Le gouvernement Legault veut mettre la hache dans Apuiat, mais il se retrouve avec 12 autres projets énergétiques qui coûteront 3,2 milliards $ en achat d’électricité sur les bras malgré les surplus énergétiques, a appris Le Journal.
Les 12 projets répertoriés par Le Journal doivent fournir 170 MW d’énergie à Hydro-Québec, soit un peu moins qu’Apuiat et ses 200 MW.
Mais plusieurs de ces contrats, dont le Bureau parlementaire a obtenu copies, obligent Hydro-Québec à acquérir une énergie très coûteuse, parfois deux fois plus chère que celle d’Apuiat, déjà considérée comme inutile par le gouvernement Legault.
En moyenne, l’énergie produite par biomasse, éolienne ou avec des minicentrales hydroélectriques coûterait 11,7 cents le kilowattheure si elle était produite en 2019, contrairement à 7 cents le kilowattheure pour Apuiat.
Ces contrats s’échelonnent sur une durée de 20 à 25 ans et forceront la société d’État à acheter pour plus de 3,2 milliards $ d’électricité dont elle n’a pas besoin s’ils se concrétisent tous.
Le plus important d’entre eux, un projet de biomasse forestière à Lebel-sur-Quévillon, stipule qu’Hydro-Québec doit acheter pour près de 1,2 milliard $ d’électricité sur une période de 25 ans.
Trop coûteux
Rappelons que le gouvernement Legault est opposé au projet éolien d’Apuiat jugé trop coûteux. Situé sur la Côte-Nord, ce projet porté par les Innus et Boralex est dans le collimateur caquiste.
En août dernier, François Legault était catégorique. «J’ai confiance que même les citoyens de la Côte-Nord vont comprendre qu’on ne peut pas mettre 1,5 milliard de pertes chez Hydro-Québec pour créer des emplois. Il faut que ce soit des emplois utiles», disait-il.
De son côté, Hydro-Québec fait valoir que ces ententes ont été signées et qu’elles proviennent d’appels d’offres lancés par décrets gouvernementaux.
La quasi-totalité des promoteurs de ces projets a cependant raté des échéanciers et est en retard. Hydro-Québec aurait pu résilier ces contrats. Elle leur a toutefois généreusement laissé le bénéfice du doute.
«Dans la mesure où ces retards découlent de facteurs externes au fournisseur, le distributeur accepte en pratique de surseoir, sans toutefois y renoncer, à son droit de résilier les contrats», explique le porte-parole Serge Tsoto.
Établir un plan
Ces projets, principalement lancés sous le gouvernement Charest, avaient été initiés pour favoriser le développement économique régional.
«Il faudrait clairement faire une politique de développement régional et industriel, parce que c’est de cela qu’il s’agit dans tous ces contrats», note le chercheur Pierre-Olivier Pineau.
«Les gouvernements du Québec ont historiquement émis des décrets obligeant Hydro-Québec Distribution à acheter de l’énergie dont elle n’a pas besoin. [...] Le gouvernement peut se le permettre parce qu’il possède HQ, mais c’est pratiquement de l’ingérence et une mauvaise pratique de gouvernance et de gestion», estime-t-il.
DES CONTRATS D’ÉLECTRICITÉ COÛTEUX
Voici les différents projets pour lesquels des ententes ont été conclues et sur lesquels le gouvernement Legault devra statuer.
PARC ÉOLIEN SAINT-CYPRIEN
- Montérégie
- 18,8 MW
- 14,7 ¢*
CENTRALE DE COGÉNÉRATION DE LA HAUTE-YAMASKA–ROLAND THIBAULT
- Montérégie
- 1 MW
- 12 ¢*
CENTRALE DE COGÉNÉRATION BEDFORD
- Montérégie
- 9,5 MW
- 11,9 ¢*
CENTRALE DE COGÉNÉRATION COMPLEXE VAL-D’OR
- Abitibi-Témiscamingue
- 9,9 MW
- 11,9 ¢*
CENTRALE DE COGÉNÉRATION DE LEBEL-SUR-QUÉVILLON
- Nord-du-Québec
- 45 MW
- 11,9 ¢*
CENTRALE DE COGÉNÉRATION ASSINICA
- Nord-du-Québec
- 4,5 MW
- 11,9 ¢*
PARC ÉOLIEN BELLE-RIVIÈRE
- Saguenay–Lac-Saint-Jean
- 24 MW
- 13,2 ¢*
CENTRALE HYDROÉLECTRIQUE MANOUANE SIPI**
- Mauricie
- 22 MW
- 9,6 ¢*
CENTRALE DE COGÉNÉRATION COMPLEXE BOISACO
- Côte-Nord
- 9,9 MW
- 11,9 ¢*
CENTRALE HYDROÉLECTRIQUE DE LA CHUTE DU QUATRE MILLES
- Côte-Nord
- 5,5 MW
- 9,6 ¢*
CENTRALE HYDROÉLECTRIQUE DES CHUTES DU SIX MILLES
- Côte-Nord
- 13,2 MW
- 9,6 ¢*
PARC ÉOLIEN DE LA DUNE-DU-NORD
- Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine
- 6 MW
- 11,5 ¢*
*Tarifs au kWh actualisés au 1er janvier 2019
** Entente pas encore signée, mais projetée par Hydro Québec