Manifestations au Caire

De l'avidité

Géopolitique — Proche-Orient


Contrairement à ce qui avait été observé au début de la présente année, l'armée égyptienne a décidé ces jours-ci de nettoyer la place Tahrir en tirant sur les manifestants à balles réelles. Bilan? Des centaines de blessés et une trentaine de morts. Ce recours à un arsenal plus répressif aujourd'hui qu'hier confirme, si besoin était, combien le Conseil suprême des forces armées (CSFA) s'applique à semer et à cultiver un lot d'ambiguïtés dans le but, estiment ceux qui manifestent présentement, de conserver le pouvoir le plus longtemps possible et ses privilèges, notamment financiers, à jamais.
Avant tout, on rappellera qu'au lendemain du renvoi d'Hosni Moubarak le CSFA s'était engagé à remettre le pouvoir entre les mains des civils au bout de six mois. Ce délai ayant été jugé trop court, avec raison d'ailleurs, il a été rallongé. À tel point que l'on n'entrevoit pas l'organisation d'une présidentielle avant 2013. De quoi, on l'aura deviné, épuiser la patience de ceux et celles qui ont écrit la version égyptienne du printemps arabe. En fait, non seulement ces derniers ont consommé leur réserve de patience, mais ils sont également passablement inquiets.
Il en est ainsi depuis que le CSFA a envoyé des signes propres à renforcer l'idée, au sein de la population, que son avidité pour le pouvoir est si prononcée qu'il veut le conserver. En tout ou en partie, cela reste à déterminer. Toujours est-il qu'en octobre une campagne a débuté pour que l'actuel patron du CSFA, le maréchal Mohamed Tantawi, se présente à la présidentielle. Ensuite, en novembre, le Conseil a publié un projet de constitution dans lequel il est stipulé en lettres de marbre que l'armée doit échapper à tout contrôle des civils. Quelques jours plus tard, ce même Conseil a indiqué qu'il souhaitait se réserver la nomination de 80 des 100 parlementaires qui seront chargés, courant 2012, de rédiger la constitution qui sera soumise à l'assentiment des Égyptiens par la voie d'un référendum.
Simultanément à cette série de gestes, les militaires se sont appliqués et vont continuer à s'appliquer méticuleusement à conserver l'intégralité de leur trésor. De quoi s'agit-il? Des complexes touristiques, des entreprises de construction, de transports, de communications qu'ils possèdent, du vaste parc immobilier et des terres qu'ils détiennent. Selon certains calculs, la somme des activités économiques entre les mains des militaires avoisinerait le tiers du PIB. À cet égard, ils ont prévenu que si un gouvernement civil amorçait l'amputation de leurs actifs, celui-ci s'exposerait alors à une contre-offensive que l'on imagine aisément très musclée.
À suivre l'évolution de l'armée au cours des trois derniers mois, un constat se dégage: elle veut rester au pouvoir. Elle est prête à concéder ici ou là, mais certainement pas au point que des civils accèdent au coeur de ce pouvoir si convoité.


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