Il était l'expert de ces textes hommages destinés à honorer la mémoire des grands. Pour Le Devoir, il fut souvent prompt à proposer de ces articulets posthumes, payant à l'aide des mots ses derniers respects à un illustre disparu. À nous aujourd'hui, Bruno Roy, de souligner vos facettes de grand homme.
Il habitait une enveloppe de géant, comme s'il était destiné à mener quelque important combat. Il en mena plus d'un. C'est une lutte nécessaire qu'il a pilotée au nom des orphelins de Duplessis — dont il était lui-même un parfait contre-exemple — jusqu'à obtenir pour eux de Québec une indemnité destinée à apaiser une (mince) partie de leurs souffrances.
Victimes d'une connivence État-Église, ces enfants ont été taxés de souffrir de maladies mentales uniquement aux fins d'économies. Coupés de toute instruction, ils souffrirent ensuite du lourd silence dont on les accabla, jusqu'à ce que Bruno Roy entreprenne de le briser. Son affection profonde pour l'humain se manifesta dans cette quête; en se faisant ainsi le porte-voix de ce groupe d'opprimés, il voulait entre autres leur redonner une certaine dignité.
Lui-même étiqueté «arriéré mental», M. Roy a, semble-t-il, passé sa vie à rattraper le temps perdu. Comment savoir? C'est peut-être cette impression d'avoir été volé d'une partie de son enfance qui l'a incité à être d'autant de causes, de la protection de la langue française à la création du cégep Gérald-Godin (un établissement francophone en plein West Island!), avec un long passage autour des droits des écrivains.
L'écriture, jusqu'à la toute fin, aura été sa principale marque, et notre legs le plus précieux. Il tenta tous les genres, de l'essai pamphlétaire au roman, mais plusieurs disent de lui, en pensant à l'homme autant qu'à ses écrits, qu'il était avant tout un poète. L'année où il publia son essai Mémoire d'asile, il écrivit simultanément, sur le thème de l'abandon, les poèmes Les Racines de l'ombre. Le rêveur n'était jamais bien loin de l'activiste engagé.
Président notoire de l'Union des écrivains du Québec, où il mena d'autres importantes luttes, ce professeur de littérature qui se disait un «écrivain qui enseigne» servit un magnifique pied de nez au système qui avait décidé de ses incapacités. Une maîtrise en littérature et un doctorat sur la chanson française plus tard, il a admirablement cherché cette instruction qu'on lui avait d'abord refusée. Aujourd'hui, on parle d'un véritable résilient.
C'est l'homme de lettres et l'homme de coeur qui, il y a un mois à peine, offrait sa poésie pour honorer la mémoire de son ami Gilles Carle. Bruno Roy était à sa manière un «éveilleur de consciences». Ses mots, qui heureusement nous restent, ont été le socle de toutes ses causes et le respect de l'être humain, l'essence même de ses combats. Nos respects à ce grand humaniste, géant des mots, orphelin père de toutes les luttes.
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