C’est finalement 15 000 billets qui ont réellement été vendus pour la course de Formule E qui a eu lieu cet été à Montréal, soit à peine le tiers de toutes les places disponibles.
À la suite de l’annulation de la prochaine course annoncée lundi par la mairesse Valérie Plante, notre Bureau d’enquête a appris qu’une minorité des 45 000 participants ont payé leurs billets les 29 et 30 juillet derniers. En octobre dernier, Montréal c’est électrique et les organisateurs de la course avaient soutenu que 25 000 billets avaient été vendus. Selon nos informations, 10 000 de ces billets ont en fait été remis à des partenaires corporatifs.
L’événement s’est soldé par un important déficit de 13,5 millions $, dont une bonne partie devra être absorbée par les contribuables montréalais.
Pendant toute la campagne électorale, l’ancien maire Denis Coderre a refusé de répondre sur le nombre de billets donnés. L’enjeu a fini par occuper une place prédominante à tel point que l’ex-maire a fini par plier à quelques jours du vote.
Il a demandé à Montréal c’est électrique, l’organisme sans but lucratif chargé d’organiser la course, de dévoiler les chiffres. Plutôt que de dire uniquement le nombre de billets vendus, MCE a fait un amalgame avec ceux qui ont été remis aux commanditaires dans le cadre d’ententes. Cela faisait gonfler les chiffres à 25 000 billets.
Encore du secret
Des doutes ont vite été émis sur ces chiffres. Certaines informations ont laissé croire que seulement 5000 billets avaient été vendus à la billetterie.
Une aura de secret continue d’entourer les chiffres officiels. Encore mardi matin, le directeur général de MCE, Simon Pillarella, a refusé de donner le nombre de billets vendus lors d’une entrevue au 98,5 FM. Il a indiqué que les données n’avaient pas été vérifiées et auditées.
Selon nos informations, le nombre de billets n’apparaît pas aux états financiers de MCE. On parle plutôt de revenus de billetterie et d’autres sources qui se chiffrent à 3,5 millions $.
Pour Simon Pillarella, le nombre de billets vendus n’est pas si important.
« Même si on avait vendu beaucoup plus de billets, on aurait eu un gros déficit quand même », a-t-il soutenu à Paul Arcand.
Pas assez de subventions
Selon MCE, c’est l’ancien cabinet du maire Coderre qui n’a pas livré les 11,5 M$ promis en subvention. L’administration n’a pu trouver que 3,5 M$. Nos informations indiquent que Coderre espérait obtenir 4 M$ du fédéral et autant du provincial.
Compte tenu des dépenses déjà engendrées pour le 375e de Montréal, les autres paliers de gouvernement étaient plutôt réticents. Le fédéral n’a fait qu’octroyer un prêt à l’événement.
La Formule E Operations risque maintenant d’entamer des poursuites pour le bris du contrat qui s’étirait jusqu’en 2019.
♦ La FEO a retiré le nom de Montréal dans son calendrier de la saison 2018. Elle a toutefois conservé les dates du 28 et 29 juillet avec la mention TBA (à confirmer).
Des économies de plusieurs millions de dollars
La Ville de Montréal économisera environ 6 millions $ qui avaient été prévus pour le montage et le démontage du circuit de Formule E.
Le contrat de 8,9 millions $ avait été octroyé à la firme Techline de Repentigny pour la période de 2017 à 2022. L’entreprise devait installer les murets de béton et assurer la signalisation autour du site de la course.
Une clause au contrat prévoit une annulation en tout temps avec un préavis de 90 jours avant la course. Étant donné que l’administration de Valérie Plante a décidé de ne pas tenir la course dans les prochaines années, le contrat devient caduc.
Gros contrat
Il s’agissait du plus important contrat dans les dépenses de 24 millions $ annoncées par la Ville pour l’organisation de la course. Des ajustements budgétaires avaient d’ailleurs été prévus au budget de la culture de l’arrondissement Ville-Marie pour couvrir ces coûts pour les cinq années à venir.
Il faut dire que l’octroi de ce contrat n’a pas été de tout repos pour l’administration municipale. Un premier appel d’offres pour le montage, le démontage et la fourniture de murets de protection s’est terminé par une seule soumission, celle de Techline à 24,4 millions $.
Selon le système électronique d’appel d’offres (SEAO), le projet a été annulé parce que la soumission était trop élevée.
Questionnée à ce sujet, l’ancienne administration a dit à notre Bureau d’enquête en septembre dernier qu’il s’agissait d’une erreur au SEAO.
Pas conforme
« La raison de l’annulation de l’appel d’offres est que le seul soumissionnaire n’était pas conforme, car il n’a pas fourni de cautionnement de soumission », a dit Anik de Repentigny. C’est d’ailleurs cette justification qui a été présentée aux élus pour annuler le projet d’appel d’offres.
Dans un second appel d’offres lancé en octobre 2016, on a séparé le montage-démontage et la fourniture des murets de protection.
Cette fois, c’est la compagnie Deric construction qui a obtenu le contrat de fabrication des murets en béton pour 7,5 millions $. L’entreprise Techline a quant à elle décroché le contrat pour le montage et le démontage du circuit pour 8,9 millions $.
Ce montant est 2,2 millions $ au-dessus de l’estimation faite par les professionnels de la Ville. On a tout de même autorisé le contrat après une révision par la Commission permanente sur l’examen des contrats.