Voilà, l’économie libérale a encore le nez dans son propre caca.
Allez, il faut dérèglementer. Voyons, il faut supprimer toutes ces
entraves qui nuisent à la libre circulation des biens, des services, des
capitaux. Il faut laisser le marché agir à sa guise. Il faut libérer les
forces créatives du capital pour lui permettre de créer de la richesse.
Faites sauter tous ces corsets qui nous empêchent d’aspirer à ce progrès
inévitable, irrémédiable. Libérez-nous de cet État inefficace et
improductif. Voilà la bonne nouvelle et l’incroyable destinée auxquelles
nous conviaient les entourages de madame Thatcher et de Ronald Reagan dans
les années 1980.
On ne parlait pas autrement dans les années 1920, cet âge d’or de
l’économie libérale. Il fallait investir à la bourse. «Get rich quick».
La prospérité est au coin de la rue. Ce système est d’une beauté sans nom.
C'est la main invisible, tout se fait tout seul. C’est la loi naturelle
de l’économie qui nous dirigera vers le bien-être total. Désormais, nous
sommes condamnés au progrès. C’était les Années Folles, «the roaring
twenties».
Mais la réalité était toute autre. Oui, des richesses colossales
s’édifiaient, oui, la grande entreprise florissait mais dans les quartiers
populaires, dans les campagnes, les revenus ne suivaient plus le coût de la
vie. Une spéculation boursière débile transformait rapidement en vent les
actifs des grosses compagnies. La catastrophe se produisit. La réalité
actuelle est relativement semblable. Le laxisme bancaire américain a érigé
une formidable pyramide de crédit lui aussi édifié sur du vent. Des
richesses phénoménales s’érigeaient pendant que les banques jouaient avec
le feu dans la plus grande inconscience. L’histoire est presque en train
de se répéter. Il faut se préparer à des années molles.
Suite à la Grande Dépression du siècle dernier, les gouvernements ont dû
se résoudre à intervenir dans l’économie jusqu’à en devenir un joueur
important. Il fallait domestiquer ces forces anarchiques qui régissaient
le marché de façon à obtenir une plus grande justice sociale pour se sortir
au plus vite du bourbier mais aussi pour éviter qu’une pareille crise
puisse se reproduire. Toute une génération d’économistes si nous pensons
en particulier à Keynes et puis ensuite à Galbraith, ont échafaudé des
théories qui nous ont mené à ce qu’on a appelé l’État-Providence, un
capitalisme plus humain si l’on peut dire. Un capitalisme avec des
garde-fous.
Mais l’humanité n’est pas bien douée pour la mémoire, et l’appât du gain
représente une source de motivation particulièrement puissante si bien qu’à
partir des années 1980, le courant néo-libéral a grugé et s’est
efficacement appliqué à jeter par terre tout ce qui pouvait ressembler à la
sociale démocratie. Il fallait au plus vite procéder à ce qu’on appelait
une révolution du bon sens. Il fallait être efficace, abattre les
barrières et les agences, abattre ceux qui empêchaient de s’enrichir en
rond. Rondes de privatisations, de dérèglementations, guerre au syndicats,
le renforcissement de l’ empire économique supra-national avec la Banque
Mondiale, l’Organisation Mondiale du Commerce, le Fonds Monétaire
International, voilà les fruits de cette nouvelle ingénierie mondiale. Il
s’agit d’une véritable distature sous des habits de liberté. Les fruits ne
tardèrent pas à se manifester dans cette jungle sans surveillance.
Édification de richesses sans précédent, scandales financiers, salaires
indécents de cadres, profits déraisonnables, primes de départ astronomiques
devinrent les fruits quotidiens de ces forces occultes.
Le capitalisme quand il s’habille de libéralisme économique est
foncièrement immoral. Sous le couvert d’une plus grande liberté, il cache
la spoliation des ressources des pays pauvres, il laisse se creuser l’écart
entre pauvres et bien nantis même dans les pays développés et mène la
planète plein cap sur la catastrophe. Finalement il produit bien plus de
pauvreté que de richesse. Et là, après une trentaine d’années de gâchis,
les boursificateurs, les spéculateurs ont le nez bien planté dans leur
propre caca et ça pue. Le comble, c’est qu’on se tourne vers cet État
qu'on dit si peu efficace pour financer la tentative de renflouement des
banques. Voilà les bienfaits de ce vieil ordre nouveau, le triste résultat
de cette vague de soi-disant progrès, de cette révolution du non sens.
Bravo messieurs dames, félicitations pour votre beau programme. Il est
maintenant pathétique et en même temps ironique de voir tous ces chantres
de l’économie dérèglementée grimacer en essayant de ravaler leur vomi. En
fait, ils sont plutôt loqigues avec eux-mêmes, ils le font avaler par les
autres, par les payeurs de taxes.
Il s’agit, à la base, d’un problème américain, comme en 1929, mais les
dommages collatéraux seront encore importants cette fois-ci. Espérons que
cette crise amènera les gouvernements à redevenir franchement plus
interventionnistes. Ces forces occultes ont besoin d’être domptées.
Espérons aussi que nous entendrons moins parler de la privatisation
d’Hydro-Québec, de celles des soins de santé et de nos ressources
aquatiques pour ne nommer que celles-là. Espérons encore que cela amènera
nos jeunes vieux libéraux à ravaler leur venin. Espérons enfin que cette
faillite clouera le bec à nos chroniqueurs économiques à sauce
néo-libérales qui nous martèlent leurs inepties depuis bien trop longtemps.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
L’économie libérale a encore le nez dans son propre caca
Le capitalisme quand il s’habille de libéralisme économique est foncièrement immoral.
Tribune libre 2008
Gilles Ouimet66 articles
Né à Mont-Laurier en 1947. Études primaires à cet endroit. Études classiques à Mont-Laurier et Hull entre 1961 et 1968. Diplômé en histoire de l’Université Laval en 1971. Enseignant à la polyvalente de Mont-Laurier entre 1971 et 2005. Directeur d’une troup...
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Né à Mont-Laurier en 1947. Études primaires à cet endroit. Études classiques à Mont-Laurier et Hull entre 1961 et 1968. Diplômé en histoire de l’Université Laval en 1971. Enseignant à la polyvalente de Mont-Laurier entre 1971 et 2005. Directeur d’une troupe de théâtre amateur (Troupe Montserrat) depuis 2000. Écriture pour le théâtre, notamment une pièce à l’occasion du centenaire de Mont-Laurier en 1985 (Les Grands d’ici), une autre à l’occasion du 150e anniversaire du soulèvement des Patriotes (Le demi-Lys...et le Lion) en 1987 (prix du public lors du festival de théâtre amateur de Sherbrooke en 1988 et 2e prix au festival canadien de théâtre d’Halifax la même année). En préparation, une pièce sur Louis Riel (La dernière Nuit de Louis Riel). Membre fondateur de la Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides. Retraité de l’enseignement depuis 2005.
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