Disons-le. On se demandait combien de temps, assommées par le choc, hébétées par le chagrin, les familles des victimes du 13 novembre resteraient silencieuses. Combien de temps le gouvernement pourrait poursuivre ses discours graves et émus en se lavant les mains sans que personne – personne de touché dans sa chair – n’y trouve à redire. Combien de temps il parviendrait à tranquillement prospérer, refleurir, rajeunir même, engrangeant sans vergogne les dividendes électoraux de sa propre impéritie.
Cette fois, c’est fait. Une jeune femme s’est levée. Son frère, François-Xavier Prévost, a été assassiné au Bataclan et elle l’écrit en lettres capitales :
J’APPELLE AU BOYCOTT DE L’HOMMAGE NATIONAL RENDU AUX VICTIMES ET VOUS INVITE A PARTAGER MON STATUT.
Elle égraine, une à une, sans violence ni insultes, mais avec l’inexorable évidence des faits, les raisons pour lesquelles sa famille et elle « refusent cette main tendue par les représentants politiques de la France ».
Parce qu’en France, depuis les attentats de janvier, rien n’a été fait, « 10 mois plus tard, les mêmes hommes sont en mesure de recommencer et de faire cette fois-ci 10 fois plus de morts ». « Parce qu’en France, il est possible d’être en lien avec un réseau terroriste, de voyager en Syrie et de revenir librement », parce qu’en France, les « personnes fichées S […] circulent librement », empruntent les transports en commun, louent des voitures, « travaillent à nos côtés », sans faire l’objet d’aucune obligation de suivi ni de surveillance. Parce qu’avant les événements tragiques du 13 novembre, jamais personne ne s’est posé la question de la « dissolution » des « 89 mosquées recensées comme radicales »…
Votre main tendue, votre hommage, nous n’en voulons pas et vous portons comme partie responsables de ce qui arrive ! C’est plus tôt qu’il fallait agir. Les attentats du mois de janvier auraient dû suffire.
termine, implacable, Emmanuelle Prévost.
Comment ne pas la comprendre ? Lorsqu’un lotissement est inondé, on ne poursuit pas seulement l’entrepreneur véreux qui a bâti, mais aussi l’élu local qui, avec une légèreté criminelle, a laissé faire. Lorsqu’un patient meurt sur la table d’opération d’un chirurgien alcoolique notoire, ce n’est pas seulement celui qui tenait le scalpel qui est mis en cause, mais la hiérarchie de l’hôpital qui, bien qu’au courant, n’a pas viré – par insouciance, copinage, démagogie, désorganisation ? – le toubib. Et quelle famille supporterait de voir le maire, le chef de service la serrer avec emportement contre son cœur et plastronner, avec une mine de circonstance, le jour de l’enterrement ?
Alors au-delà des terroristes, qui est responsable ?
Sa déclaration, qui a fait un gigantesque buzz sur Facebook, est reprise désormais par la presse. Déjà, dans Var-Matin, le père d’une autre victime – Aurélie de Peretti – lui emboîte le pas. Jean-Marie de Peretti a fait savoir qu’il ne se rendrait pas à l’hommage auquel il a été convié et dit pourquoi : « L’espace Schengen est devenu une passoire. » « [Il] a laissé passer toutes ces personnes pourtant signalées par le fameux fichier S. »
François Hollande demande aux Français, vendredi, de pavoiser leurs fenêtres. Ces familles endeuillées ne peuvent supporter l’idée que ce soit lui qui pavoise, sans rendre de comptes à personne.
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