C'est en fin de semaine passée que se sont tenus les États généraux sur le féminisme. Organisés par la Fédération des femmes du Québec (FFQ), un organisme connu pour s'être opposé à l'interdiction du port du voile chez les femmes au service de l'État, l'événement visait surtout à définir les grandes orientations du mouvement féministe québécois pour les 20 prochaines années.
Si l'objectif est louable, nous sommes en droit de nous demander quels seront les effets positifs de cette grande messe féministe quant à l'émancipation collective des femmes. Car non seulement siégeaient au comité d'orientation deux personnalités soupçonnées par plusieurs d'avoir fait du lobbying pour des organismes à tendance intégriste, mais l'adoption de l'approche de « l'intersection des oppressions » rappelle franchement le relativisme culturel qui imprègne désormais une frange considérable du féminisme en Occident.
Que font deux lobbyistes aux États généraux ?
Il faudra sans doute que l'on explique aux disciples de Simone de Beauvoir comment des femmes ayant fait la promotion de l'islam politique peuvent arriver à siéger sur un comité d'orientation d'un mouvement féministe. Effectivement, Samira Laouni a été agente du Congrès islamique canadien, lequel a déjà milité en Ontario en faveur de l'instauration de tribunaux islamiques. En 2008, la candidature de Mme Laouni au NPD dans la circonscription de Bourassaavait d'ailleurs été vivement critiquée par des militants laïques ainsi que par l'écrivain canadien d'origine pakistanaise Tarek Fatah.
Quant à Leila Bdeir, il s'agit un peu du même scénario : cette dernière a été porte-parole pour l'organisme Présence musulmane, un lobby international inspiré des idées d'Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans. L'implication de Samira Laouni et de Leila Bdeir dans les milieux intégristes a été habilement décortiquée par Djemila Benhabibdans son livre Les soldats d'Allah à l'assaut de l'Occident.
De la contraception au multiculturalisme?
La volonté de mettre l'accent sur les « réalités complexes et diversifiées » des femmes témoigne aussi d'un triste refus de l'universel. Seul le vocabulaire employé par les conceptrices du programme des États généraux, pour décrire son approche en matière de diversité, traduit une adhésion relativement forte à un multiculturalisme qui a été vivement critiqué par la philosophe féministe Susan Moller Okin dans un texte important sur la question. Grosso modo, cette dernière affirmait que le multiculturalisme ne pouvait que nuire aux femmes issues des minorités culturelles, en les astreignant souvent à jouer le rôle qui leur est traditionnellement réservé, soit celui de femmes soumises à leur mari.
Le refus actuel des féministes d'adhérer à une conception claire de l'émancipation féminine incarne ainsi le rejet de l'idée qu'il puisse exister des revendications communes et partagées par toutes les femmes. Au nom des libertés individuelles et par souci d'éviter tout « impérialisme culturel », on semble prêt à sacrifier sur l'autel polyculturel le sens du collectif qui animait autrefois les luttes populaires.
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Ayant décidé d'écarter la laïcité du débat, les organisatrices souhaitaient apparemment que les discussions ne tournent pas seulement autour de ce sujet controversé. Malgré tout, il apparait évident que les conclusions n'auraient pas été favorables à la laïcisation de nos institutions, un processus qui est évidemment contraire au communautarisme préconisé par plusieurs féministes à l'œuvre au sein de la FFQ, dont Samira Laouni et Leila Bdeir.
Il est donc fort à parier qu'à l'occasion de ces États généraux, l'unanimité qui s'est fait sentir parmi les féministes ne fut qu'une mascarade. C'est aussi l'avis de Michèle Sirois, l'une des féministes ayant quitté Québec solidaire en raison des positions paradoxales du parti sur les droits des femmes à disposer de leurs corps. Elle déplorait qu'il était impossible de changer la trajectoire de la FFQ concernant de nombreux enjeux.
Il faut également rappeler que ce grand évènement n'aurait pas été possible sans la grande « générosité » de notre gouvernement. Ne croyez-vous pas qu'il serait grand temps de revoir le financement accordé à une telle entreprise de relativisation de nos valeurs ?
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