Le gouvernement a fait adopter la loi 49 au petit matin hier. Pour plusieurs, c'est le début de la longue marche qui doit conduire l'industrie vers des jours meilleurs. Pour d'autres, c'est le début de la version forestière de la crise de la morue.
Le monde municipal n'applaudit pas à l'adoption de la loi 49, qui enlève aux usines, bien ancrées dans les collectivités des régions, les droits de coupe en forêt pour les rattacher cette fois-ci à «l'entreprise» qui en est propriétaire et qui pourra désormais transférer le bois récolté dans une région vers ses autres filiales ailleurs au Québec, et ce, dans des proportions à définir par règlement.
Pour le président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), Bernard Généreux, il est inconcevable que Québec ait adopté à toute vapeur une loi aussi lourde de conséquences avant même d'avoir en main les conclusions du sommet de mars 2007 sur l'avenir du secteur forestier. À l'Assemblée nationale, le Parti québécois a martelé les mêmes thèmes.
Pour la FQM, «le projet de loi 49 est une porte ouverte à la rationalisation de l'industrie forestière». En permettant le transfert des CAAF d'une usine à l'autre, «Québec remet ni plus ni moins le lien forêt-usine qui permet aux communautés de bénéficier des retombées de la forêt» et d'assurer la vitalité économique et sociale de plusieurs régions éloignées. Pour la FQM, les transferts d'une usine à l'autre devraient au préalable faire l'objet d'un consensus avec le milieu et les élus locaux. Sinon, prédit Bernard Généreux, «une fois de plus, les populations vont être laissées à court de ressources et d'outils dont elles ont besoin pour assurer leur pérennité».
Éric Bauce, vice-recteur à la recherche à l'Université Laval et ancien membre de la commission Coulombe, se dit d'accord, mais à certaines conditions, avec la nécessité de procéder à une «consolidation» de l'industrie forestière québécoise, qui perd de plus en plus de clients en raison de la mondialisation des marchés, a-t-il déclaré.
M. Bauce a rappelé que la commission avait insisté sur la nécessité de procéder à une consolidation de l'industrie, qui maintient souvent dans une même région plusieurs équipements fonctionnant tous au ralenti. Comme le prévoit la loi 49, les élus régionaux devront acheminer leurs recommandations à Québec sur les limites à imposer aux transferts de bois entre usines et entre régions. Mais cet exercice de rationalisation est essentiel car, a précisé l'ancien commissaire, «si le système reste tel quel, il n'est pas viable».
Ce qui est impératif, à son avis, c'est de convaincre Québec de mettre à la disposition des régions les budgets nécessaires, soit pour ajouter des activités de transformation du bois, soit pour susciter de nouvelles activités économiques dans d'autres secteurs, comme le domaine récréotouristique, pour maintenir le niveau de l'activité économique.
«La vraie brisure, la vraie rupture du contrat social, a-t-il dit, ce serait d'abandonner le système actuel à son sort. Ce serait abandonner les régions que d'assister passivement à l'effondrement du système en place. On voyait nettement venir ce problème en 2004, ce qui a amené la commission à parler de "l'inévitable consolidation". L'important dans le moment, ce n'est pas de sortir du bois mais de produire le plus d'argent possible avec moins de bois. Et c'est là-dessus qu'on doit exiger des politiques efficaces.»
Mais le poète-chansonnier Richard Desjardins n'est pas de cet avis. En entrevue hier, il a prédit que «ça va être épouvantable! En décrochant le lien juridique entre la forêt et l'usine qu'elle doit alimenter, le gouvernement rompt un pacte social très important. Les compagnies vont se construire de gros moulins dans le sud. Et le monde des régions va regarder passer le bois devant chez eux sans y créer autant d'emplois. Québec pourra bien sûr limiter un peu les transferts, mais il ouvre une porte qui ne peut que s'ouvrir davantage avec les années. L'industrie lorgne vers le modèle de la Colombie-Britannique, c'est-à-dire moins d'usines, mais de plus en plus grosses et productives. À tout prendre, je préférerais qu'on déconnecte les CAAF [contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestiers] des compagnies».
«Pour l'instant, c'est l'industrie qui ramasse tout ce qu'elle veut. On comprend qu'elle soit contente! Coulombe avait recommandé qu'on cesse de lui permettre de déduire les coûts d'aménagement des forêts des royautés qu'elle doit payer à Québec. Non seulement Québec ne respecte pas cette recommandation, mais il décide en plus d'assumer le coût des chemins forestiers et celui de la confection des plans d'aménagement. Et puis, il ne chargera rien aux compagnies qui vont récolter le bois brûlé et, en plus, sans que cela réduise les allocations de coupe autorisées», a conclu le poète-chansonnier qui copréside l'Action boréale.
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