L’empire américain, qui a dominé le monde depuis 1945 et le domine encore aujourd’hui, semble entrer ces années-ci dans une phase de décadence ubuesque. La présente entreprise de destitution de Donald Trump en représente un épisode parmi d’autres.
Aventurier mégalomane parvenu à se faire élire en canalisant le sentiment d’aliénation d’électeurs en révolte contre la mondialisation, l’immigration massive et le déclassement de leur pays, il semble aujourd’hui découvrir qu’être l’homme le plus puissant du monde ne veut pas dire que tout lui est permis.
Trump
Sans être absolument infondée, la procédure engagée par les démocrates est partisane et nous rappelle que ces derniers, au fond d’eux-mêmes, n’ont jamais accepté la légitimité de son élection en 2016 et voudraient l’annuler. Surtout, ils sentent bien que Trump pourrait l’emporter à nouveau l’an prochain. Ils font tout alors pour le fragiliser et plomber à l’avance sa campagne.
Ce n’est probablement pas sans lien avec l’entrée dans la course à l’investiture démocrate de Michael Bloomberg, le multimilliardaire new-yorkais. Son analyse est claire : depuis quatre ans, les démocrates ne sont pas parvenus à faire surgir un candidat d’envergure, capable d’affronter Trump. Joe Biden a voulu jouer au vieux sage démocrate, mais il n’est jamais sorti vraiment de son personnage de gaffeur compulsif.
Plus encore, depuis la dernière élection présidentielle, les démocrates se sont braqués idéologiquement à gauche en s’éloignant plus que jamais du courant central de l’électorat américain. Peut-être était-ce inévitable dans un pays polarisé comme jamais où s’affrontent deux conceptions irréconciliables probablement de l’avenir de la nation. Il n’en demeure pas moins que ce n’est pas en misant sur son aile la plus radicale que le Parti démocrate pourra déloger de la Maison-Blanche celui qu’il présente comme un bouffon tyrannique.
Plus encore, on peut croire que les excités de la gauche américaine qui s’agitent sur les campus sont les meilleurs alliés de Trump, qui n’est jamais aussi fort que lorsqu’il joue la carte de l’anti-politiquement correct.
Michael Bloomberg se présente ainsi comme l’homme providentiel plutôt centriste dont les démocrates ont besoin. Dans un pays qui ne vénère rien tant que l’argent et le succès financier, il fait de sa réussite personnelle le principal marqueur de sa légitimité politique. Avec son argent, il entend littéralement s’acheter une place dans la course démocrate.
Bloomberg
Comment ne pas être dépité, quand on regarde cela d’un œil extérieur, par la transformation possible et même probable de la prochaine élection présidentielle américaine entre un duel de gérontes milliardaires qui prétendent chacun incarner l’avenir de l’Amérique ? L’idéal démocratique s’en trouve compromis, et même souillé.
Plus que jamais, les États-Unis se présentent comme le pays de la démesure, des écarts sociaux les plus extrêmes et les plus indécents, des tensions ethniques les plus prononcées. C’est un pays surarmé, qui a inventé les tueries à grande échelle et qui renoue avec une psychologie de guerre civile. On devrait moins vouloir l’imiter que s’en éloigner.