Un jugement illégitime
Dans son jugement invalidant la loi 104 votée unanimement par
l'Assemblée nationale du Québec qui fermait la porte au contournement de la
loi l01 par les écoles passerelles, la Cour Suprême du Canada s'appuie sur
l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie de la
loi constitutionnelle de 1982. Or cette loi canadienne a été adoptée
unilatéralement par le gouvernement canadien, d'une manière coloniale, sans
consultation de la population du Québec et sans tenir compte de
l'opposition de notre Assemblée nationale et, à ce jour, de notre
gouvernement. Nous ne discutons pas de la légalité du jugement en regard
de la constitution du Canada. C'est une évidence. Nous considérons le
jugement qui en découle comme illégitime.
La pire des solutions, la soumission
Devant cette négation de la démocratie québécoise, il y a trois
solutions. Le non-respect de la décision de la Cour Suprême puisqu'elle se
fonde sur les dispositions de la loi de 1982 qui n'ont pas été soumises au
peuple du Québec ou votée par ses représentants. Il va sans dire que, tant
que le Québec fait partie du Canada, cette solution pose des problèmes sur
les plans juridiques et politiques, mais qu'on pourrait vouloir affronter.
La seconde option, inattaquable dans l'espace juridique canadien et
surtout, inattaquable démocratiquement, est celle du recours à la clause
nonobstant pour soumettre les écoles privées aux dispositions de la loi
101. Cette clause dérogatoire est un moyen qui permet aux élus de protéger
la population contre l'arbitraire des juges. Le gouvernement Charest a
refusé l'une et l'autre voie pour choisir une troisième option, la pire :
se soumettre à cette décision illégitime en adoptant le nébuleux concept de
« parcours authentique » inventé de toutes pièces par la Cour suprême.
Dans le texte de leur jugement, les sept juges se permettent
d'ailleurs de réprimander notre Assemblée nationale, déclarant les moyens
mis en place par la loi 104 « excessifs » et « draconiens », ce qui est un
jugement politique privilégiant les droits individuels au détriment des
droits collectifs de la nation québécoise. Devant cela, le Gouvernement
Charest plie l'échine et accepte de faire amende honorable en suivant
docilement la voie tracée par les honorables juges. Nous avons honte
aujourd'hui de notre gouvernement !
On discutera longtemps des détails de ce tour de « passe passerelle »
qui remplace l'école passerelle par une « route à péage » plus longue, plus
coûteuse, plus bureaucratique qu'avant, mais où « l'oncle riche » pourra
toujours financer le parcours privé de la parenté pour leur donner accès
au « nirvana » de l'école anglaise.
Des effets au delà du projet de loi 103
Mais là n'est pas le plus important. Plus choquant encore est cette image
de colonisé et de gouvernement mineur qu'affiche le Gouvernement du Québec
qui aura pour conséquence de favoriser l'anglicisation bien au delà des «
bénéficiaires » du projet de loi 103, alors qu'il faut au contraire
intensifier la campagne pour le renforcement et le respect de la Charte du
français pour contrer le mouvement d'anglicisation que tous constatent,
surtout à Montréal.
Les écoles passerelles ne sont que la pointe de l'iceberg. La loi 101
a subi plus de 200 amendements qui l'ont affaiblie dans la plupart de ses
secteurs d'application : langue de la législation et de la justice (1979
arrêt Blaikie), langue de l'enseignement (1982 et 1984, clause Canada de la
Charte canadienne), langue de l'affichage commercial (1988, arrêt Ford),
langue de la législation et de la justice (1992 arrêt Sinclair). L'invalidation de la loi 104 rouvrant une porte à l'école anglaise au Québec
n'est que le plus récent geste contestant la légitimité de notre Assemblée
nationale. Il doit être le dernier !
Cette capacité démontrée par le régime canadien de nier les consensus
québécois, de soumettre le gouvernement et l'Assemblée nationale du Québec,
présentés comme instances mineures, se conjugue au refus du gouvernement
canadien d'appliquer la loi 101 à ses propres organismes au Québec, pendant
que la politique canadienne du multiculturalisme, enchâssée dans cette même
loi constitutionnelle de 1982, fait disparaître l'idée de « peuple
fondateur », au profit d'une mosaïque de cultures où la nôtre n'en est
qu'une parmi d'autres.
Globalement, le message qui nous vient du Canada, endossé et renforcé
par le Gouvernement Charest, ancre l'idée que les prises de position et les
lois de l'Assemblée nationale du Québec, même unanimes, ne sont pas
importantes. Elles peuvent être invalidées par quelques juges sur la base
de leurs préjugés. Le message qui se dégage est qu'il y a deux langues
officielles même au Québec, que la majorité des québécois aiment ça ou non.
On prend celle qu'on veut !
Après cela, comment se surprendre de la progression de l'anglais à
Montréal, des difficultés d'intégration des allophones partagés entre deux
langues et deux nationalités, de la réaction des francophones qui voient
leur cohésion nationale menacée.
Pour une campagne jusqu'au retrait du projet de loi.
La longue marche du Québec qui a mené à la loi 101 ne peut être contrée par
la Cour suprême d'une nation qui a imposé sa loi constitutionnelle au
Québec unilatéralement, sans son consentement. Le gouvernement du Québec
doit faire respecter les décisions et les lois de l'Assemblée nationale en
étendant les dispositions de la loi 101 à l'ensemble des écoles du Québec,
publiques ou privées.
Cette lutte n'est pas partisane. Elle interpelle toute les composantes
de la nation québécoise dont l'intégrité dépend de la consolidation du
français comme langue nationale. On le voit bien, cette intégrité ne sera
possible que si le Québec s'affranchit des dispositions de la Constitution
canadienne.
Gilbert Paquette, Andrée Lajoie, André Brunel, Ercilia
Palascio-Quintin, Florent Michelot, Micheline Labelle, Jocelyne Couture,
Philippe Leclerc, Simon-Pierre Savard-Tremblay, Louis Larochelle. Pour le
conseil d'administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO)
Contrer la soumission à un jugement illégitime !
Bloquons le projet de loi 103
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