Je suis venu en politique par amour pour le Québec et pour servir la cause de son indépendance. Parce que je suis fier de ce que nous avons accompli ensemble depuis 400 ans et que je veux faire ma part pour assurer l'avenir. Notre peuple n'est ni meilleur ni pire que les autres peuples de la terre. Juste différent. Unique. J'en ai l'intime conviction: la présence d'une nation francophone en terre d'Amérique rend l'aventure humaine plus riche et plus belle.
À titre de députés de l'Assemblée nationale du Québec, notre devoir est de protéger cette société distincte pour que son voyage se poursuive encore longtemps. C'est dans cet esprit que j'ai fait partie de l'équipe qui a travaillé au projet de loi sur l'identité de Mme Marois. Le but visé? Renforcer le français comme langue d'intégration au Québec. La pièce maîtresse? Le contrat d'intégration qui impose droits et devoirs au nouvel arrivant ET à la société québécoise qui l'accueille. Lui s'engage à apprendre le français et elle, en retour, s'engage à lui fournir l'aide et l'accompagnement pour y arriver. Cette responsabilité mutuelle s'appuie sur un nouveau droit - "le droit à l'apprentissage du français" - que nous proposons d'ajouter à la Charte québécoise des droits et libertés. C'est notamment pour aider les Néo-Québécois à se trouver du travail en français que nous étendons l'application de la loi 101 aux entreprises de 25 à 50 employés, désormais tenues d'obtenir un certificat de francisation.
Évidemment, c'est la création d'une citoyenneté québécoise qui a causé la controverse que l'on sait. S'agit-il du droit à la citoyenneté québécoise que nous rendons conditionnel à la maîtrise de la langue française? Intolérable! Même s'il est calqué sur une exigence identique au Canada, soit la maîtrise de l'une des deux langues officielles. S'agit-il du droit de se porter candidat aux élections législatives que nous rendons conditionnel à l'obtention de la citoyenneté québécoise? Discriminatoire! Même si une exigence identique s'applique au Canada, en France, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans combien d'autres pays!
"Justement", me répondra-t-on, "le Québec n'est pas un pays". Soit! Mais le Québec est souverain dans l'espace politique qui est le sien. Ses compétences constitutionnelles se prolongent sur le plan international. Pourquoi le priverait-on de sa propre citoyenneté pour la seule raison qu'il ne jouit pas (encore) de sa pleine souveraineté? D'autant que le Parlement fédéral a reconnu que le Québec est une nation. Cette reconnaissance n'est-elle que symbolique, ou comporte-t-elle une valeur réelle, institutionnelle? Si le Québec est une nation, n'a-t-il pas le droit de revendiquer la création de sa propre citoyenneté dans le respect de son identité francophone et de son espace national propre?
"Ce serait inconstitutionnel", me répliquera-t-on sans doute. Ah oui? Selon qui? À ce que je sache, aucun tribunal ne s'est encore prononcé là-dessus, et les avis des constitutionnalistes sont pour le moins partagés. Dans leur sagesse et leur indépendance, les juges nous réservent parfois de bien drôles de surprises. Il est possible qu'ils jugent déraisonnable la création d'une citoyenneté québécoise qui lie le droit d'être candidat aux élections à la maîtrise du français. Mais peut-être jugeront-ils cette mesure raisonnable dans une société libre, démocratique, et majoritairement francophone.
C'est ce que les juges ont fait en déclarant constitutionnels les articles de la loi 101 qui obligent les enfants des nouveaux arrivants à s'inscrire à l'école française. Comme avec la loi 101, les tribunaux devront mettre dans la balance droits individuels et droits collectifs. Ils devront tenir compte de notre existence comme communauté francophone d'Amérique. Cette communauté qui permet à une langue de se transmettre et de durer. Celle sans laquelle le droit de parler français n'a plus aucune valeur faute de parlants français avec qui la partager.
Une suggestion
Bref, les droits n'émanent pas que de la personne. Ils découlent aussi de notre appartenance à une communauté. Communauté linguistique ou culturelle certes mais communauté politique aussi. Le chartisme de Pierre Trudeau - qui donne aux droits individuels un caractère absolu - n'est pas une doctrine intouchable. Le concert quasi unanime de critiques qui a accueilli le projet Marois me fait craindre qu'une Sainte Évangile des droits individuels soit en train de s'installer au Québec. Et que celui (ou celle) qui cherche à en baliser l'exercice soit condamné ex cathedra.
Permettez une suggestion? Débattons du mérite de la proposition Marois, voyons ce que la population en pense et laissons aux tribunaux le soin de se prononcer, en temps et lieu. Si, d'aventure, notre appartenance au Canada nous interdisait de nous donner une citoyenneté québécoise, il appartiendra alors aux Québécois de juger si cet état de fait est juste et raisonnable. Quant à nous, nous ne cesserons de clamer haut et fort le droit de construire, en Amérique, une société francophone, pluraliste et démocratique.
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Drainville, Bernard
Député péquiste de Marie-Victorin, l'auteur réagit [au texte de Pierre Céré->10994] publié dans le numéro de La Presse du samedi 29 décembre 2007.
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