'est une façon tordue de voir les choses. Primo, un seul incident serait déjà de trop. Secundo, le Québec a été depuis deux ans le théâtre de deux attaques particulièrement graves contre la communauté juive. En 2002, un cocktail Molotov endommageait sérieusement l'unique synagogue de Québec, et cette semaine, on montait de plusieurs crans dans l'horreur, avec l'ignoble incendie de la bibliothèque de l'école Talmud Torah.
Jusqu'à tout récemment, l'antisémitisme au Québec- le vieil antisémitisme " canadien-français "- était surtout affaire d'attitude: un mélange de méfiance, d'envie, d'ignorance crasse, d'hostilité plus ou moins ouverte envers les Juifs. Mais on ne passait pas aux actes, contrairement au Canada anglais où sévissent quelques groupuscules de " suprémacistes blancs " et de négationistes.
Hélas, nous voici au stade de l'acte. Et s'il faut en croire le message laissé par les auteurs de l'attentat, il s'agit maintenant non plus seulement de vandalisme extrême, non plus seulement d'un acte " haineux ", mais de terrorisme pur et simple, apparemment perpétré pour venger l'assassinat du Cheik Yassine par l'armée israélienne.
D'où la nécessité d'une réaction collective à cette violence importée de la poudrière du Proche-Orient. Les leaders politiques se sont conduits impeccablement, mais il ne faut pas s'arrêter là.
D'où, aussi, la nécessité d'une solidarité inconditionnelle avec les Juifs du Québec qui désormais vivent dans la crainte de voir leurs domiciles couverts de graffitis haineux, voire d'être victimes d'agressions physiques pour peu que leur judaïté soit visible, comme cela s'est produit plusieurs fois en France.
Cessons de trouver des " excuses " aux terroristes qui ont brûlé les livres d'une école élémentaire en nous avertissant, par-dessus le marché, que ce n'était qu'un début, sous-entendant que la prochaine fois, ce serait pire.
On entend trop souvent des gens dire, dans une molle et lâche défense de la communauté juive, que cette dernière ne devrait pas payer pour les péchés du gouvernement Sharon parce que nombre de Juifs de la diaspora sont contre les politiques de Sharon. C'est vrai du reste, mais même si ce ne l'était pas, qu'est-ce que cela changerait? Les Juifs ont le droit inaliénable à leurs opinions politiques, qu'elles soient populaires ou non, dans ce pays où la liberté d'opinion et d'expression est censée être garantie.
Cessons d'exiger, comme on le leur demande souvent à mots couverts, que les Juifs de la diaspora se dissocient de l'État d'Israël pour acheter leur sécurité. Au-delà des différences d'opinion concernant les politiques de l'actuel gouvernement israélien, il n'y a pas un Juif, où que ce soit, qui ne tienne au droit à l'existence et à l'autodéfense de l'État d'Israël, exception faite de quelques marginaux surexcités (ceux, toujours les mêmes, que certains journalistes nous présentent comme les seuls " bons " Juifs)
Cessons aussi de nous tromper de victimes. Dans le flot de commentaires qui ont suivi cet attentat, nombre de beaux esprits n'avaient rien de plus pressé que d'exhorter la population à " ne pas montrer du doigt " la communauté arabo-musulmane, à comprendre son point de vue sur le Proche-Orient, etc. Comme on ignore qui sont les auteurs de l'attentat, c'était vraiment de la surprotection!
En vérité, dans ce cas-ci, il n'y a qu'une victime et une seule, et c'est la communauté juive- pas seulement la minorité de Juifs religieux qui fréquentent les écoles privées et portent la kippa ou font partie des sectes hassidiques, mais tous les Juifs, y compris la majorité laïque.
Ici comme ailleurs, et même en Israël, la majorité des Juifs sont non religieux (ou si peu) et n'affichent aucun signe distinctif. La judaïté n'est plus, aujourd'hui, d'abord affaire de religion. C'est une culture et une histoire. Une histoire dont Israël fait partie au même titre que l'Holocauste d'où ce pays a tiré sa raison d'être.
Une autre distorsion mentale qui revenait cette semaine dans nombre de propos, c'est de tout étiqueter en termes de " racisme ", en ignorant la spécificité de l'antisémitisme, ce mal millénaire, pernicieux et foncièrement irrationnel, qui semble plonger ses racines dans la recherche du bouc émissaire.
Au lieu de multiplier les appels vagues à la " tolérance ", comme si l'antisémitisme relevait d'un banal réflexe xénophobe, il serait plus utile de regarder la réalité en face. L'attentat de lundi n'est pas surgi de nulle part. Il se produit à la suite de multiples incidents, les uns connus, les autres cachés ou passés sous silence, et qui tous indiquent la montée d'un antisémitisme d'un nouveau type.
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Incendie d'une bibliothèque scolaire juive
_ La Couronne réclame une peine de deux ans pour Sleiman Elmerhebi
_ Rollande Parent
_ La Presse vendredi 17 décembre 2004
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Presse Canadienne Montréal - La Couronne réclame que le jeune Sleiman Elmerhebi soit envoyé dans un pénitencier fédéral pendant deux ans pour l'incendie qu'il a reconnu avoir déclenché à la bibliothèque de l'école Talmud Torah, le 5 avril.
En faisant cette demande, vendredi, la procureure de la Couronne, Me Anne Aubé, a soutenu qu'«il transpire de la preuve qu'il n'a pas agi seul» tout en indiquant que l'enquête policière ne permettait pas de le relier à une organisation terroriste.
Pour sa part, l'avocat du jeune Libanais d'origine, Pierre Poupart, a demandé au juge Jean Sirois d'imposer une peine à servir dans la communauté, assortie de conditions sévères s'il le faut, pourvu que le jeune homme puisse réintégrer sa famille et y retrouver ses trois soeurs, sa mère et son père, un camionneur.
Sleiman Elmerhebi est détenu à la prison de Rivière-des-Prairies depuis son arrestation, il y a sept mois. Il s'y trouvait lors de son 19e anniversaire.
Pour étayer la thèse voulant que le jeune homme n'avait pas agi seul, Me Aubé a signalé que la note laissée sur les lieux de l'incendie portait la signature suivante: «Les Brigades du Cheick Ahmed Yasine». Me Aubé considère qu'il s'agit là d'un fait étrange pour un jeune qui dit ne pas suivre l'actualité mais qui décide de passer à l'acte incendiaire, le 5 avril, pour venger cette mort survenue le 22 mars et généralement attribuée aux dirigeants israéliens.
Elle y voit une riposte et une vengeance, comme le dit d'ailleurs la note qui commence ainsi: «Voilà la conséquence de vos crimes et de votre occupation...»
Pour Me Aubé, l'incendie dans une école juive est un geste haineux et terroriste posé en vue de créer de la tension et de l'intimidation à l'égard de la communauté juive et cela pour des événements se situant à l'extérieur du Canada.
La raisonnement qui sous-tend le geste est le suivant: «Parce que tu es Juif, tu dois être puni», a avance l'avocate.
Me Aubé a rappelé que le geste avait été planifié, deux jours à l'avance, par l'achat de bidons de kérosène permettant de déclencher l'incendie, par la mise en place d'un alibi, l'assistance à un spectacle à l'exception des 30 minutes prises pour se rendre à l'école juive.
Il avait même prévu dans quel pays il devrait se sauver en plus d'envisager de partager les 50 000 $ offerts pour toute information permettant d'identifier l'auteur de l'incendie, a-t-elle souligné.
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